Sophie Cluzel : "La France consacre 2,2% de son PIB aux personnes en situation de handicap"
Décideurs. Quel pourcentage de son PIB la France consacre-t-elle aux personnes en situation de handicap ?
Sophie Cluzel. Notre pays consacre cette année 51 milliards d’euros aux politiques publiques handicap, soit 2,2% de sa richesse produite chaque année (PIB). Pour donner un ordre d’idée, c’est autant que pour la Recherche, ce qui nous classe à la troisième place européenne derrière la Suède et le Danemark. La France peut être fière. La plus importante partie du budget, 11 milliards, est dédiée à l’Allocation Adultes Handicapés (AAH) mais nous investissons aussi 4 milliards pour favoriser l’intégration dans l’emploi. Le handicap est la première cause de discrimination en France.
Le plan de relance prévoit-il des mesures pour les personnes handicapées dans les entreprises ?
Oui. Il s’agit d’une aide à l’embauche de 4 000 euros pour tout recrutement en CDI ou en CDD de plus de trois mois d’un salarié en situation de handicap, sans limite d’âge. Ce dispositif, valable jusqu’au 31 juin, a permis de signer déjà 10 000 contrats, dont une majorité de CDI. Une aide de 5 000 à 8 000 euros existe également pour les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. L’objectif est de continuer à soutenir ce type de contrats. Il serait dommage que la crise sanitaire porte atteinte à un bilan vraiment satisfaisant. Depuis 2019, la réforme de la formation a permis de dépasser le cap du demi-million d’apprentis.
"Le handicap est la première cause de discrimination en France"
Pour les personnes handicapées, la hausse est de 70% sur le champ de l’apprentissage. Précisons que 66% des demandeurs d’emploi bénéficiaires d’une reconnaissance de handicap ont un diplôme inférieur au bac, alors que la moyenne est de 57%.
Les entreprises peuvent également compter sur un accompagnement humain…
Tout à fait, la construction d’une société inclusive ne se traduit pas uniquement par des subventions. Les entreprises de plus de 250 salariés et les CFA disposent désormais d’un référent handicap. Est également déployé depuis le début du quinquennat un système de job coach externe qui se rend gratuitement dans les entreprises afin d’aider le salarié concerné mais aussi les managers. Ce dispositif permet, notamment, pour les situations de handicap psychique, d’éviter des licenciements pour inaptitude ou des congés maladie à répétition. 1 000 employeurs ont bénéficié de la mesure et les remontées du terrain sont très encourageantes.
La France s’est également inspirée de l’Irlande en lançant le DuoDay qui permet une rencontre d’une journée entre professionnels et handicapés. Ce système de mentorat s’est poursuivi à distance cette année. À la clé : 10 000 binômes dont 10% se sont transformés en contrats.
Quelles sont vos prochaines priorités en matière d’emploi ?
Cet été sera lancé le premier baromètre emploi handicap qui permettra d’établir un état des lieux de l’engagement des entreprises et d’identifier les entreprises en pointe sur le sujet afin de partager les bonnes pratiques. De nombreux grands groupes donnent déjà l’exemple. Il faudra également se concentrer sur l’accompagnement des personnes qui arrivent en situation de handicap en cours de vie, ce qui est 80% des cas. Il y a ici, à mon sens, un sujet de fond à mieux traiter.
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz