Par Olivier Leroy et Sébastien Semoun, avocats associés. Fidal
Appréciation du « déséquilibre significatif » par les juridictions parisiennes
L'introduction de la notion de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résulte du manque d’efficacité de l’ancienne réglementation, et de la nécessité d’adopter des dispositifs plus favorables à la sanction de l’exploitation abusive d’un rapport de force par une partie. Le législateur s’est alors inspiré de la prohibition des clauses abusives en droit de la consommation.
L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sanctionne le fait «?de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties?».
La cour d’appel de Paris - qui est la seule juridiction compétente en appel - a eu l’occasion, à quatre reprises, de se prononcer sur l’appréciation faite, en première instance, de la notion de déséquilibre significatif dans le cadre des procédures engagées par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
Le tribunal de commerce de Paris a, également, récemment eu à se prononcer sur l’application de ce texte dans une instance introduite par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (1).
Voici les principaux enseignements qu’il est possible de tirer de ces décisions.
Sur la notion de déséquilibre significatif et la référence au droit de la consommation
La cour indique que la «?notion de déséquilibre significatif, inspirée du droit de la consommation, conduit à sanctionner (…) le fait pour un opérateur économique d’imposer à un partenaire des conditions commerciales telles que celui-ci ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne?» (1ère espèce).
Ainsi, dans plusieurs espèces, la cour d’appel fait référence aux dispositions du Code de la consommation pour apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif (4e et 5e espèces). À cet égard, la cour d’appel s’inspire de la liste des clauses présumées abusives ou considérées comme irréfragablement abusives du Code de la consommation pour caractériser le déséquilibre inhérent à une pratique (4e espèce).
Sur les modalités d’appréciation de l’incrimination
La caractérisation de l’incrimination suppose la réunion de deux éléments cumulatifs :
- la soumission ou la tentative de soumission ;
- l’instauration d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (2e, 4e et 5e espèces).
Cependant, le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris apparaissent s’opposer quant à l’appréciation de la caractérisation du premier élément. En effet, le tribunal de commerce semble exiger la preuve concrète de l’absence de réelle négociation ou de l’existence de pression, contrainte ou menace. À cet égard, le tribunal paraît reprocher à la DGCCRF de ne pas avoir mis en œuvre les moyens d’investigations dont elle dispose pour établir cette preuve (5e espèce). À l’inverse, la cour d’appel considère que la tentative de soumission ne suppose pas «?l’exercice de pressions irrésistibles ou de coercition, mais plutôt l’existence d’un rapport de force économique déséquilibré entre les parties dont il se déduit la soumission du partenaire, influencé par de simples suggestions, invitations fermes ou pressions?» (4e espèce).
Par ailleurs, la cour d’appel considère que l’appréciation du déséquilibre doit être faite en tenant compte du contexte particulier dans lequel le contrat est conclu ainsi que de son économie. Néanmoins, l’appréciation globale d’un ensemble de situations est possible dès lors qu’il est dénoncé un déséquilibre causé par certaines clauses d’un contrat type et que le rapport de force dans les négociations est inégal (2e espèce).
Il importe d’ailleurs peu que les clauses aient été appliquées dès lors que la tentative de soumettre à un déséquilibre significatif est sanctionnée, de sorte que la seule mention dans la convention type soumise aux fournisseurs suffit (2e et 3e espèces). La cour relève enfin que le déséquilibre issu d’une clause peut être corrigé par l’effet d’une autre, sous réserve que cela soit démontré.
Sur les pratiques considérées comme créant un déséquilibre significatif
Le déséquilibre significatif peut être établi par «?l’absence de réciprocité ou la disproportion entre les obligations des parties?» (4e espèce).
