Depuis 2017, Adeline et Éléonore Guérard ont pris la suite de leur mère, incarnant la troisième génération aux commandes de Chaîne thermale du Soleil. L’histoire reste d’autant plus familiale que leur père, le chef Michel Guérard, y opère tout comme le mari d’Éléonore, codirecteur général.

Décideurs. Comment résumeriez-vous l’histoire de Chaîne thermale du Soleil ?

Adeline Guérard. Nous avons une histoire proche de la représentation que l’on peut se faire du cycle de vie d’une entreprise familiale. Au départ: une personnalité visionnaire, un entrepreneur avec de l’audace qui a vu de nouvelles opportunités se profiler. Mon grand-père, à l’origine publicitaire, a repris une petite station thermale dans les Pyrénées orientales, qui faisait partie de son patrimoine commun avec son associé de l’époque. Collectionneur de beaux lieux, ambitieux, il a peu à peu intégré de nouveaux sites en réalisant de gros investissements pas toujours raisonnables. La deuxième génération, celle de ma mère, a assaini ce qui était un peu extravagant et consolidé l’activité, le patrimoine et l’actionnariat. À son décès, en 2017, nous avons repris l’entreprise avec ma sœur Éléonore. Nous continuons de la consolider tout en la projetant dans l’avenir.

Comment s’est passée la succession entre la première et la deuxième génération ?

Elle n’était pas bien préparée. Mon grand-père avait plusieurs enfants. La famille s’est déchirée comme souvent, dans ces cas-là, pour des raisons davantage affectives que de business. Le groupe aurait pu être divisé en deux mais finalement ma mère et l’une de ses sœurs ont emprunté pour désintéresser l’autre partie de la famille et récupérer la totalité de l’actionnariat. À l’époque, le contexte économique était difficile et les certains députés commençaient à remettre en cause le remboursement par l’assurance maladie des cures thermales prescrites par les médecins. Ce qui risquait d’avoir un impact sur notre entreprise. 

Saviez-vous depuis longtemps que vous reprendriez l’entreprise ?

Ma sœur a toujours su qu’elle voudrait rejoindre le groupe. Spécialisée en communication et marketing, elle s’occupe chez nous de ces segments ainsi que de la commercialisation ou encore du digital. Pour ma part, j’avais subi la période de succession de mon grand-père et n’avais pas envie de travailler en famille. J’ai été à Sciences Po avec une spécialisation en finance tout en étudiant en parallèle le droit des affaires. Ma sœur, qui était dans le groupe depuis quelque temps, me racontait ce qui s’y passait et j’ai réalisé que cela m’intéressait et que je pouvais apporter quelque chose. J’opère sur l’offre de soins et de santé, la formation ou encore les relations institutionnelles. Aujourd’hui, nous avons chacune notre pré carré mais nous sommes également interchangeables sur des sujets comme les projets ou les investissements. Nous avons mis en place une présidence tournante qu’occupe actuellement Éléonore tandis que je suis directrice générale aux côtés de mon beau-frère.

"Nous avons mis en place une présidence tournante"

Comment votre activité a-t-elle évolué ?

À côté des établissements thermaux, mon grand-père a repris ou lancé des structures d’hébergement afin d’accueillir la patientèle. Nous avons donc ce métier de l’hospitalité. Quand ma mère a rencontré mon père (le chef Michel Guérard, NDLR), celui-ci possédait un restaurant à Asnières qui avait deux étoiles au Michelin. Dans les années 1970, il se fait exproprier. Avec ma mère, ils décident de s’installer à Eugénie-les-Bains. Depuis, notre palace Les Prés d’Eugénie propose un restaurant trois étoiles. Côté chaîne thermale, avec ma sœur, et avant même de prendre les rênes du groupe, nous avons développé une vision holistique de la santé. Nos patients viennent trois semaines en continu et nous avons décidé de les considérer dans leur intégralité physique. Nous sommes par exemple dans une démarche proactive lorsqu’ils ont l’arthrose mais sont aussi en surpoids en leur proposant des accompagnements diététiques. Ce qui guide tous les membres de la famille ? Pousser notre maîtrise des métiers à des niveaux d’excellence et surtout servir les autres.

La crise du Covid a porté un coup à votre activité. Être une entreprise familiale a-t-il eu un impact dans votre façon de gérer la crise ?

Oui. Nous n’avons pas d’objectif de rentabilité devant servir une politique de distribution récurrente de dividendes. Nos profits sont mis en réserve afin de financer des nouveaux projets, de s’adapter aux nouvelles réglementations ou encore de réhabiliter des installations. La période du Covid n’a pas été une source d’angoisse extrême, même s’il était très difficile de ne pas savoir quand nous allions rouvrir. Nous avons fermé presque 8 mois et la trésorerie fondait. Ce qui nous a poussé à nous remettre en cause, à couper les coûts de manière intelligente, à optimiser davantage de segments et à réfléchir comment toujours mieux servir notre patientèle. C’était une période intense mais extrêmement bénéfique pour notre organisation.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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