Tout au long de son parcours, et notamment ses études en France et aux États-Unis, Khaled Igue a toujours été animé par l’envie de contribuer au développement de son pays d’origine. Distingué récemment « Young leader » par AfricaFrance, il revient sur les enjeux de l’émergence économique et sociale africaine.

Décideurs. Comment présenteriez-vous le secteur agricole en Afrique ?

Khaled Igue. Il s’agit d’un secteur considérable puisqu’il représente un tiers du PIB du continent et fait vivre 70 % de la population. Mais son financement est complexe. Les agriculteurs africains n’ont généralement pas d’épargne et très peu d’héritage.

Les Africains sont soumis au droit national et au droit coutumier. Le second prévoit que les terres se transmettent par héritage, mais exclut de cette transmission les femmes et les jeunes… qui représentent pourtant 80 % de la force de travail actuelle. Ces règles de propriété foncière nuisent, entre autres, au financement de l’agriculture africaine.

Ainsi, le secteur a fortement besoin de réformes, qui devront passer par ce que je nomme le « triangle des ressources » : l’investissement, la formation et la technologie.

Quelles réponses le groupe OCP apporte-t-il à ces problématiques, ainsi qu’à celles de l’environnement et de la malnutrition alimentaire ?

OCP fait le choix audacieux de relever le défi de la transformation agricole. Convaincu qu’il faille être présent au plus près des agriculteurs, le groupe s’est déployé dans une douzaine de pays africains en 2016, par le biais de sa filiale « OCP Africa ».

J’ai moi-même porté un projet avec le groupe, « the Farmer House », présenté lors de la COP22. L’idée étant de créer un lieu où les agriculteurs pourront se réunir et bénéficier d’une large palette de services, de produits et de formations métiers.

Accompagner la transition écologique est également fondamental. L’Afrique est particulièrement impactée par les émissions de gaz à effet de serre alors qu’elle n’y participe qu’à hauteur de 3 %. Nous œuvrons pour que l’agriculture africaine, aujourd’hui familiale et de subsistance, évolue vers une agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement. J’ai l’habitude de dire que l’Afrique pourrait nourrir le monde, mais ne parvient pas à se nourrir elle-même. Le fléau de la malnutrition n’est pas lié à un défaut de production mais à d’importantes pertes induites par un manque d’infrastructures de stockage, de conservation et de transport. Il faut donc investir dans l’intégralité de l’écosystème agricole, ce à quoi OCP participe. Il est également important que les gouvernements se saisissent de ces questions.

Il vous a été décerné le titre de « Young leader » par AfricaFrance. Quelles sont les qualités nécessaires à un leader sur le continent ?

C’est animé par le désir de créer un consensus entre les décideurs politiques, les investisseurs et la société civile, que j’ai créé le think tank Club 2030 Afrique, qui m’a valu cette nomination. Selon moi, un leader en Afrique doit créer de l’impact et laisser un héritage. J’appelle chacun à trois vœux : garder ses valeurs dans l’adversité, s’engager en gardant le cap, et rechercher le consensus.

Vous avez étudié en France et aux États-Unis, quel rôle peut jouer la diaspora africaine dans le développement du continent ?

Les flux de capitaux de la diaspora sont très importants : en 2016, elle a envoyé près de 60 milliards de dollars en Afrique. C’est considérable. La diaspora brille par l’expertise qu’elle met à profit de son pays d’accueil. Une dynamique à poursuivre afin de relever le défi de la transition démographique et écologique qui attend l’Afrique.

 

C. G. et  E.S.

 

 

À propos de Khaled Igue : Né au Bénin, cet ingénieur de formation, également diplômé de Sciences Po Paris, commence sa carrière professionnelle chez Areva avant de rejoindre, en 2016 la filiale OCP Africa du leader de l’industrie des phosphates et des fertilisants agricoles, OCP. En parallèle, il crée le think tank Club 2030 Afrique.

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