En plus de ses activités professionnelles, Tong Chhor est un serial philanthrope. Il est l’un des fondateurs des Entretiens d’Excellence et le président de Seniors Force Plus. Également l’un des premiers membres du Club 21e siècle, il est à l’origine du baromètre de la diversité dans les entreprises. Le 12 décembre prochain se tiendra le premier Sommet National de l’Emploi des Seniors, avec un objectif précis pour Tong Chhor : faire de cet événement le rassemblement annuel consacré à l’emploi des salariés expérimentés. Interview.

Décideurs RH. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans le secteur associatif ?

Tong Chhor. Je suis français d’origine cambodgienne. À l’âge de 14 ans, j’ai fui la guerre et suis arrivé en France dans des conditions très difficiles, sans parler un mot de français et sans un sou en poche. Heureusement, j’ai eu la chance d’être soutenu par des bénévoles de la Croix-Rouge ainsi que par des professeurs dévoués, qui m’ont offert leur aide précieuse. Grâce à leur soutien, j’ai pu poursuivre des études, ce qui m’a permis de devenir ingénieur en informatique. Par la suite, j’ai eu l’occasion de diriger des centres de profit pour des groupes internationaux de renom, tels qu’Oracle et NEC, pendant près de 20 ans, avant de cofonder ma propre société de logiciels SaaS, Elvinck.

Mon engagement sociétal depuis 20 ans au sein d’associations qui promeuvent la diversité, l’égalité des chances et l’inclusions, est, pour moi, une façon de rendre à la France ce qu’elle m’a donné. Les Entretiens de l’Excellence, qui permettent à des lycéens, dans plus de 40 villes en France, de rencontrer des professionnels de tous horizons et de découvrir des lieux prestigieux comme l’Université Paris Dauphine, sont l’une de mes plus grandes fiertés. À cela s’ajoute Seniors Force Plus, une initiative essentielle pour favoriser l’emploi des seniors de plus de 50 ans, qui incarne également un engagement me tenant profondément à cœur.

Comment analysez-vous la situation de l’emploi des seniors en France ?

En France, le taux d’emploi des seniors est plus faible que la moyenne européenne : en 2023, 58,4 % des personnes âgées de 55 à 64 ans étaient employées en France, contre 63,9 % dans l’Union européenne, selon le ministère du Travail. Or, avec la réforme des retraites, l’augmentation de la durée de vie, la natalité en berne et la diminution constante de la population active, nous allons devoir travailler plus longtemps pour contribuer au développement économique de la France.

Pourtant, les entreprises ont plutôt tendance à se séparer des salariés âgés de 50 ans et plus, elles ne les recrutent pas, ne les forment pas. Ce qui fait indéniablement baisser leur employabilité.

À lire : L’emploi des seniors : une bombe sociale ?

Les grandes entreprises ont plutôt tendance à se séparer des salariés âgés de 50 ans et plus

Pourquoi avoir créé Seniors Force Plus ?

Qu’il s’agisse des seniors ou d’autres questions liées au travail, notre culture repose souvent sur la confrontation, notamment entre syndicats et patronat. Cette approche, largement coercitive, se traduit par des mesures comme l’imposition de quotas de seniors dans les entreprises. Partant de ce constat, nous avons décidé de rompre avec ce cercle vicieux pour construire un modèle plus vertueux et durable.

En décembre 2023, j’ai réuni des profils variés – salariés, dirigeants, acteurs associatifs, fonctionnaires – afin de réfléchir ensemble aux moyens concrets d’améliorer l’employabilité des seniors. Cette démarche collaborative visait à dépasser les solutions imposées pour coconstruire des initiatives pérennes.

Dans un premier temps, nous avons analysé les entreprises du CAC 40 à partir de données publiques. Le constat est sans appel : la plupart d’entre elles forment peu leurs salariés seniors, exploitent insuffisamment le potentiel de l’intergénérationnel, et ne placent pas cette question au cœur des priorités des comités de direction.

Ces premiers résultats ont joué un rôle clé dans la structuration de notre démarche. L’objectif n’est pas de pointer du doigt des « bons » ou « mauvais » élèves, mais de passer des déclarations d’intention à des actions concrètes, fondées sur des données mesurables. Après tout, ce qui ne se mesure pas ne peut s’améliorer.

À lire : Baromètre Apec 2024 sur les salaires : les seniors et les femmes, grands perdants

Quels outils avez-vous élaborés ?

Nous avons mis en place deux dispositifs phares, proposés gratuitement aux entreprises désireuses de progresser en matière d’emploi des seniors : le Senior Score et le Grace.

Le Senior Score, qui permet aux entreprises de s’auto-évaluer, a été établi à partir de huit domaines d’analyse : la communication, la politique d’emploi, le recrutement, le lien intergénérationnel, la formation, le bien-être et la satisfaction, la gouvernance, le cadre réglementaire.

Ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas

En fonction des résultats du Senior Score et des domaines d’amélioration identifiés, nous proposons des solutions que l’entreprise peut mettre en place, selon sa taille et ses besoins. Il est essentiel pour nous d’inspirer les entreprises, de leur donner les outils adéquats, sans pour autant les contraindre.

Ces recommandations sont détaillées par thématiques et regroupées dans le Guide de recommandations et d’actions pour la carrière et l’emploi des seniors (Grace). Parmi elles : le sponsoring de programmes par un membre du comex ou du codir, des parcours de formation pour garantir l’employabilité tout au long de la carrière, etc.

Comment parvenez-vous à mobiliser les entreprises ?

Notre analyse des acteurs du CAC 40 nous a permis d’identifier des employeurs exemplaires, tels qu’Axa et Schneider Electric, qui nous ont tout de suite apporté leur soutien. Ils ont ainsi présenté leurs travaux lors d’un dîner-débat organisé l’été dernier, en présence de chercheurs venus présenter l’état de l’art. Une trentaine d’entreprises, de toutes tailles, ont répondu présent et certaines, telles que Pierre et Vacances, ont souhaité se mobiliser pour l’emploi des seniors dans la foulée.

Nous souhaitons maintenant passer à une autre échelle et embarquer encore plus d’entreprises. C’est le sens du Sommet National de l’emploi des seniors, dont la première édition aura lieu le 12 décembre prochain à l’ESCP Business School, afin de présenter les outils existants, explorer de nouvelles pistes d’actions et fixer de nouveaux objectifs à atteindre. Je souhaite ainsi faire de l’employabilité des seniors une des grandes causes nationales de 2025. Nous avons le privilège de bénéficier du soutien d’acteurs variés et engagés, parmi lesquels Élisabeth Moreno, l’ESCP Business School, le cabinet de recouvrement ARC, et les entreprises de management de transition Louis Dupont et Robert Walters. De grandes entreprises comme Schneider Electric et BNP Paribas nous accompagnent également, tout comme des organismes publics tels que l’Apec, France Travail, et Les Entreprises s’engagent. À leurs côtés, des associations comme Impact Tank et La Puissance du Lien – pour n’en citer que quelques-unes – apportent leur précieuse contribution.

Propos recueillis par Caroline de Senneville

Sommet National de l’Emploi des Seniors - Jeudi 12 décembre 2024 - de 17h30 à 22h30.

Inscription: https://urlr.me/GBEczU

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