Fosun au chevet de Lanvin
Après Club Med en 2015, Fosun met la main sur un autre fleuron en difficulté de l’économie française, Lanvin. Pour éviter de justesse une procédure de cessation de paiement, la maison de luxe fondée en 1889 vient de réaliser une augmentation de capital souscrite par le groupe chinois. Si le montant n’a pas été communiqué, Fosun a obtenu l’accord des deux principaux actionnaires - la milliardaire taiwanaise Shaw-Lan Wang, qui détient 75 % du capital, et le dirigeant allemand Ralph Bartel – en faisant une offre supérieure à celle du fonds qatari Mayhoola. En 2014, ce dernier avait déjà proposé 400 millions d’euros pour tenter de reprendre l’entreprise. En vain.
Manque d’expérience dans le luxe
Pourtant, les quelques trois cents salariés ont toujours donné leur préférence à l’offre qatarie. En effet, Mayhoola peut se targuer d’avoir une expérience en matière de luxe : en 2012, il a acquis la marque italienne Valentino pour 696 millions d’euros et, en 2016, Balmain, pour 500 millions d’euros. Ce n’est malheureusement pas le cas du chinois. Sa branche mode, sobrement intitulée Fosun Fashion Group, ne compte que des enseignes de milieu de gamme telles les bijoux-fantaisies grecs Folli Follie, la marque américaine de prêt-à-porter St John Knits, le tailleur italien Caruso, la société allemande de sportswear Tom Tailor et l’entreprise française Iro. Un choix qui peut surprendre donc tant l’ampleur du défi est immense.
Depuis 2015, date du départ de son directeur artistique charismatique Alber Elbaz, les ventes de Lanvin ont chuté pour passer sous la barre des 100 millions d'euros, soit une baisse de 33 % en un an. Quant au déficit, il s’élevait à 27 millions d’euros en 2016 et aurait même atteint les 50 millions l’an dernier selon une source proche du dossier. Pire encore, l’image de la marque de luxe s’est écornée. Les nominations de Bouchra Jarrar en 2016 puis celle d’Olivier Lapidus en 2017 au poste de directeur artistique ont contribué à semer le doute sur le positionnement du groupe. Le dernier représentant de la marque s’était surtout fait remarqué par son travail avec des marques « grand public » comme ses meubles pour Gifi ou ses robes de mariées pour Pronuptia. Pour reconstruire sa notoriété, l’image milieu de gamme véhiculée par Fosun n’est donc pas le meilleur choix.
Un fort potentiel
Mais les anciens actionnaires majoritaires, qui gardent des participations dans Lanvin, se veulent rassurants, citant en exemple le succès du Club Med. En moins de trois ans, Fosun a réussi à faire passer les comptes de l’entreprise dans le vert. Mieux encore, grâce au potentiel du marché chinois, l’institution française a renoué avec la croissance en affichant une progression de son activité de 3,8 % en 2017. Là encore, l’internationalisation sera l’un des points clés de cette restructuration. En matière de luxe, le marché chinois est en effet le plus porteur et représente déjà 33 % des ventes mondiales.
Lanvin pourra également compter sur les moyens financiers colossaux de Fosun. À la tête d’un portefeuille d’actifs évalués à 75 milliards de dollars, le groupe compte injecter une centaine de millions d'euros pour relancer la marque de luxe. Une liquidité qui lui laisse du temps pour mettre en place sa stratégie. Si Fosun a rapidement officialisé le départ d’Olivier Lapidus, il a préféré temporiser pour annoncer son successeur. Pour le moment, les prochaines collections seront gérées par l'actuelle équipe de création. Car, contrairement au Club Med, Lanvin ne peut survivre que par une montée en gamme. Et pour réussir cette transition, le choix du nouveau créateur est crucial. Certains analystes estiment qu’un retour d’Alber Elbaz est envisageable. Un scénario qui reste néanmoins peu crédible au vu des 10 millions d’euros que ce dernier a récemment obtenu de la part de Lanvin pour licenciement abusif.