Michel de Rovira (Michel et Augustin) : « Nous sommes challengers sur le marché, mais leaders sur les idées, les convictions »
Décideurs. Comment vient-on au leadership ?
Michel de Rovira. Je suis arrivé à cette notion grâce à mon MBA à l’Insead qui m’a formé au concept, et permis de rencontrer pendant une année un certain nombre de leaders et de P-DG. Aujourd’hui, nous sommes challengers sur le marché, mais leaders sur les idées, les convictions,la compréhension du secteur. Notre responsabilité, à Augustin et moi, est de nourrir notre tribu par des idées, des visions, des insights de consommateurs, par une nouvelle approche du marché. Il faut disposer de charisme, de nouvelles idées et de les partager. Il s’agit d’inspirer naturellement, sans forcer les équipes, afin qu’elles nous suivent dans nos projets et portent la conviction intime de ce que la marque apporte au marché.
Décideurs. Qu’avez-vous découvert du leadership dans vos fonctions précédentes ?
M. de R. J’étais salarié avant la création de Michel & Augustin. En tant que consultant, je travaillais pour cinq associés, cinq modèles complètement différents. Cela m’a montré la nécessité de ne pas rester fermé sur son organisation, de s’ouvrir sur les autres, sur les nouvelles idées, de ne pas se croire le centre du monde. S’agissant des cinq associés pour qui je travaillais, l’une d’entre eux se détachait : discrète à première vue, elle avait en réalité un vrai charisme, un leadership naturel et une légitimité évidente par ses succès passés.
Décideurs. Quels sont les éléments cachés du leadership qui vous ont permis d’éclore ?
M. de R. Je dirais la confiance dans les équipes que nous avons choisies, l’écoute des idées, des réflexions… La mise en confiance des individus fait qu’ils ont une meilleure estime d’eux-mêmes, on valorise leurs idées, ils sont plus exigeants envers eux-mêmes. Cela a énormément d’impacts dans les résultats. Pour nous, cela correspond assez bien à la philosophie de l’entreprise qui s’inspire d’une phrase de Richard Branson : « L'employé est au coeur de l’entreprise, avant les actionnaires. » Si l’employé est heureux et épanoui, les clients seront satisfaits, l’entreprise en croissance, et donc les actionnaires contentés. Chez Michel & Augustin, l’attention à l’équipe passe par le choix de nos locaux, notre rituel d’intégration, nos petits déjeuners hebdomadaires… Tout employé peut avoir du leadership et aller chercher le meilleur de ses prestataires, de ses clients. L’initiative, être animé par une force intérieure, se dire « je suis une source pour alimenter les autres avec des idées, des intuitions, des propositions… », constituent aussi des ingrédients cachés.
Décideurs. Le leadership, une notion innée ou acquise ?
M. de R. Intuitivement, je dirais que c’est inné. Un leader peut se détecter dans les familles où il y a plusieurs enfants : certains se démarquent comme des leaders naturels au sein de la fratrie. Mais ce serait une erreur de se limiter à cela. Le leadership s’acquiert également en travaillant sur soi-même, au contact des autres. Une des notions que je retiens de mes cours à l’Insead réside dans le travail sur soi pour changer de comportement face à un événement. Quelle est ma réaction habituelle ? Quelle serait une meilleure réaction ?
Décideurs. Quels sont les trois leaders vivants qui vous inspirent le plus ?
M. de R. Je citerai tout d’abord le P-DG du groupe Carrefour, Georges Plassat. Il est arrivé dans un groupe qui se trouvait dans une situation délicate, dont la réputation se dégradait sur le marché, alors que le groupe était (et reste !) le numéro un de la distribution en France, en Europe et numéro deux dans le monde ! Son aura et son charisme font que les gens reprennent confiance dans ce qu’ils font, dans la capacité de l’entreprise à investir et innover. Nous le sentons en tant que fournisseur. Cela fait un an qu’il est en poste, il ne s’est pas précipité pour qu’il y ait des décisions visibles dès les premières semaines, mais il est allé sur le terrain visiter ses magasins. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’il prend des décisions très radicales. Le deuxième est le dirigeant de Chobani, Hamdi Ulukaya, un groupe américain qui fabrique des yaourts grecs et qui bouscule les géants outre-Atlantique. Le troisième est Richard Branson : c’est un mélange de succès entrepreneurial phénoménal, d’une vision de l’entreprise unique, et de dérision sur lui-même. Et j’ai envie d’en citer un quatrième : Ben Cohen, le fondateur de la marque de glaces Ben & Jerry’s. Si en France le sérieux et l’austérité sont un peu le gage de la réussite, il prouve que la gaieté et le décalage peuvent correspondre à de beaux succès.