Maison Henriot, chai d’œuvre
L’ancrage dans un terroir et l’expertise du métier, l’indépendance préservée et la quête d’excellence sans cesse renouvelée... Chez les champagnes Henriot, on ne plaisante pas avec l’héritage familial ; ce socle de valeurs sur lequel, il y a plus de deux siècles, la maison fondait son identité. Celle d’un grand nom du vin mais aussi d’un artisanat d’exception, porté par une connaissance intime de la matière première et une fierté profonde du produit, aussi intransigeants dans la sélection qu’inventifs dans la confection. À l’origine de cette tradition de rigueur et d’audace, Apolline Henriot. La femme qui, trois ans après la veuve Cliquot, allait donner naissance non seulement à un domaine viticole mais à un patrimoine culturel.
Viticulture de précision
Tout commence en 1808, lorsque, à la mort de son mari, portée par sa passion toute neuve pour la viticulture, elle crée la Maison Veuve Aînée Henriot et fils. L’époque est propice, la demande en hausse… En quelques décennies, le domaine se taille une réputation qui, bientôt, lui ouvre la porte des cours royales (au Danemark, en Autriche, en Hongrie…) avant de l’amener rapidement à s’exporter. Un succès rapide qui, pour Gilles de Larouzière, huitième génération à diriger la maison familiale, s’explique d’abord par la méthode de fabrication rigoureuse développée par Apolline Henriot, adepte d’une "viticulture de précision" sur laquelle la Maison va rapidement bâtir sa renommée. "Elle avait développé une connaissance pointue des terroirs et de ce dont la vigne a besoin pour produire des fruits de grande qualité", explique-t-il. Et puis, elle avait aussi l’art d’assembler les cépages Apolline et, plus important encore, le respect du temps long.
"Pour nous, le vin n'est pas un produit, c'est une oeuvre"
Temps long
"C’est sur ce triptyque que la Maison a fondé sa notoriété », indique son président. Jamais elle n’a cherché à croître par les volumes, elle a fondé sa croissance sur la qualité." Celle des fruits et celle des vins. Car "un grand champagne, c’est d’abord un grand vin ", ajoute l’expert. Et un grand vin, c’est du temps. "Beaucoup de temps." Raison pour laquelle on en a fait ici un ingrédient phare du succès. La clé de voûte d’une culture d’entreprise au sein de laquelle les traditionnels impératifs de rentabilité cèdent la place à d’autres exigences, de "recherche d’exception et de créativité". Au point de justifier que les bouteilles soient conservées en maturation non pas quinze mois comme l’exige la loi mais entre trois et dix ans. Au point, également, de travailler la composition des vins comme d’autres abordent celle d’un tableau ; en y faisant entrer parfois jusqu’à soixante nuances mêlant millésimes récents et "vins de réserve". De ceux qui, vieux de plusieurs années et issus de plusieurs terroirs, font la signature du champagne Henriot, résume Gilles de Larouzière ; "comme une note constante chez un parfumeur."
"Style Henriot"
"C’est cette architecture d’alliages très subtile et complexe qui fait le style Henriot", poursuit-il avant de le reconnaître : garder des vins plusieurs années en cave a un coût, et ce coût est un choix. "Peu judicieux pour un financier, indispensable pour un artiste." Et chez les champagnes Henriot, la démarche relève plus de l’artisanat d’art que du calcul boursier. Ici, "le vin n’est pas un produit. C’est une œuvre". Raison pour laquelle, contrairement à la tendance générale du secteur, la question de rester ou non indépendant ne s’est jamais posée. Gilles de Larouzière le sait : "L’arrivée d’un partenaire financier pousserait nécessairement à augmenter les volumes et, donc, à faire des compromis sur la qualité." Autrement dit, à renoncer à ce socle culturel qui fonde l’identité de la marque et son succès auprès d’un public d’esthètes qui, chaque année, en consomme un million de bouteilles ; jusqu’aux États-Unis et au Japon.