M&A : l’Europe valide 2018 avec mention
Grâce à un départ en trombe, l’année 2018 du M&A s’est soldée par un résultat en hausse de 20 % à 3 912 milliards de dollars d’opérations enregistrées. Selon les chiffres préliminaires de Refinitiv (ex-Thomson Reuters), il s’agit de la troisième plus belle année des fusions-acquisitions depuis que ces comptages existent (1980). Cela n’empêche pas les professionnels d’afficher une certaine prudence quant à la poursuite de cette tendance en 2019. Le Brexit, les frictions commerciales entre la Chine et les USA ou le climat macroéconomique tendu en Italie pourraient freiner les ardeurs des investisseurs.
L’Europe plutôt bien lotie
Si la plupart des industriels et financiers s’accordent à dire que le Brexit ne favorise ni la croissance du PIB ni l’émergence de fusions-acquisitions sur le territoire britannique - ne pas en parler à Vinci qui a parié sur l’aéroport de Londres Gatwick pour 3,2 milliards d’euros -, l’Europe demeure néanmoins une place forte du M&A. Preuve en est l’augmentation de 32 %, à 975 milliards de dollars, de la valeur des deals passés l’an dernier sur le Vieux continent (par rapport à 2017). L’Europe fait donc mieux que le reste du monde. Elle peut notamment remercier le pharma japonais Takeda qui a déboursé 77 milliards de dollars pour racheter son concurrent irlandais Shire (maladies rares). C’est à ce jour la plus grosse opération de M&A outbound de l’histoire de l’archipel nippon. Outre le dynamisme du marché, c’est surtout la qualité des opérations qui se démarque. Selon une étude du cabinet Willis Towers Watson, les acquéreurs européens sont les seuls à avoir battu leur indice MSCI régional en 2018 (correspondant à l’évolution des cours boursiers des entreprises des économies développées), de 3,6 points de pourcentage au-dessus du marché. Cela démontre la pertinence des synergies envisagées par les acheteurs européens.
En l’absence de son meilleur ennemi britannique, on aurait pu penser que la France emmènerait le train d’enfer du M&A européen. Et bien non, elle a même déçu. Contrairement au millésime 2017, elle n’a pas pu se reposer sur des jumbo deals supérieurs à 20 milliards de dollars. Les opérations ont ainsi reculé de 33 % à 164,5 milliards de dollars. Seuls quelques champions français en capacité d’investissement ont poursuivi la consolidation de leurs activités à l’international. C’est le cas d’AXA qui a repris le réassureur XL Group pour 15 milliards de dollars, ou encore de Sanofi qui a jeté son dévolu sur le spécialiste des thérapies contre les maladies rares Bioverativ pour 11 milliards de dollars.
Sous-performance du M&A mondial
2018 ne déroge pas à la règle, les très grosses fusions-acquisitions n’obtiennent toujours pas les faveurs des marchés. Les « mega » transactions sont en réalité les pires élèves de l’étude de Willis Towers Watson avec une sous-performance de 9,5 points de pourcentage (pp). Les dirigeants qui se lancent dans de tels chantiers sont rarement compris par les investisseurs, qui redoutent autant les crises d’ego de ces derniers que les restrictions à venir des différentes autorités de concurrence.
D’une manière générale, le M&A a perdu de son efficacité. Avec un indice en baisse de 2,8 pp, la performance du M&A en 2018 constitue la pire année depuis 2008. Cerise sur le gâteau, c’est la première fois qu’un exercice annuel sous-performe à chaque trimestre. L’Europe n’aura donc pas réussi à maintenir à flots le paquebot international. L'Amérique du Nord, et surtout l’Asie-Pacifique (qui concède 18,3 pp), sont à mille lieues de leurs standards régionaux. Faut-il comprendre que les groupes américains et chinois ont été peu regardants quant à la nature de leurs investissements? C’est une explication crédible mais pas exclusive. Les sociétés asiatiques et américaines ont très nettement été touchées par des facteurs exogènes au deal itself : la hausse des taux d’intérêts américains, les valorisations excessives des niveaux de M&A, les guerres politico-commerciales, et les politiques protectionnistes à l’égard des deals transfrontaliers. Autant de zones de ralentissement qui vont forcer les industriels et leurs conseils à bien étudier chaque angle d’une transaction avant de s’y jeter à corps perdus.