A. Dubut (Innovafonds) : « La majorité des fonds n’aiment pas les purs MBI car le risque est très fort »
Dealmakers. InnovaFonds est une société d’investissement spécialisée dans les secteurs industriels. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Anthony Dubut. En effet, InnovaFonds réalise des opérations small-cap auprès d’entreprises industrielles et de service à l’industrie. Concrètement, cela correspond à des investissements en capital de 5 à 10 millions d’euros, en direct, et de préférence comme majoritaire. Nous pouvons intervenir lors de tours de table plus importants, si nécessaire, en faisant participer nos souscripteurs par voie de syndication. Plus que les chiffres, notre premier sujet demeure l’activité de l'entreprise et ses perspectives
Pour vous, c'est quand même important de sécuriser une position d'actionnaire majoritaire, non ?
La priorité, c'est la confiance dans le dirigeant et ses équipes. Comme les entreprises sont de taille moyenne, de 20 à 100 millions d'euros de revenus, ce lien de confiance est encore plus déterminant. Dans les faits, nous sommes généralement en position d’actionnaire majoritaire car nous intervenons principalement sur des opérations de capital-transmission, plus nombreuses que celles de capital-développement sur notre segment.
Vous gérez environ 200 millions d'euros d'actifs. Le fundraising de votre dernier véhicule s'annonce record. Où en êtes-vous ?
Nous avons démarré, depuis la fin d'année dernière, le fundraising de notre nouveau fonds qui sera doté de 100 à 120 millions d'euros. Nos investisseurs historiques ont renouvelé leur confiance car nous avons démontré la pertinence de notre stratégie sectorielle, et de nouveaux LPs devraient les rejoindre rapidement. Ces montants sont plus significatifs que pour le véhicule précédent en raison de notre track record avéré. Aussi, nous devons adresser un deal-flow qualifié sur un spectre de valorisation assez large. Ainsi, la stratégie d’investissement du nouveau fonds reste dans la continuité du précèdent tout en nous permettant d’être encore plus réactif en ayant moins besoin de faire appel à des co-investisseurs.
Qui sont vos LPs ?
Notre base de LPs a toujours été composée d'institutionnels : assureurs, caisses de retraites, mutuelles, Bpifrance et banques mutualistes. Ces banques sont particulièrement intéressées parce que InnovaFonds investit dans des industries locales qui sont également leurs clientes, et contribue ainsi au dynamisme de leurs territoires. Nos participations enregistrent une croissance moyenne de leur chiffre d’affaires supérieure à 20 % et participent activement à la création d’emplois en régions.
Nos participations enregistrent une croissance moyenne de leur chiffre d’affaires supérieure à 20 %
InnovaFonds conclut beaucoup de transactions en dehors de la région parisienne. Est-ce un avantage concurrentiel quand on sait que l'offre « private equity » est dense à Paris ?
Cela peut être un plus mais c’est intimement lié aux implantations du tissu industriel français. Notre véritable avantage réside dans notre expertise sectorielle. En cas d'opération intermédiée, la banque d'affaires distingue les offres généralistes – le prix étant alors l'argument numéro un – de celles industrielles ou hybrides comme la nôtre. Notre accompagnement est à la croisée des chemins car il est autant financier qu’industriel. Notre spécialisation nous permet de mieux appréhender les enjeux des entreprises et de créer des synergies entre nos participations. L’expérience montre que c’est en général plus efficace d'appliquer une « recette » d'idées que vous connaissez déjà. Aussi, nous adoptons parfois une approche « fédéraliste » en raison de la cohérence « métier » de notre portefeuille et favorisons le partage des savoir-faire des participations.
Quelle est la recette d'idées que vous évoquez ?
D'abord, il s'agit de trouver des solutions de management en capitalisant sur nos réseaux afin de recruter les bonnes personnes aux postes clés. Ensuite, nous devons répondre aux problématiques opérationnelles courantes. Cela va de l'amélioration des procédés industriels ou des stratégies de sous-traitance à l’accompagnement du développement à l’international. L'objectif est aussi de favoriser l'emploi car l'industrie manque d’attractivité et nos participations manquent de main d'œuvre qualifiée. L’une d’entre elles a d’ailleurs noué un partenariat avec une école d’ingénieurs afin de former aux métiers dont elle a besoin et repérer ses futurs talents.
Quel est l'exemple type d'une entreprise où actionnaires sortants et dirigeants vous ont passés les clés du capital pour mettre en œuvre cette expertise sectorielle ?
Machines Pagès est un bon exemple. C'est un groupe qui fabrique des robots pour l'industrie de la plasturgie. Son dirigeant, brillant et incroyablement compétent, souhaitait se retirer. La majorité des fonds, et nous les premiers, n'aimons pas les opérations de pur MBI car le risque est très fort. Cependant, nous étions en confiance totale avec le patron sur les sujets métiers, stratégiques et humains. Finalement, nous avons travaillé ensemble au recrutement de la nouvelle direction : directeur général, directeur financier, directeur industriel et directeur commercial. Le talent, dans ce genre d'opérations, c'est d'avoir le bon réseau pour s'appuyer sur les bonnes personnes.
La robotisation ou a minima l'automatisation des chaînes industrielles sont des sujets récurrents chez les sociétés que vous ciblez. Comment appréhendez-vous ces problématiques « 4.0 » avec vos partenaires ?
Nous ne sommes pas un fonds dédié à l'innovation mais l’innovation technologique est au cœur de notre stratégie d'investissement. Nos participations consacrent des moyens importants à leurs investissements en R&D. Leur taille leur confère agilité et souplesse. Cela leur permet d'essayer et d'implémenter des solutions innovantes plus facilement. Dès lors, elles sont généralement en avance par rapport à leur marché sur le plan technologique.
L’innovation technologique est au cœur de notre stratégie d'investissement
Ainsi, nombre d’entre elles fournissent des biens d’équipement et proposent à leurs clients des solutions de productivité qui passent par une offre complète intégrant robotisation, contrôle qualité, inter-opérabilité et communication « machine to machine ».
Comme vos confrères, vous favorisez la croissance externe de vos participations, n'est-ce pas ?
La croissance organique et la croissance externe sont toutes deux nécessaires. En tant qu’expert sectoriel, il est parfois moins compliqué de trouver des opportunités afin de constituer des groupes cohérents capables de répondre aux besoins de leurs clients dans le monde entier. Soit nous réalisons ces build-up en direct soit nous mandatons un tiers pour s'en charger. Dès notre entrée au capital, nous définissons les axes stratégiques et identifions les cibles potentielles d’acquisition.
Pour finir, quels sont vos dossiers chauds du moment ?
À l'achat, nous sommes en phase avancée sur trois dossiers. À la vente, nous avons confié une exclusivité à un acteur pour l'une de nos participations et nous devrions réaliser une bonne performance. Celle-ci devrait intervenir début mai.
Alors que la France redécouvre son industrie, InnovaFonds fait la preuve que notre pays compte encore pléthore de pépites industrielles – des PME qui continuent d’investir pour prendre ou conserver des positions de leader au niveau mondial sur leurs niches de marché.