Delachaux : le private equity a le dernier mot !
Au printemps dernier, aussi sûrement que les arbres bourgeonnaient et que leurs feuilles prenaient des couleurs, Delachaux demeurait optimiste à l’idée de s’introduire en Bourse sur Euronext Paris. Quelques mois plus tard, le carnet d’ordres pourtant déjà bien rempli, le groupe de la famille éponyme a décidé de jeter l’éponge. Mais que s’est-il passé ? Sans doute, les soubresauts des marchés financiers l’ont convaincu de choisir une option plus sereine ailleurs. À moins que ce ne soit la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le fonds de pension canadien, qui ait usé de toute son influence pour inverser la tendance, et conclure le plus gros deal de son histoire sur le marché français – et le premier « jumbo » LBO de l’année dans l’Hexagone (au coude-à-coude avec le rachat de La Saur par EQT Partners) !
Un partenariat premium
L’alliance capitalistique entre le Groupe Delachaux et la CDPQ cristallise la réunion d’un fleuron de l’industrie ferroviaire, aéronautique et portuaire avec l’un des plus importants gestionnaires de fonds institutionnels au monde. Selon toute vraisemblance, CVC Capital Partners aurait cédé sa participation de 49,9 % sur la base de la valorisation envisagée lors du projet d’IPO : entre 1,31 et 1,48 milliard d’euros. La famille fondatrice Delachaux en profite pour devenir majoritaire avec plus de 50 % alors que CDPQ détient 40 % du groupe, le reliquat revenant au management. Au vu du contexte boursier de l’époque – le distributeur de pièces détachées pour le secteur automobile Autodis, participation de Bain Capital, avait notamment annulé sa procédure de cotation en raison de conditions de marché inadéquates –, la vente réalisée par le fonds CVC a donc tout l’air d’une bonne affaire.
La vente réalisée par le fonds CVC a tout l’air d’une bonne affaire.
De son côté, CDPQ, investisseur de long terme par excellence, ne s’est probablement pas fait prier. Après les LBO d’Alvest, de Sebia ou encore de Fives, le canadien s’offre une pépite de l’industrie tricolore. Rares sont les industriels français à la pointe de l’innovation multi-métiers générant près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires (841 millions d’euros en 2017) et une rentabilité confortable (112 millions d’euros d’Ebit ajusté consolidé en 2017). Petit bémol : Delachaux doit encore abaisser son ratio de levier (plus de 4 fois son EBE à fin 2017), mais CDPQ lui laissera plus de temps pour s’organiser qu’un fonds de private equity stricto sensu, ou que la Bourse, en auraient été capables.
Innovation et international
Le Groupe Delachaux propose déjà ses équipements et services dans plus de 35 pays. Mais le processus d’internationalisation qu’il suit depuis ses débuts en 1902 ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Plusieurs opportunités d’investissements sont dans les tuyaux et CDPQ serait prêt à (re)mettre la main à la poche pour les concrétiser. Il ne s’agira pas toutefois de grands coups d’éclat. La stratégie du groupe pour la période 2019-2021 tablerait sur 3 % à 5 % de croissance organique, agrémentée de 50 à 70 millions d’euros de revenus complémentaires issus d’opérations de croissance externe. En Chine, par exemple, les chantiers sont à l’œuvre. Delachaux a inauguré en grande pompe un site de production dédié à l’infrastructure du rail (marque Pandrol) et aux systèmes de gestion d’énergie et de données (Conductix-Wampfler). Basé à Wuhan et forte de plus de 200 employés, cette usine de pointe fournira de nombreuses métropoles asiatiques en mal de mobilité urbaine – Delachaux a participé à l’électrification historique du métro de Shanghai dans les années 1920. Ce partenariat est loin d’être anodin car la zone Asie-Pacifique représentait 29 % de ses ventes à fin 2017 (voir infographie). Par ailleurs, ses solutions de superalliage et d’aciers spéciaux (DCX Chrome) sont utilisées par la moitié du secteur aéronautique.