Fondée en 1993 par deux polytechniciens, Aérophile est notamment connue des Parisiens pour son ballon Generali, qui envoie dans les airs 60 000 passagers par an. Les problématiques rencontrées lors de la création et de l’exploitation de ses ballons captifs lui ont donné l’idée de développer des filtres à air révolutionnaires. Un projet qui a convaincu les organisateurs des JO et dont nous parle le président d'Aérophile, Jérôme Giacomoni.
Jérôme Giacomoni (Aérophile) : "Notre innovation permet de réduire la pollution près du village olympique"
Décideurs. On dit de vous que vous révolutionnez la dépollution de l’air extérieur. Qu’apportez-vous de nouveau sur le marché ?
Jérôme Giacomoni. Révolutionner est peut-être un grand mot mais nous apportons, c’est vrai, une innovation majeure. Aujourd’hui, des filtres mécaniques sont utilisés pour nettoyer l’air. Ceux-ci fonctionnent un peu comme des filtres à café. Ils ont deux grands défauts : ils consomment beaucoup d’énergie car l’air passe par là où il ne passe par naturellement, donc il faut beaucoup de pression. Ensuite, les filtres doivent être changés tous les ans, voire tous les six mois. Ces systèmes ne sont pas des solutions adaptées aux grands débits d’air, comme les métros, écoles ou aéroports. Nous, nous avons inventé un système qui permet de dépolluer l’air grâce à l’électricité. L’air qui passe à travers les électrofiltres est ionisé, permettant aux particules de venir se coller aux filtres. Il suffit ensuite de nettoyer ces derniers. C’est un peu comme une rivière dans laquelle l’eau continuerait de couler mais où les polluants seraient aimantés sur leur trajet.
Pour la première fois, et à l’occasion des JO, vous avez installé des aérophiltres en plein air. En quoi consiste votre prestation ?
Nous avons installé 5 filtres qui ont chacun une capacité de 6 m3 par seconde, c’est-à-dire qu’ils sont capables à eux tous de nettoyer 100 000 m3 par heure, soit l’équivalent de 40 piscines olympiques. De la même manière qu’à une époque les terrasses étaient chauffées avec des petites chaufferettes, nous créons des fontaines d’air pur. Plus vous en êtes proches, plus la qualité de l’air est bonne. Bien sûr il faudrait davantage d’aérophiltres pour dépolluer tout un quartier mais ces premiers appareils nous permettent d’apprendre jusqu’où peut aller notre système.
"Les aérophiltres ont vocation à rester après les JO"
Comment pourrait se développer à l’avenir votre produit ?
Notre innovation consomme trois fois moins qu’un filtre mécanique et permet de réduire la pollution. Or la pollution est l’une des principales causes de mortalité dans le monde. Les aérophiltres seraient notamment pertinents dans les métros où l’air est trois fois plus pollué que dans la rue. Les personnes qui prennent ces transports en commun font un geste pour la planète et n’ont souvent pas d’autres moyens de se déplacer, il me paraît juste de leur offrir un air au moins aussi bon que celui qu’elles respireraient dehors. Nous allons équiper une station de métro à Lyon. Nous avons calculé qu’il fallait seize aérophiltres (huit de chaque côté de la station) pour y diviser par deux la pollution. On voit bien également l’intérêt de notre solution dans un cas comme le Covid. Nos aérophiltres filtrent 95 % des particules fines. Les virus sont des particules fines.
Comment avez-vous obtenu ce contrat pour les Jeux olympiques ?
Grâce à un appel d’offres qui a été extrêmement bien fait et impartial. Nous l’avons remporté face à de très grandes entreprises. Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques) s’était réservé un budget pour des innovations et nous a fait confiance sur une technologie. Avant les Jeux olympiques, nous avons mené une expérimentation dans une cour d’école du 9e arrondissement qui s’est avérée très concluante. Les aérophiltres du village olympique ont vocation à rester. Ils sont efficaces pour dépolluer et sont aussi du très beau mobilier urbain qui permet de faire de l’ombre sur cette place très minérale. Sans les JO, nous ne nous serions peut-être pas lancés dans le développement d’une technologie aussi complexes, même si nous en avions déjà l'idée.
Propos recueillis par Olivia Vignaud