Afin de faire face à la volatilité des prix de l’or noir ainsi qu’à la crise économique, ConocoPhillips se rapproche du spécialiste du pétrole de schiste Concho. Si la baisse des coûts sera un élément clé, la taille critique du nouvel ensemble permettra également de peser dans un marché chahuté.

En mars dernier, la chute de l’or noir, sur fond de guerre des prix entre la Russie et l’Arabie saoudite, combinée à la crise de la Covid-19, mettait à mal une industrie pétrolière déjà fragilisée. Pour résister face à ces vents contraires, le secteur joue la carte de la diversification mais aussi de la consolidation. Cet été, le géant pétrolier Chevron s’est offert Noble Energy pour 5 milliards de dollars. Fin septembre, Devon Energy et WPX Energy annonçaient unir leurs forces afin de créer une entité pesant 6 milliards de dollars de capitalisation. Le marché n’a donc pas été surpris lorsqu’il a appris à la mi-octobre le rapprochement entre le producteur américain Conocophillips et le spécialiste du pétrole de schiste Concho.

S’imposer dans le bassin permien

Une fusion à 9,7 milliards de dollars, entièrement financée en actions, qui permettra au nouvel ensemble de devenir l’un des principaux exploitants du Bassin permien – qui s’étend de l’ouest du Texas au sud-est du Nouveau-Mexique – cœur de la production du pétrole de schiste aux États-Unis. Il deviendra également le plus grand groupe pétrolier indépendant du pays, c’est-à-dire sans activités de raffinage, ni de distribution, grâce à une production de 1,5 million équivalent barils pétrole par jour. À titre de comparaison, Concho produisait au deuxième trimestre 319 000 barils équivalent pétrole par jour (-3 % sur un an). Le producteur indépendant, fondé en 2006 au Texas, « était l’une des rares cibles d’acquisitions intéressantes pour les majors », explique Ian Nieboer, responsable de la recherche pétrolière au sein du cabinet de conseil Enverus, cité par le Financial Times. Il offrait "des actifs de qualité, une échelle suffisante et un stock de zones riches à forer dans le Permien".

Un baril volatil

Pourtant, au deuxième trimestre, l’entreprise affichait une perte nette de 435 millions de dollars, creusée par un prix de vente du pétrole à moins de 25 euros le baril. Sa capitalisation, qui avait atteint un plus haut de 30 milliards de dollars fin 2018, est tombée à 8 milliards lors du krach boursier de mars dernier. Malgré cette situation peu confortable, Concho n’était néanmoins pas le plus mal en point de son secteur, l’industrie peinant à générer des bénéfices. Les obstacles rencontrés pèsent sur le niveau de prime d’acquisition proposée par Conocophillips (15 % par rapport au cours du 13 octobre mais seulement un peu plus de 1,4 % peu avant l’annonce). Il faut dire que le producteur se montre prudent. Il a d’ailleurs été l’un des premiers grands groupes à réduire sa production alors que le baril de pétrole chutait en mars dernier.

La seconde vague de Covid-19 reste une épée de Damoclès pour le secteur

Les analystes s’attendent néanmoins à un redressement des prix du pétrole, qui s’est hissé à plus de 43 dollars au mois de novembre. Mais la deuxième vague de coronavirus reste une épée de Damoclès au-dessus du secteur et les tensions entre pays producteurs ne sont jamais totalement résorbées. Pour rassurer, ConocoPhillips précise que l’entité fusionnée affichera un seuil de rentabilité moyen inférieur à 30 dollars le baril, ce qui devrait lui permettre de faire face aux périodes d’adversité. La société table également sur une réduction des coûts du nouvel ensemble de l’ordre de 500 millions de dollars à l’horizon 2022. Les fonctions support seraient concernées, tout comme les projets d’exploration, le groupe souhaitant se concentrer sur la production à bas coût des actifs de Concho. Le mouvement de consolidation pourrait ainsi se poursuivre pour saisir les nouvelles opportunités de business induites par ces changements de braquet.

Olivia Vignaud

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