En forte croissance, L’Oréal ne s’inquiète pas de voir ses concurrents grossir. Jean-Paul Agon, son P- DG, est confiant dans son portefeuille de marques et l’avance que prend sa « flotille » dans le digital.

Décideurs. Vos ventes ont crû de 15 % au premier semestre 2015, comment s’est passé le reste de l'année ?

Jean-Paul Agon. Nous continuons à croître au rythme rapide de 13,2 % avec un effet de change toujours très positif. Trois éléments expliquent cette situation. Premièrement, le marché reste dynamique, même s’il a ralenti dans certains marchés émergents. Ensuite, deux bonnes nouvelles se sont confirmées avec le renforcement de notre croissance en Amérique du Nord et dans la division des Produits Grand Public. Enfin dans le e-commerce nous réalisons notre meilleure progression (+ 40 %), deux fois supérieure à celle du marché dans ce canal. Pour cette année, nous confirmons notre ambition de surperformer le marché cosmétique.

 

Décideurs. Comment avez-vous relancé vos ventes en Amérique du Nord alors que l'année 2014 avait été décevante dans cette région ? 

 

J.-P. A. Le ralentissement de l’an dernier est intervenu après quatre années de progression ininterrompue et très significative de nos parts de marché. Il était lié en grande partie à la division des Produits Grand Public. En 2015, nous avons renforcé de manière spectaculaire nos positions en maquillage, catégorie la plus dynamique du marché. Avec une marque locale comme NYX acquise en 2014, nous sommes revenus au cœur d’un segment qui explose, celui des consommatrices connectées. C’est une marque extraordinaire, très moderne, totalement digitalisée, en phase avec les nouvelles aspirations.

 

Décideurs. L'Oréal a d’ailleurs été l'une des premières entreprises du CAC 40 à faire appel à un Chief Digital Officer. Où en êtes-vous dans la transformation digitale du groupe ?

 

J.-P. A. Nous sommes en train de révolutionner le secteur ! Notre chiffre d’affaires e-commerce devrait dépasser largement le milliard d’euros cette année, et un quart de nos dépenses médias se fait dans le digital. Toute notre façon de concevoir les produits et d’interagir avec nos consommateurs se transforment. Je reviens justement de Californie avec tout mon comité exécutif et une chose est sûre : le digital favorise les marques avec une mission précise, utile aux consommateurs et dans une relation de confiance et de proximité avec eux. Vu notre portefeuille, l’ère du digital est une opportunité extraordinaire.

 

« L’arrivée de nouveaux grands concurrents stimule le marché »

 

Décideurs. Vous revendiquez pour L'Oréal un esprit start-up, comment cela se manifeste-t-il concrètement

 

J.-P. A. Notre groupe n’est pas un gros paquebot, plutôt une flottille de petits bateaux. Avec trente-deux marques couvrant toutes les catégories de la beauté, une présence dans plus de soixante-cinq pays, il existe une infinité de possibilités pour nos collaborateurs. Nous leur confions des responsabilités très tôt et leur offrons l’opportunité de piloter des bateaux de plus en plus gros. Quand vous vous sentez capitaine de votre navire, vous êtes porté par un dynamisme et une motivation incroyables ! Et cela rend aussi plus agile, souple et rapide. Si le vent change, tous ces bateaux sont capables de virer de bord pour garder notre cap. 

 

Décideurs. Coty vient de mettre la main sur le portefeuille de P&G. La consolidation du secteur pourrait-elle continuer ? Comptez-vous y participer ?

 

J.-P. A. C’est d’abord une bonne nouvelle. L’arrivée de nouveaux grands concurrents stimule le marché, pousse à l’innovation, à la qualité, et c’est bon pour le client. Notre groupe est aussi très actif dans les acquisitions. En quatre ans, nous avons racheté une marque brésilienne, une chinoise, une kényane, des marques américaines, françaises… Ce que nous voulons, c’est compléter notre puzzle avec les pièces manquantes. La diversité de notre portefeuille est l’une de nos forces, tout comme notre capacité à faire croître ces acquisitions. À l’image d’Essie, une marque américaine de maquillage dont nous avons multiplié les ventes par plus de six en cinq ans.

 

Propos recueillis par Jean-Hippolyte Feildel

 

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