P. Rocher (Unifer France) : " Créer des conditions favorables pour attirer des talents face aux géants du BTP"
Décideurs. Quels sont les enjeux auxquels vous devez aujourd’hui faire face en matière de recrutement ?
Philippe Rocher. Le recrutement est compliqué dans notre groupe et le turnover est élevé. La plupart de nos salariés – à l’exception des administratifs et de la direction qui, eux, sont installés au siège dans le sud de la France – sont amenés à se déplacer sur tout le territoire. Nous travaillons par ailleurs pour la SNCF, principalement lorsque les trains ne circulent pas, soit la nuit et les week-ends. Les collaborateurs se lassent au bout de quelques années. La tendance, notamment chez nos cadres, est de privilégier la qualité de vie.
"Nous essayons de valoriser le métier"
Quelle stratégie mettez-vous en œuvre pour pallier cette situation ?
Nous mettons l’humain au cœur de l’entreprise avec des avantages tels que des conditions de déplacement et d’hébergement confortables, des primes, des retours à domicile facilités… Bien évidemment, cela passe aussi par le salaire. Nous prenons également en compte la personne et faisons en sorte qu’elle soit reconnue. Dans cette optique, nous essayons de valoriser le métier. Historiquement, la SNCF nous déléguait des tâches basiques. Depuis quelques années, elle nous soumet des études d’exécution, des métiers de la sécurité, ou encore de la conception… Cela nous permet d’attirer davantage de talents. Mais ce n’est pas facile. L’ingénieur sortant de son école préférera souvent intégrer une grande entreprise du BTP parce que celle-ci lui offrira des perspectives d’évolution. Dans une PME, il ne peut envisager sa carrière que sur trois ou quatre ans. Mais nous pensons que créer des conditions favorables nous permet d’attirer des talents face aux géants du secteur.
Vous proposez d’ailleurs aux salariés d’entrer au capital…
Oui. Tous nos dirigeants (soit une dizaine de personnes) sont actionnaires de l’entreprise. C’est une logique qui existe depuis toujours dans l’entreprise. On ne pourrait pas envisager qu’un dirigeant ne soit pas actionnaire.
Il n’existe, par ailleurs, aucune formation spécifique à votre secteur, ce qui ne facilite pas le recrutement…
L’éducation nationale ne forme pas aux métiers du ferroviaire. Et un ingénieur des travaux publics, lorsqu’il sort de son école, ne sait pas ce qu’est une voie ferrée. Avec le Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées (SETVF), dont je suis le vice-président, nous avons conçu une formation spécifique, que ce soit pour accompagner les collaborateurs déjà en poste, ou dans l’optique de former un partenariat avec des écoles et ainsi envisager des modules ferroviaires. Nous sommes également présents dans divers forums au sein des facultés… Cela contribue à faire rayonner notre métier.
L’essor du numérique a-t-il un impact sur votre organisation ?
C’est une importante source de progrès qui apporte déjà une grande souplesse dans l’organisation. Les outils digitaux créent un vrai confort. Ils permettent aux membres des équipes de communiquer en temps réel, notamment grâce aux groupes WhatsApp. Mais ils génèrent aussi un problème d’hyperconnexion, notamment chez la jeune génération. Celle-ci est toujours connectée et peut avoir tendance à papillonner. Avec les réseaux sociaux, les jeunes sont partout à la fois. On remarque qu’ils ont des difficultés à anticiper leur activité sur une semaine. Nous essayons de maîtriser ce phénomène et leur conseillons de gérer leur consommation.
Propos recueillis par Capucine Coquand