Il a ainsi été sanctionné, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce :
- la clause de révision de prix ne présentant pas des conditions de mise en œuvre réciproques en termes de délais, de justificatifs et de conséquences (3e espèce) ;
- la clause de révision de prix privant le fournisseur de toute maîtrise sur l’évolution des tarifs qui pourrait être nécessaire ou justifiée et qui constitue une prérogative essentielle à la compétitivité d’une entreprise, l’appréciation de l’opportunité d’une modification des prix étant abandonnée au distributeur. Il est, de plus, relevé que la preuve qu’une telle clause serait nécessaire à l’équilibre de la convention n’est pas rapportée, le distributeur ne prenant, en outre, aucun engagement de répercuter les baisses de tarifs obtenues auprès du consommateur (2e espèce) ;
- la clause de taux de service dès lors que le taux n’est pas négocié mais imposé de manière uniforme à tous les fournisseurs sans considération de la nature de leur activité et de la relation existante, le critère de déclenchement étant, de plus, inconnu et dépendant de la seule volonté du distributeur (3e espèce) ;
- la clause de retour d’invendus dès lors qu’une fois le produit livré, le fournisseur perd toute maîtrise des conditions de mise en vente et de promotion alors que la charge de ventes insuffisantes repose sur lui seul. Il est par ailleurs précisé que le fait que cela incite le distributeur à stocker jusqu’au dernier jour de l’année - ce qui permet au fournisseur de bénéficier de commandes et de l’exposition de ses produits en fin d’exercice - constitue un intérêt mineur ne représentant pas une contrepartie sérieuse (2ème espèce).
Enfin, il ressort du jugement du tribunal de commerce que la notion de déséquilibre significatif ne saurait être entendue comme pouvant porter sur l’adéquation du prix au bien vendu, conformément à ce qui est prévu en droit de la consommation (5e espèce). Cependant, la cour d’appel a, quant à elle, relevé que le juge doit examiner si les prix fixés entre les parties contractantes créent ou ont créé un déséquilibre entre elles et si ce déséquilibre est d’une importance suffisante pour être qualifié de significatif (1ère espèce). L’application de L. 442-6, I, 2° du Code de commerce à la question du prix convenu reste donc à confirmer par les juridictions compétentes.
1 - CA Paris, 23 mai 2013, RG n° 12/01166 (1ère espèce)
CA Paris, 4 juillet 2013, RG n° 12/07651 (2e espèce)
CA Paris, 11 septembre 2013, RG n° 11/17941 (3e espèce)
CA Paris, 18 septembre 2013, RG n° 12/03177 (4e espèce)
TC Paris, 24 septembre 2013, RG n° 2011058615 (5e espèce)
L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sanctionne le fait «?de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties?».
La cour d’appel de Paris - qui est la seule juridiction compétente en appel - a eu l’occasion, à quatre reprises, de se prononcer sur l’appréciation faite, en première instance, de la notion de déséquilibre significatif dans le cadre des procédures engagées par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
Le tribunal de commerce de Paris a, également, récemment eu à se prononcer sur l’application de ce texte dans une instance introduite par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (1).
Voici les principaux enseignements qu’il est possible de tirer de ces décisions.
Sur la notion de déséquilibre significatif et la référence au droit de la consommation
La cour indique que la «?notion de déséquilibre significatif, inspirée du droit de la consommation, conduit à sanctionner (…) le fait pour un opérateur économique d’imposer à un partenaire des conditions commerciales telles que celui-ci ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne?» (1ère espèce).
Ainsi, dans plusieurs espèces, la cour d’appel fait référence aux dispositions du Code de la consommation pour apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif (4e et 5e espèces). À cet égard, la cour d’appel s’inspire de la liste des clauses présumées abusives ou considérées comme irréfragablement abusives du Code de la consommation pour caractériser le déséquilibre inhérent à une pratique (4e espèce).
Sur les modalités d’appréciation de l’incrimination
La caractérisation de l’incrimination suppose la réunion de deux éléments cumulatifs :
- la soumission ou la tentative de soumission ;
- l’instauration d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (2e, 4e et 5e espèces).
