Alors qu’un numéro vert vient d’être mis en place pour venir en aide aux salariés en détresse psychologique, le dernier Baromètre Empreinte Humaine-Opinion Way invite les entreprises à s’emparer vraiment et concrètement du sujet.

Mardi 17 novembre, le Directeur Général de la Santé, Jérôme Salomon, a annoncé que la barre des 2 000 000 de cas positifs au Covid-19 venait d’être dépassée en France. Un chiffre symbolique mais qui ne saurait occulter les laissés-pour-compte d’un tel décompte : à savoir le million de personnes en situation de burn-out. Autrement dit, une épidémie dans la pandémie.

Appel de détresse

Avec ce deuxième confinement, s’installe en effet une forme de fatigue émotionnelle chez les salariés français. Ainsi, selon la quatrième vague du baromètre réalisé conjointement par le cabinet Empreinte humaine et l’institut de sondage Opinion Way, jamais la détresse psychologique n’a atteint de tels sommets. Elle a même augmenté de 7 points par rapport à mai dernier et 18% des salariés se déclarent en situation de détresse élevée. Les managers sont particulièrement touchés. Le baromètre recense deux fois plus de burn-out chez eux et constate une croissance de 6 points de la détresse au sein du top management. 

Les conséquences de cet état d’épuisement généralisé ? Des arrêts de travail en hausse pour faire face, pour 24% des salariés, au stress ou à l’anxiété. À cela s’ajoute la perte de confiance chez des salariés qui voient leurs stratégies de protection céder à mesure que la crise sanitaire s’installe dans la durée. Ainsi, 36% d’entre eux se sentent fragiles et craignent de pas pouvoir tenir le coup psychologiquement.

Appauvrissement du travail

Plus inquiétant pour les entreprises, l’effet de la crise sur la perception et le rapport qu’entretiennent les collaborateurs avec leur travail. Pour 42%, l’intérêt de ce dernier a décliné soit parce que la crise a pointé son manque de sens soit parce qu’ils souffrent d’une plus grande compétition entre collègues. 48% estiment que, depuis la pandémie, les clients se montrent plus agressifs. Autant de raisons qui pourraient les inciter à démissionner mais un salarié sur deux confie ne pas franchir le pas faute de trouver mieux.

Un salarié sur deux reste dans son entreprise faute de trouver mieux.

Le télétravail explique sans doute en grande partie cet état d’esprit. Si l’engouement pour une organisation plus souple du travail se confirme – 60% des salariés souhaitent pouvoir continuer à en bénéficier, le télétravail nuit au collectif pour 55% des répondants et dégrade le sentiment d’appartenance à l’entreprise pour 40% d’entre eux. 45% des télétravailleurs font état d’un appauvrissement d’un travail devenu plus monotone. Quand 41% ont l’impression de perdre le contact avec la réalité du terrain.

Entreprises : encore un effort

Risque psycho-social en tant que tel, le télétravail ne saurait cependant être accusé de tous les maux. "Nous sommes particulièrement inquiets, confie Christophe Nguyen, du désengagement des entreprises et des comités de direction sur la question de la prévention". Pour celui qui dirige le cabinet Empreinte humaine, cette dernière ne peut se limiter à la mise en place d’un numéro vert. "La santé mentale ne doit pas être considérée, comme le gouvernement le suggère, comme un mal nécessaire". Elle doit "faire partie de l’équation au même titre que la santé économique ou la sécurité sanitaire".

Or, le baromètre révèle que seuls 35% des salariés considèrent que leur entreprise met sur un pied d’égalité productivité et santé psychologique des collaborateurs. IIs ne sont que 32% à observer un engagement de leur direction sur cette question, soit une baisse de 13 points par rapport à mai 2020. D’où l’importance, pour Christophe Nguyen, de "pousser un vrai coup de gueule" et de rappeler aux dirigeants combien "la prévention des risques psycho-sociaux constitue un sujet de fond" qui nécessite de mettre en place des programmes de formation à destination de l'ensemble des collaborateurs.

"La santé mentale ne doit pas être considérée, comme le gouvernement le suggère, comme un mal nécessaire"

Des incivilités numériques à répétition

L’expert conseille également de clarifier les droits et devoirs du télétravailleur, ce que souhaitent 77% des salariés. Le risque est grand non seulement de "confondre autonomie, flexibilité et électron libre" mais surtout de participer à la recrudescence des "incivilités numériques". Car, c’est bien là que se situe l’autre face cachée des risques à prévenir. 

Qu’il s’agisse de l’agressivité des clients déjà évoquée, de l’envoi de mails "parapluie" pour se couvrir ou "patate chaude" pour se délester de tâches ingrates, de la mise en copie de la hiérarchie pour mettre la pression : sur toutes ces incivilités du quotidien, estime Christophe Nguyen, "les entreprises et les organisations peuvent agir". Il a beaucoup été question, ces derniers mois, de droit à la déconnexion ou des inégalités entre salariés face à l’usage des outils numériques. Mais, il faudra sans doute aller plus loin. "L’inclusion numérique, ce n'est pas qu'une question de compétences techniques. Cela signifie aussi inclure autrui dans sa manière de communiquer ou sa façon de parler". Tout le monde ne possède pas le même seuil de tolérance face à l'emploi des emojis...

Autant de sujets à aborder au sein des entreprises pour que la vague des risques psycho-sociaux ne soit pas plus meurtrière que l’épidémie de coronavirus. 

Marianne Fougère

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