Le fondateur du groupe Cevital est l’une des plus grandes fortunes d’Afrique. Très présent dans l’Hexagone où il a relancé plusieurs entreprises, il annonce la création de 1 000 emplois à Charleville-Mézières.

Lundi 5 novembre, Pont-à-Mousson, Emmanuel Macron, en pleine commémoration du centenaire de la fin de la première guerre mondiale serre la main à un homme de 74 ans peu connu du grand public. Il s’agit d’Issad Rebrab, première fortune d’Algérie, à la tête d’une fortune estimée à 3,2 milliards d’euros.

Cet industriel peu médiatique a pourtant sauvé de nombreux emplois en France. En 2013, il rachète Oxxo, spécialiste des fenêtres en PVC au bord de la liquidation judiciaire, sort l’entreprise du rouge et relance l’activité sans plan social. Une année plus tard, il fait l’acquisition du groupe électroménager Brandt (qui regroupe les marques Brandt, Sauter, De Dietrich et Vedette). Une fois encore, le groupe se redresse en misant sur l’innovation. Mais l’histoire d’amour entre la France et le magnat algérien ne s’arrête pas là. Elle semble même bien partie pour s’intensifier.

Issad Rebrab vient d’annoncer que son groupe s’implantera fin 2019 dans les Ardennes, à Charleville-Mézières, dans les anciens locaux de PSA. Il utilisera les locaux du constructeur automobile pour produire de l’eau pure en se basant sur une technologie développée par la start-up allemande EvOn (appartenant à 80% au groupe d’Issad Rebrab). La technologie s’applique à des secteurs tels que l’agroalimentaire, la chimie ou encore les semi-conducteurs. Selon le groupe algérien, 1 000 emplois directs seront créés d’ici fin 2019. Une véritable bouffée d’oxygène pour un bassin d’emploi particulièrement touché par la désindustrialisation.

Issad Rebrab : Une ascension progressive

La success story d’Issad Rebrab, né en Algérie dans une famille modeste, débute par la création d’un cabinet d’expert-comptable en 1968. Trois ans plus tard, sur les conseils d’un de ses clients, il prend des parts dans la société de construction métallurgique Sotecom, dont il ne tardera pas à faire l’acquisition. Très vite, il se positionne comme un industriel influent en Algérie.

Le sabotage de certains de ses sites près d’Alger en 1995 l’oblige à se réfugier en France. Un exil qui ne dure que quelques mois. Malgré la perte de l’essentiel de ses actifs et la guerre civile, il retourne en Algérie. Il y lance Cevital en 1998. Le succès est au rendez-vous, la société devient le premier groupe industriel privé du pays. Issad Rebrab investit dans des secteurs d’activité diversifiés, allant de l’agroalimentaire à l’industrie du verre plat, en passant par la sidérurgie.

Mais le véritable point fort du groupe reste le sucre. L’industriel algérien possède la plus grande raffinerie du monde, dont la capacité de production s’élève à deux millions de tonnes par an. Il exporte dans plus de trente-cinq pays et fait de l’Algérie un pays non plus importateur mais désormais exportateur. La société renforce son envergure internationale grâce au rachat d’usines italiennes et espagnoles. Avec cette stratégie basée sur la conquête de l’Europe, l’homme d’affaires souhaite se diversifier dans les nouvelles technologies.

L’échec des négociations avec le constructeur sud-coréen Hyundai, concernant la construction d’une usine en Algérie, démontre toutefois que son empire industriel peut rencontrer des échecs. L’année 2017 est une mauvaise passe, la rupture d’un contrat avec le gouvernement italien sera suivie d’un important incendie sur l’usine Samha-Samsung.

Mais la difficulté majeure, à laquelle le P-DG doit faire face, réside dans le blocage de ses marchandises à Béjaïa. Le premier port marchand d’Algérie refuse systématiquement le débarquement des équipements et du matériel nécessaires à l’activité du groupe agro-industriel, au motif que Cevital ne possède pas les autorisations requises. Les conteneurs restent, après plusieurs mois, bloqués à l’étranger. Le conflit est toujours entre les mains de la justice.

Monsieur infrastructures

Le dernier projet en date d’Issad Rebrab est sûrement le plus ambitieux puisqu’il s’agit de construire un réseau ferroviaire reliant Alger et Le Cap.Ce chantier titanesque vise à désenclaver les pays africains qui n’ont pas accès à la mer et à faciliter la mobilité sur le continent. Ce gigantesque projet estimé à 15 milliards d’euros, serait un formidable vecteur de croissance pour l’Afrique.

Âgé de 74 ans, le P-DG de Cevital ne communique aucune information concernant sa succession. Père de cinq enfants ayant tous un poste à responsabilité au sein du groupe, Issad Rebrab laissera sûrement son empire entre les mains de sa famille.

Tiphanie Cliche et Lucas Jakubowicz

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