Depuis près de deux ans, la société Label Phi accompagne les entreprises souhaitant se lancer dans la philanthropie. Sa dirigeante, Anastasia Andrieu, vient d’intégrer le classement Forbes des 40 femmes de l’année 2024. Elle revient sur la manière dont le secteur privé peut agir pour le bien commun.
Anastasia Andrieu (Label Phi) : "La philanthropie n'est pas l'apanage des grands groupes"
Décideurs Magazine. Quels sont les principaux écueils auxquels se confrontent les entreprises qui veulent se lancer dans la philanthropie ?
Anastasia Andrieu. Beaucoup de dirigeants de TPE et de PME ne se sentent pas légitimes et se disent "je suis trop petit, ce n’est pas pour moi". Mais la philanthropie n’est pas l’apanage des grands groupes capables de mobiliser de moyens financiers et logistiques importants. Cette posture est très française et, dans des pays comme l’Allemagne, les dirigeants d’entreprises de toutes tailles se sont appropriés la philanthropie.
L’autre barrière est d’ordre administratif. Mettre en place des actions de philanthropie et de mécénat ne nécessite pas de travail bureaucratique énorme. En revanche, comme c’est encore un secteur de niche, il est parfois difficile de trouver un bon interlocuteur, qu’il s’agisse d’un juriste, d’un avocat fiscaliste… Ce coût d’entrée devrait peu à peu diminuer puisque la philanthropie est en plein essor.
Une autre erreur potentielle serait d’agir uniquement dans une logique de communication. Mais, en réalité, aucune entreprise n’agit qu’avec une intention uniquement marketing. De toute manière, la loi oblige à publier les rapports, les actions concrètes, l’impact du mécénat de compétences, de nature ou financier.
Certes, le social washing est difficile. Mais reconnaissez aussi que la philanthropie est utile à une entreprise…
Oui. Ce n’est pas une honte de mélanger altruisme et intérêt. La philanthropie permet de répondre concrètement à un fait de société : désormais les consommateurs, les salariés, les dirigeants attendent que les entreprises œuvrent pour le bien commun. Il y a donc un besoin d’impact citoyen qui permet d’aller au-delà de l’enjeu d’image.
C’est aussi bénéfique pour les sociétés engagées. Souvent, elles incluent leurs salariés dans les activités philanthropiques, ce qui contribue à donner du sens au travail, à attirer et fidéliser des collaborateurs.
"Désormais, consommateurs, salariés et dirigeants attendent que les entreprises œuvrent pour le bien commun"
Quel type d’entreprise accompagnez-vous ?
Le Label Phi est une structure assez récente puisqu’elle a été créée il y a deux ans. Pour le moment nous avons accompagné une trentaine de clients aux profils variés. Il peut s’agir de personnes publiques comme le département de Seine-Saint-Denis, la CCI de Paris Île-de-France, de grands groupes comme BNP Paribas mais aussi Plus vivant que jamais qui sauvegarde des monuments historiques avec des activités économiques.
Un résultat vous a-t-il rendue particulièrement fière ?
Chaque action menée rend fier. Nous passons beaucoup de temps à plancher sur des notes de positionnement, des programmes d’actions, et voir les mots devenir réels fait toujours plaisir. Si je devais choisir une initiative, je mentionnerais Plus vivant que jamais qui dirige le Château des langues. Cette école de langue est une TPE mayennaise installée, comme son nom l’indique, dans un château. Sur la parcelle se trouve une ancienne manufacture textile du XVIIIe siècle. L’entreprise l’a transformée en résidence d’artistes spécialisés dans le textile.
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz