C. Castanet (AMF) : "L’épargne salariale est avant tout une épargne populaire"
La loi Pacte a pour objectif de soutenir le développement de l’épargne salariale. Pour ce faire, le législateur a notamment supprimé le forfait social sur la participation mise en place dans les entreprises de moins de 50 salariés et l’intéressement dans toutes les entreprises jusqu’à 250 salariés. Ces mesures seront-elles suffisantes ? Quel regard portent les salariés sur ces outils ? Comment les utilisent-ils ? Claire Castanet nous livre son point de vue sur la place de l’épargne salariale en France.
Décideurs. Comment aider les salariés à reprendre en main leur épargne salariale ? Quelles sont leurs attentes ?
Claire Castanet. L’épargne salariale est un formidable outil pour financer des projets de vie avec un horizon à moyen et long terme. Les cas de déblocage anticipé de l’épargne, comme celui prévu pour l’acquisition de la résidence principale, en sont la parfaite illustration. C’est après avoir défini leurs besoins et leurs projets, que les salariés vont pouvoir raisonner sur leurs horizons d’investissement. À tout moment, ils doivent s’interroger sur la cohérence de leurs choix de placements avec leurs projets. Un salarié qui a 30 ans devant lui avant la retraite par exemple, pourra diversifier son épargne avec, des actifs plus risqués et espérer bénéficier ainsi d’une meilleure performance de son épargne que sur des actifs garantis. A contrario, si le salarié prévoit de débloquer son épargne rapidement, les placements sécurisés seront à privilégier.
Cette approche peut-elle aussi soutenir l’éducation financière des salariés ?
L’épargne salariale est avant tout une épargne populaire. Elle peut, au-delà de la constitution d’une épargne personnelle, permettre aux salariés de s’initier aux questions financières au sein de l’entreprise, dans un cadre de confiance offrant certains avantages. Pour ceux qui ne sont pas dans une démarche d’épargne préexistante, c’est effectivement une bonne opportunité pour mieux comprendre ces mécanismes et les expérimenter.
"Se constituer une épargne performante sur le long terme devient un enjeu majeur dans un environnement de taux bas"
L’éducation financière est l’un des leviers de développement les plus importants de l’épargne salariale. Quels doivent être les relais de cette information ou de ces formations au sein des entreprises ? Représentants syndicaux ? Direction des ressources humaines ? Conseils extérieurs ?
Il y a un aspect culturel. Se constituer une épargne performante sur le long terme devient un enjeu majeur dans un environnement de taux bas. Dans tous ses travaux, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) lie l’éducation financière avec le bien-être financier sur le long terme. Lorsqu’on interroge les François sur leur motivation pour épargner, ils nous répondent que c’est pour se constituer une épargne de précaution, préparer leur retraite et faire face à des coups durs lorsqu’ils seront dans le grand âge. L’entreprise qui souhaite mettre en place de l’épargne salariale, doit expliquer les raisons, le caractère « gagnant-gagnant » de ces dispositifs à ses parties prenantes : les représentants du personnel, les salariés. Elle doit se faire accompagner par son expert-comptable, un spécialiste de l’épargne salariale. Lorsqu’elle a été mise en place et que les sommes de l’intéressement ou de la participation sont distribuées, vient le choix pour le salarié des supports sur lesquels investir. Certaines sociétés proposent de l’information, des formations sur les mécanismes d’investissement, les sites des teneurs de compte se sont par ailleurs enrichis d’informations pédagogiques et d’étapes de validation sécurisant la décision. Les responsables syndicaux peuvent aussi jouer un relai d’explications sur cette question, ce qu’ils font déjà, d’ailleurs. L’objectif est que ces derniers investissent en maîtrisant les tenants et les aboutissants de leurs choix.
Quels retours d'expérience avez-vous des entreprises avec lesquelles vous échangez ?
Nous organisons, avec l’appui des directeurs régionaux de la Banque de France, de la Direction générale du travail, du MEDEF et de l’ANDRH, des Rencontres de l’épargne salariale » en région, un temps d’échange avec les entrepreneurs de petites entreprises en particulier qui sont sous-dotées en dispositifs d’épargne salariale. À cette occasion, je garde en tête des témoignages passionnants avec un dirigeant d’entreprise d’insertion sociale, un fabricant d’instruments de musique ou encore le responsable d’une coopérative. Je retiens en particulier l’engagement de ces entrepreneurs autour du partage de la valeur, de la performance et de la compréhension des dispositifs. Ces entreprises en font de véritables outils pour animer la gestion de la performance et associer les salariés à la marche de l’entreprise
"Les responsables syndicaux peuvent aussi jouer un relai d’explications sur les questions d’épargne salariale"
Quelles sont les bonnes pratiques mises en œuvre sur les questions d’épargne salariale pour en faciliter le développement et aider les salariés à mieux maîtriser ces sujets ?
La loi vient de mettre en place un dispositif d’aide à la décision dans le règlement des nouveaux plans d’épargne entreprise (PEE).
Sur le Plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), le législateur a imposé que la gestion pilotée soit le placement par défaut, les placements étant alors pilotés par un gérant professionnel pour optimiser la performance puis sécurisés à l’approche de la date à laquelle vous en aurez besoin. Cinq ans avant l’âge de la retraite, un rendez-vous est désormais proposé aux salariés pour faire un point sur leur contrat et leurs objectifs de sortie en rente ou en capital. La loi Pacte a également installé ce que l’on pourrait appeler « un droit de remords » au sein des nouveaux Perco. Ainsi, chaque salarié dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de son relevé d’opération pour réagir et changer d’avis si les sommes issues de la participation ont été investies par défaut dans le PERCO et donc bloquées jusqu’à la retraite, parce que le salarié n’avait pas manifesté son choix en temps et en heure.
Les robo-advisors sont-ils des outils adaptés à la gestion de l’épargne salariale ? Répondent-ils au besoin des salariés ?
Certaines offres intégrant des robo-advisors sont en train d’émerger mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Les seuls points de vigilance sont, comme pour tout autre placement, la nécessité de travailler sur des hypothèses de simulation raisonnables, proposer une offre lisible et intelligible, mais aussi donner une information claire, exacte et non trompeuse.
Une question portant sur l’application « AMF Protect Epargne ». Comment fonctionne-t-elle ? Quel est son objectif ?
Cette application est en lien avec notre volonté de participer à l’éducation financière. Nous œuvrons dans ce sens de deux manières. D’une part, en permettant aux épargnants d’acquérir les bons réflexes d’investissement. L’AMF a ainsi lancé l’appli mobile Finquiz pour « Apprendre la finance en s’amusant ». Et d’autre part en prévenant les arnaques financières, encore trop nombreuses. Avec l’application « AMF Protect épargne », nous avons souhaité fournir un outil très simple et ergonomique afin que les épargnants puissent obtenir une indication sur le niveau de risque d’arnaque d’une proposition d’investissement, accéder facilement aux acteurs non autorisés présents dans les listes noires de l'AMF et les fuir. Il nous semble très important que chacun se mobilise contre les escroqueries en notifiant les offres douteuses. C’est pourquoi cette application donne aussi la possibilité de signaler des fraudes à l’AMF. Cela nous permet d’accroître notre surveillance, et éventuellement de pouvoir alerter le grand public. Cet outil s’adresse aussi bien aux épargnants qu’aux conseillers en gestion de patrimoine.
Propos recueillis par Aurélien Florin