Après les États-Unis et la Chine, le Vieux continent prend le train du « protectionnisme ». La Commission européenne vient d’annoncer qu’elle fera des propositions dès cette automne pour limiter les investissements étrangers dans des sociétés jugées « stratégiques ». Un projet porté par la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Cela fait déjà depuis plusieurs années que l’Union européenne s’inquiète que des investisseurs étrangers, le plus souvent des sociétés détenues par des États, prennent le contrôle d’entreprises européennes détenant des technologies clés. Pendant longtemps, elle avait laissé ses pays membres prendre les devants lorsque cela s'avérait nécessaire. Impuissants, ils n’arrivaient bien souvent pas à s’opposer à ces opérations. Ce fut par exemple le cas en 2016, lorsque le géant chinois de l’électroménager Midea avait fini par reprendre le fabricant allemand des machines-outils Kuka malgré les interdictions répétées du gouvernement.

Règles de réciprocité

Pressée par la France, l’Allemagne et l’Italie, l’Union européenne semble désormais prête à agir pour éviter ce genre de situation. La question reste de savoir comment bloquer ces opérations sans enfreindre la libre concurrence prônée par Bruxelles depuis sa création. « La réponse n’est pas simple, avoue Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence en charge du dossier. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet en ce moment et nous prévoyons de mettre en avant des propositions concrètes cet automne. » Si elle n’a pas voulu en dire davantage, le document de dix pages envoyé par Paris, Berlin et Rome en février dernier donne déjà quelques pistes. Ces pays veulent limiter les investissements étrangers dans les entreprises détenant des technologies de pointe en les soumettant notamment à des règles de réciprocité.

Les prérogatives européennes seraient notamment renforcées pour toutes les entreprises jugées « stratégiques » et dans le cadre d’OPA financées par des fonds publics. « Nous devons exiger la réciprocité dans les relations commerciales et dans l’accès au marché public. La concurrence doit être loyale et équitable », insiste Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie. De son côté, l’Allemagne n’a pas attendu l’Europe. Le 12 juillet dernier, Berlin a adopté un décret renforçant les règles sur les investissements étrangers dans ses entreprises jugées stratégiques.

Subventions déguisées

Pour réussir son pari, l’Europe devra s’attaquer aux problèmes des subventions déguisées. De nombreux groupes étrangers bénéficient d’aides en capital. « Cela mine la concurrence, insiste Margrethe Vestager. Notre règle sur les aides de l’État peut être un modèle pour une meilleure approche internationale concernant les subventions ». Il est donc loin le temps où l’Europe avait soutenu Airbus pour lui permettre de rivaliser face à son concurrent américain, Boeing.

Vincent Paes

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