Venu au monde à Toronto juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Larry Tanenbaum n’a jamais quitté sa ville natale, qu’il a développée économiquement mais dont il a surtout structuré la vitrine sportive, avant d’en devenir l’un des habitants les plus puissants. Loin de se contenter du Canada, son empire sportif lorgne vers le Vieux Continent... Et l'ASSE.

Dans la famille Tanenbaum, je voudrais premièrement le grand-père. Abraham quitte Parczew en Pologne pour Toronto en 1911, où il commence par récupérer la ferraille dans les quartiers industriels et résidentiels, aidé par son cheval et sa charrette. Rapidement il prospère, crée son entreprise de fabrication d’acier et devient le deuxième producteur de la ville. Son fils Max, le père de Larry, diversifie la société en fondant la York Steel Construction Ltd et en faisant l’acquisition de l’entreprise de construction Kilmer Van Nostrand (KVN).

Héritage fructifié

Jeune prodige, Larry Tanenbaum rejoint l’entreprise familiale en tant que directeur général en 1968, dès l’obtention de son diplôme d’économie à l’Université de Cornell. Durant ses études, il fait déjà l’étalage de sa passion pour le sport en gérant l’équipe de hockey du campus, un avant-goût de l’avenir de sa carrière. En 1975 c’est la consécration, le jeune trentenaire est nommé président de KVN, ses plus grands succès industriels suivent rapidement. Pêle-mêle, la société gère la construction du système de transport en commun surélevé de Miami ou des métros de Caracas, Atlanta, Calgary et Toronto. En 1983, Max Tanenbaum décède. Se déchirant sur la gestion du patrimoine parental, la famille se retrouve en une de la presse à sensation. L’épisode marquera à jamais Larry Tanenbaum et l’incitera à protéger sa vie privée en limitant ses relations avec les médias, pour profiter de l’obscurité des coulisses.

Architecte de la vie sportive

Au cours des années 1990, une fois sa fortune constituée, le Torontois de la première heure renoue avec sa passion pour le sport. À la tête d’un groupe d’investisseurs, il tente d’acquérir une équipe de NBA pour l’installer dans sa ville natale. Premier échec, c’est un autre homme d’affaires qui fonde la franchise des Toronto Raptors. C’est finalement avec l’acquisition de 12,5 % des Maple Leafs, l’équipe de hockey sur glace de la ville et de son enceinte, que Larry marque son entrée dans le sport. Mais son premier fait d’armes a lieu en 1998 lorsqu’il est en première ligne de la création de Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE), un groupe qui concentre sous une seule entité l’équipe de hockey et les Raptors.

L’héritier ne fait pas officiellement partie de l’entente qui annonce cette nouvelle à la presse, évitant ainsi soigneusement de se retrouver sous le feu des projecteurs. Mais, en 2003, il devient président de cette organisation, qui compte aujourd’hui huit équipes, du e-sport au Toronto FC, membre de la MLS, la ligue de football nord-américaine. Réélu en septembre 2022 à la tête du conseil des propriétaires de franchise NBA, Larry Tanenbaum est un homme apprécié par ses pairs malgré la part de secret qu’il conserve. L’occasion pour Adam Silver, commissaire de la ligue de basket de confirmer que « son leadership, ses conseils et son soutien sont très appréciés, par moi mais également par mes collègues ». Ce nouveau mandat confirme aussi les ambitions nourries par le Canadien, classé par Forbes en deuxième position des nouveaux milliardaires du sport en 2023. L’homme décrit par le média Toronto Life comme « la personnalité la plus influente du sport de la ville et l’architecte de sa domination athlétique », chercherait selon la presse à vendre 20 % de MLSE à un fonds de pension public canadien. Une manière de valoriser la structure à 8 milliards de dollars et ainsi d’asseoir à nouveau sa domination de seul géant sportif hors des frontières américaines.

Nouveau patron des Verts

Le dirigeant est désormais implanté dans l'Hexagone. Bernard Caïazzo et Roland Romeyer, propriétaires de l’AS Saint-Etienne, club mythique du football français qui évolue en Ligue 2 cherchaient depuis des années à vendre leurs parts. Bingo ? Dans un communiqué publié le 13 mai, les Verts ont annoncé "être entrés en négociations exclusives avec le président de Kilmer Sports Ventures Ivan Gazidis en vue de procéder à la vente de l’intégralité des actions d’ASSE Groupe. Kilmer Sports Ventures est un groupe familial canadien appartenant à Larry Tanenbaum". Le rachat a officiellement été confirmé le 4 juin et l'homme d'affaires en a profité pour prononcer une déclaration d'amour à la ville  :  "Je sais ce que l’AS Saint-Étienne représente pour sa communauté et pour le football français : bien plus qu’un club, c’est le cœur battant d’une ville et de sa région. Aujourd’hui, nous voulons aider le club à continuer à progresser tout en respectant, en préservant et en promouvant, son identité et son impact positif sur son territoire. L’histoire du club, ses supporters, ses racines, ainsi que la qualité du travail mené par l’équipe actuelle sont autant de forces qui nous ont convaincus de nous engager auprès de l’AS Saint-Étienne. Allez les Verts !". Faire les yeux doux aux supporters est un classique pour tout acquéreur potentiel. Les actes seront-ils conformes aux paroles ? Pour le moment, le bilan du canadien plaide en sa faveur. Le milieu des affaires considère Tanenbaum comme travailleur, méticuleux... et chanceux. C'est pour le moment le cas. Tanenbaum a acheté un club au "tarif Ligue 2" mais les Verts viennent d'être promus en L1 en battant le FC Metz.

Tom Laufenburger

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