Cependant, le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris apparaissent s’opposer quant à l’appréciation de la caractérisation du premier élément. En effet, le tribunal de commerce semble exiger la preuve concrète de l’absence de réelle négociation ou de l’existence de pression, contrainte ou menace. À cet égard, le tribunal paraît reprocher à la DGCCRF de ne pas avoir mis en œuvre les moyens d’investigations dont elle dispose pour établir cette preuve (5e espèce). À l’inverse, la cour d’appel considère que la tentative de soumission ne suppose pas «?l’exercice de pressions irrésistibles ou de coercition, mais plutôt l’existence d’un rapport de force économique déséquilibré entre les parties dont il se déduit la soumission du partenaire, influencé par de simples suggestions, invitations fermes ou pressions?» (4e espèce).
Par ailleurs, la cour d’appel considère que l’appréciation du déséquilibre doit être faite en tenant compte du contexte particulier dans lequel le contrat est conclu ainsi que de son économie. Néanmoins, l’appréciation globale d’un ensemble de situations est possible dès lors qu’il est dénoncé un déséquilibre causé par certaines clauses d’un contrat type et que le rapport de force dans les négociations est inégal (2e espèce).
Il importe d’ailleurs peu que les clauses aient été appliquées dès lors que la tentative de soumettre à un déséquilibre significatif est sanctionnée, de sorte que la seule mention dans la convention type soumise aux fournisseurs suffit (2e et 3e espèces). La cour relève enfin que le déséquilibre issu d’une clause peut être corrigé par l’effet d’une autre, sous réserve que cela soit démontré.
Sur les pratiques considérées comme créant un déséquilibre significatif
Le déséquilibre significatif peut être établi par «?l’absence de réciprocité ou la disproportion entre les obligations des parties?» (4e espèce).
Il a ainsi été sanctionné, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce :
- la clause de révision de prix ne présentant pas des conditions de mise en œuvre réciproques en termes de délais, de justificatifs et de conséquences (3e espèce) ;
- la clause de révision de prix privant le fournisseur de toute maîtrise sur l’évolution des tarifs qui pourrait être nécessaire ou justifiée et qui constitue une prérogative essentielle à la compétitivité d’une entreprise, l’appréciation de l’opportunité d’une modification des prix étant abandonnée au distributeur. Il est, de plus, relevé que la preuve qu’une telle clause serait nécessaire à l’équilibre de la convention n’est pas rapportée, le distributeur ne prenant, en outre, aucun engagement de répercuter les baisses de tarifs obtenues auprès du consommateur (2e espèce) ;
- la clause de taux de service dès lors que le taux n’est pas négocié mais imposé de manière uniforme à tous les fournisseurs sans considération de la nature de leur activité et de la relation existante, le critère de déclenchement étant, de plus, inconnu et dépendant de la seule volonté du distributeur (3e espèce) ;
- la clause de retour d’invendus dès lors qu’une fois le produit livré, le fournisseur perd toute maîtrise des conditions de mise en vente et de promotion alors que la charge de ventes insuffisantes repose sur lui seul. Il est par ailleurs précisé que le fait que cela incite le distributeur à stocker jusqu’au dernier jour de l’année - ce qui permet au fournisseur de bénéficier de commandes et de l’exposition de ses produits en fin d’exercice - constitue un intérêt mineur ne représentant pas une contrepartie sérieuse (2ème espèce).
Enfin, il ressort du jugement du tribunal de commerce que la notion de déséquilibre significatif ne saurait être entendue comme pouvant porter sur l’adéquation du prix au bien vendu, conformément à ce qui est prévu en droit de la consommation (5e espèce). Cependant, la cour d’appel a, quant à elle, relevé que le juge doit examiner si les prix fixés entre les parties contractantes créent ou ont créé un déséquilibre entre elles et si ce déséquilibre est d’une importance suffisante pour être qualifié de significatif (1ère espèce). L’application de L. 442-6, I, 2° du Code de commerce à la question du prix convenu reste donc à confirmer par les juridictions compétentes.
1 - CA Paris, 23 mai 2013, RG n° 12/01166 (1ère espèce)
CA Paris, 4 juillet 2013, RG n° 12/07651 (2e espèce)
CA Paris, 11 septembre 2013, RG n° 11/17941 (3e espèce)
CA Paris, 18 septembre 2013, RG n° 12/03177 (4e espèce)
TC Paris, 24 septembre 2013, RG n° 2011058615 (5e espèce)