Au cours des douze derniers mois, le championnat de France de football a accueilli deux nouveaux investisseurs étrangers : l’Américain Frank McCourt et le Luxembourgeois Gérard Lopez. Dans quel cadre s’inscrit leur présence ? Leur arrivée est-elle une bonne nouvelle pour la Ligue 1 ? Éléments de réponse avec Guillaume Kuperfils, avocat associé au sein du cabinet Mayer Brown, ancien administrateur du Paris-Saint-Germain et fin connaisseur de l’environnement économique du football français.

Décideurs. Le football français a semblé gagner en attractivité ces dernières années. Une dynamique symbolisée par la présence de nombreux investisseurs étrangers.

Guillaume Kuperfils. Faisons le panorama des forces en présence. Il est intéressant d’observer que la Ligue 1 attire des investisseurs étrangers aux profils très différents. Ce mouvement a été initié en 2011 par QSI qui a acquis le PSG auprès de Colony Capital. Cet investissement est le premier émanant d’une structure indirectement contrôlée par un Etat dans un club de Ligue 1. QSI a eu l’opportunité de reprendre une marque à fort potentiel et relativement sous-exploitée jusque-là pour la valoriser avec des moyens considérables tout en structurant un modèle économique le plus viable possible. Cela prendra du temps et ne se fera pas sans à coups, mais la trajectoire prise depuis 6 ans démontre une volonté affichée de construire une marque mondiale assise sur le prestige et la renommée d’une ville comme Paris. Un autre type d’investisseur est représenté par Dmitri Rybolovlev à Monaco. Cet homme d’affaires russe a tout d’abord beaucoup investi au cours des deux premières années en recrutant des joueurs à forte notoriété  – une première stratégie très proche de celle suivie par son compatriote Abramovitch à Chelsea. Puis son modèle a évolué de façon drastique afin de limiter le plus possible les pertes d’exploitation par le trading de joueurs et en misant beaucoup sur la formation. Avec le succès que l’on connait cette saison.

 

Le modèle économique développé par l'Olympique Lyonnais est également trés différent.

Effectivement un troisième type d’investisseur est représenté par le groupe Chinois IDG et sa prise de participation au sein d’OL Groupe. Il y a dans cet investissement une vraie logique de partenariat presque « industriel » à long terme entre IDG et l’OL, qui va même jusqu’à inclure du transfert de savoir faire dans le domaine de la formation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce type d’investissement minoritaire important a été réalisé à l’OL. C’est un club formidablement structuré, coté en bourse depuis dix ans, propriétaire de son stade et possédant un centre de formation qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années. Tous les clignotants étaient au vert alors même qu’un investissement minoritaire (20% du club pour 100 millions d’euros) est une typologie d’investissement qui se rencontre rarement dans le football professionnel où celui qui investit son argent veut le plus souvent être dans le siège du conducteur.

Le projet Lillois présente une approche assez novatrice

 

Qu’en est-il du projet lillois ? Avec Marc Ingla, Luis Campos et le truculent Marcelo Bielsa, Gérard Lopez s’est entouré d’une équipe managériale de très haut niveau.

Le projet est très intéressant car il présente une approche assez novatrice dans laquelle le club n’est pas seulement un outil sportif mais également une plateforme permettant la mise en œuvre d’une  activité de trading de joueurs. Il est évident que cette stratégie est assez risquée si elle n’est pas menée par des managers rompus à cet exercice. Cela nécessite en effet de considérer les profits et les pertes de l’activité de trading comme faisant partie du résultat courant du club, ce qui peut parfois donner des sueurs froides aux organes en charge de valider les budgets des clubs pour s’assurer qu’ils pourront aller au bout du championnat dans lequel ils sont engagés.

 

Et Marseille ?

L’OM est un autre très bon exemple de la diversité des profils d’investisseurs étrangers arrivés en Ligue 1 au cours des dernières saisons. La démarche de Franck McCourt parait fortement motivée par l’idée de réaliser une plus-value à la revente du club, une intention tout à fait louable pour un investisseur professionnel pour lequel un club de football est une classe d’actifs comme une autre, ou presque... L’OM est le club français le plus populaire et les conditions du rachat du club, vraisemblablement assez attractives compte tenu de la volonté affichée par Margarita Louis-Dreyfus de vendre à tout prix, ont fortement motivé Franck McCourt à franchir le pas malgré un contexte local pas toujours des plus simples. Il est rassurant pour la Ligue 1 de savoir que la motivation d’un investisseur peut être financièrement rationnelle et que l’objectif d’un propriétaire de club n’est pas uniquement de ne pas perdre d’argent.

Il n’est pas exclu que, dans un futur proche, le paysage actuel puisse être bouleversé par l’arrivée des GAFA

 

Tous ces investisseurs vont-ils, à terme, profiter d’une remontée des droits télévisuels ?

Il faut effectivement s’attendre à une inflation des droits TV à l’occasion du prochain appel d’offre sur la Ligue 1, même si l’exemple italien de ces dernières semaines incite à la prudence. Entre les diffuseurs historiques et des opérateurs télécom en recherche de contenu, la concurrence risque d’être forte, comme elle l’a été sur les droits de la Champions League. Il n’est d’ailleurs pas exclu que, dans un futur proche, le paysage actuel puisse être bouleversé par l’arrivée des GAFA, comme pourrait le laisser penser l’arrivée récente de Facebook sur le marché des droits de la Champions League.

 

La Ligue a-t-elle intérêt à avancer l’appel d’offre pour la commercialisation des futurs droits TV du championnat de France pour la période 2020-2024 ?

On entend effectivement dire que la LFP pourrait profiter de la situation concurrentielle existante pour lancer dans les mois qui viennent l’appel d’offre pour les droits de diffusion afférents à la période 2020-2024. L’objectif sera certainement de dépasser la barre du milliard d’euros par saison pour les droits nationaux, ce qui est réaliste au regard de l’amélioration de attractivité du produit Ligue 1. Il y a aussi beaucoup de potentiel à aller chercher dans la commercialisation des droits internationaux, le contrat actuel avec BeIN Sports n’y contribuant qu’à hauteur de 80 millions d’euros. C’est une somme relativement faible en regard de ce que rapporte la commercialisation de ces droits par d’autres grands championnats européens. Du coup, la marge de progression reste très importante.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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