Dans une France confinée, les services à la personne doivent s’adapter au numérique quand cela est possible ou supporter la crise lorsqu’il n’y a pas d’alternative. Entrevue avec Maxime Aiach, président directeur général du groupe Domia, qui est confronté à ces deux situations avec Acadomia, spécialiste des cours particuliers, et de Shiva, fournisseur de services de ménage et de repassage à domicile.

Décideurs. Quels sont les plus gros challenges que vous ayez eu à relever chez Acadomia ?

Maxime Aiach. Au moment de la crise, 100 000 élèves prennent des cours avec 25 000 de nos intervenants. Certains cours sont donnés à domicile, d’autres dans nos centres de cours et les derniers sont dispensés à distance via nos outils numériques. Cette dernière option est alors peu privilégiée, car le présentiel est rassurant pour les parents comme pour les élèves. Avec le confinement, l’impossibilité de poursuivre ce mode d’enseignement, à domicile ou dans nos centres, nous a poussé à réorienter tous nos apprenants vers l’enseignement à distance. En très peu de temps, nous avons réussi ce transfert pour la grande majorité de nos étudiants et professeurs. Passé une courte phase d’adaptation, cette solution a permis de conserver, pour les deux tiers d’entre eux, le lien entre les élèves et les enseignants. D’un point de vue économique pourtant, sur cette période, nous n’avons réalisé que la moitié de notre activité, faute de nouveaux entrants sur la plateforme. Néanmoins, cette transition vers le digital ouvre des perspectives intéressantes pour l’avenir.

Et les plus gros défis que vous ayez eu à relever chez Shiva ?

Avec les mesures de confinement, l’activité s’est totalement arrêtée. Nous avons bien sûr privilégié la sécurité de toutes les parties prenantes, à l’exception des personnes les plus âgées et les plus dépendantes, pour lesquelles nous avons assuré la continuité des services. Nos objectifs dans ce contexte ont été de maintenir sous une pression positive nos clients, nos intervenants, nos réseaux de franchises et nos collaborateurs afin de conserver notre actif le plus précieux, l’humain. Chez Acadomia, tous les professeurs qui souhaitaient travailler le pouvaient, pas chez Shiva. La question de la continuité de la rémunération s’est donc posée. Nous avons donc étroitement et de manière particulièrement qualitative collaboré avec les pouvoirs publics. Grâce au travail conjoint des autorités et de la fédération des services aux particuliers, que je préside, nous avons réussi à mettre les mesures de chômage partiel à disposition des 1,7 million de personnes qui travaillent dans ce secteur. D’autant que ces populations sont bien souvent fragiles économiquement. Chez Shiva, au contraire d’Acadomia, 80 à 85 % de nos intervenants sont des franchisés et les autres sont employés. La plupart sont donc les salariés de nos clients. Le Cesu, chèque emploi service universel, le service de l’Urssaf qui prend en charge les déclarations de rémunération des salariés à domicile, déclare ainsi que seulement un tiers des personnes concernées ont été payées. Ce n’était pas acceptable pour nous. Nous avons donc passé un deuxième accord avec les pouvoirs publics pour pouvoir rémunérer nos intervenants à l’avance, avec nos fonds propres, en attendant d’être remboursés. Ainsi, 98 % d’entre eux ont reçu entre 70 et 80 % de leur rémunération habituelle. Cet effort, que notre situation financière nous a permis de faire, assure la continuité du lien avec nos équipes qui nous remercient de ne laisser personne de côté. C’est ce qui nous permettra de redémarrer plus sereinement à l’issue de la crise.

Comment envisagez-vous la reprise pour vos deux entités ?

Chez Acadomia, nous avons peu de visibilité car nous attendons d’en savoir plus sur le calendrier de reprise de l’école. Je ne suis pas certain que tous nos centres rouvrent, mais ce qui est important, c’est de pouvoir capitaliser sur tout ce que nous avons fait en matière de transition digitale, au moins jusqu’à la rentrée prochaine.

Chez Shiva, l’important est de remettre tout le monde au travail. Pour cela, nous nous sommes approvisionnés en masques et en gel hydroalcoolique. L’activité est déjà en train de repartir. De moins 95 % d’activité, nous sommes repassés à moins 75 %.

Pour que cette relance soit possible, nous interpellons les pouvoirs publics sur la nécessité de mettre en place au plus vite le crédit d’impôt sur les services à la personne, dont ma fédération professionnelle est à l’origine. Ainsi, 50 % des dépenses engagées dans ces services seront remboursées par l’État, et les cours particuliers sont éligibles à ce dispositif. C’est essentiel pour atténuer la crise et relancer l’activité dans ce secteur particulièrement affecté par la crise actuelle.

Quelles relations entretenez-vous avec votre actionnaire dans ce contexte de crise ?

Comme beaucoup d’investisseurs, IK Investment Partners cherche à épauler les équipes dirigeantes des entreprises que le fonds détient en portefeuille. L’heure n’est pas aux projections de croissance ou de build-up dans un contexte de reprise, mais bien au soutien de l’activité développée jusqu’ici. Nous avons la chance d’avoir à notre capital un fonds compréhensif de la situation tendue dans laquelle le groupe se trouve. Avec un actionnaire, on partage souvent les moments de bonheur, avec un associé on partage tout. En ce sens, IK a plus été un associé qu’un actionnaire pour nous. Ils nous ont notamment beaucoup aidé sur des problématiques de télétravail et de chômage partiel.

Propos recueillis par Baptiste Delcambre

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