Matthieu Pigasse prend la tête des nouveaux bureaux parisiens de la prestigieuse banque d’affaires américaine. Un « fit » naturel entre M. Pigasse, intime des hautes strates décisionnelles en Europe, et Centerview, qui cherchait un point d’entrée sur le Vieux Continent depuis de longs mois.

Le deal est closé ! Centerview recrute l’ancien banquier star des fusions-acquisitions de Lazard, Matthieu Pigasse. Aussi réputé soit-il, celui-ci aura fort à faire dans l'environnement parisien du M&A ultra-concurrentiel, où les fees sont mis à rude épreuve, et à l'aube d'une ère macroéconomique globale qui se dirige tout droit vers la récession.

Un banquier politisé et investisseur

Ce n’est qu’en 2002, après de brillantes études et un début de carrière de haut fonctionnaire public, que Matthieu Pigasse rejoint le secteur privé, intégrant l’illustre banque d’affaires Lazard, fondée en 1848. Au sein de celle-ci, il orchestrera de nombreuses et mémorables opérations de fusion-acquisition comme la vente du PSG par Canal+, la fusion Suez-Gaz de France, la vente par Accor de sa participation dans le Club Med, la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque populaire ou encore le rapprochement Fnac-Darty. En parallèle, M. Pigasse poursuit son engagement politique en conseillant de nombreux élus, plutôt à gauche de l’échiquier. Il prodigue aussi ses conseils aux gouvernements grecs et argentins dans la restructuration de leur dette publique. À partir de la fin des années 2000, il s'est mué en magnat des médias en acquérant des parts plus ou moins importantes au capital des Inrockuptibles, du Monde, du Nouvel Observateur, de Melty, de Vice France ou encore de Radio Nova. Au milieu de rumeurs de tensions internes chez Lazard, certains de ses collègues ne goûtant que modestement ses activités d’investisseur, potentiellement génératrices de conflits d’intérêts vis-à-vis de la clientèle de la banque, Matthieu Pigasse quitte officiellement Lazard, en octobre 2019, pour mener à bien un projet entrepreneurial.   

Pourtant, à peine six mois plus tard, là où certaines mauvaises langues lui prédisaient une trajectoire – plus glorieuse que celle de Jean-Marie Messier ? – vers la sphère corporate, le banquier revient en terrain conquis et prend la tête du nouveau bureau parisien de la banque d’affaires américaine Centerview Partners, épaulé par deux ex-Lazard, Nicolas Constant et Pierre Pasqual. 

Centerview Partners, le joyau indépendant du M&A américain

Boutique de M&A créée en 2006 seulement, et disposant d’un bureau au coeur de la Silicon Valley à Palo Alto, Centerview a des allures de start-up dans un monde du conseil financier large-cap peuplé de « dinosaures ». En réalité, sa réputation, déjà très élogieuse outre-Atlantique, et son track record n’ont rien à envier aux ténors de la profession : 3 000 milliards de dollars de transactions conseillées depuis ses débuts ! Les derniers deals réalisés sont tout aussi évocateurs : l’accompagnement du joaillier américain Tiffany lors de son rachat par LVMH (14,7 milliards d’euros), ou le conseil de la 21st Century Fox pour la transaction du siècle avec Walt Disney (71 milliards de dollars). Deux opérations qui en disent long sur le « reach » sectoriel de Centerview Partners, dont les compétences s’étendent de la distribution B2C au healthcare, en passant par les services financiers, l’agroalimentaire, les TMT, l’énergie ou encore l’univers des arts et spectacles.

Avec le recrutement du « banquier punk », l’ex-tête de gondole de la maison franco-américaine Lazard, Centerview Partners passe la seconde et vient désormais concurrencer les indépendantes tricolores large-cap (Rothschild, Lazard, Sycomore Corporate Finance) – et les banques d’investissement et de financement – sur leur propre terrain de jeu. N’oublions pas, néanmoins, que c’est une autre américaine, Perella Weinberg Partners, qui avait donné le La de ce mercato avec l’installation de son bureau parisien dès 2019.

Dans une Europe en proie à la lutte contre la pandémie de coronavirus, le M&A mondial semble à l’arrêt pour l’instant et le timing de cette annonce laisse perplexe. Cela dit, le réseau de M. Pigasse en la matière, combiné au carnet d’adresses de Centerview aux USA, constitue un asset quasi-unique, étant entendu que Lazard est affaibli. De plus, Paris se profile comme la nouvelle capitale financière d’une Europe continentale coupée de Londres par le Brexit, et les missions de restructuring financier et de retournement, une autre spécificité de Centerview, devraient « driver » le marché. En ce sens, Blair Effron, co-fondateur de la firme de conseil au milliard d’euros de fees par an, joue les éclaireurs : « En dépit des challenges actuels, nous avons confiance dans la capacité de résilience des groupes français et européens à contribuer significativement au rebond économique global ».    

Baptiste Delcambre et Firmin Sylla.

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