Retour à la vie civile : mission accomplie
Convaincre un officier quatre étoiles de surfer LinkedIn, lui apprendre à manier les codes de l’entreprise et l’inciter à envisager autre chose qu’un poste d’encadrement dans un groupe de défense, tels sont les objectifs de la Mirvog, ou « Mission retour à la vie civile des officiers généraux ». Cet organisme du ministère des armées fondé en 2005 reçoit chaque année les dossiers d’une centaine d’hommes et de femmes parvenus au terme de leur carrière militaire, du colonel aux gradés quatre étoiles et tous corps d’armée confondus. Dirigé par le général Pierre Ferran, il suit chaque étape de leur transition professionnelle.
En civil
Deux ans avant la fin de leur carrière, le service contacte les intéressés et leur propose de suivre le plan d’accompagnement qu’il a conçu et confié à la société Version originale, spécialisée dans l’outplacement individuel. Nathalie Vierne, directrice associée de ce cabinet jusqu’ici habitué aux costumes sur mesure des dirigeants d’entreprise, se souvient de la manière dont le projet lui est parvenu. « Nous ne répondons que rarement aux appels d’offres. Celui-ci est arrivé par notre réseau, des cadres de direction de la Défense nous en ont parlé, raconte-t-elle. Lorsque j’ai pris connaissance du dossier technique, j’ai tout de suite été convaincue que nous serions pertinents. » Les consultants conçoivent alors un programme qui mêle un coaching personnalisé et des échanges en groupe. Leur approche convainc. Au-delà du suivi de ce parcours, les anciens militaires sont incités à se rendre régulièrement dans les locaux de Version originale. S’habituer à venir travailler en civil, discuter avec des dirigeants du privé et se familiariser avec leur univers… Cette dynamique est essentielle pour le général Pierre Ferran qui explique que la majorité des gradés redoutent le « monde d’en face ».
Alignement
Hiérarchique et autoritaire, strict voire intransigeant… Le statut d’officier supérieur appelle un certain nombre d’idées reçues. Mais les clichés sont battus en brèche : les profils qu’ils accompagnent se révèlent beaucoup moins « normés » que prévu. « Ils s’avèrent souvent plus ouverts que de nombreux cadres de direction de la vie civile ! » s’étonne Nathalie Vierne. « C’est très vrai, confirme le général Ferran. Beaucoup se décrivent même comme des rebelles. Cela peut surprendre les civils, mais il faut comprendre que ces personnes recherchent avant tout une grande autonomie, qu’ils obtiennent dans l’armée. » Les employeurs potentiels, de leur côté, ont parfois besoin d’être rassurés, souligne Brigitte Jedrzejewski, dirigeante de Version originale. « Ils redoutent que l’officier soit dans le commandement » explique-t-elle. Mais, là encore, les inquiétudes sont levées. Les haut gradés manient au contraire avec aisance les principes du management collaboratif. Leadership moderne, engagement, respect… Leur savoir-être entre en résonance avec les attentes des recruteurs, qui font aujourd’hui la part belle aux soft skills. Et l’alignement de leurs compétences avec les enjeux des entreprises ne s’arrête pas là. « On ne mesure pas le nombre de transformations qu’a vécu la Défense française, précise Nathalie Vierne. L’expérience acquise par les officiers, qui ont appris à faire jouer les dimensions humaine et organisationnelle, s’avère très intéressante. »
Ouverture
Convaincus de la richesse de leur profil, leurs coachs les incitent à élargir le champ de leurs recherches. « Ils ont tendance à s’orienter vers des postes un peu attendus… Chef de la sécurité par exemple, relève le général Ferran, qui note que, « statistiquement, cela crée plutôt des malheureux ». L’accompagnement personnalisé prend alors tout son sens. « Toute la dynamique que nous mettons en place poursuit l’objectif de les conduire à innover, souligne Brigitte Jedrzejewski. Notre message principal est "osez !" » Reçu cinq sur cinq par cet ancien officier ayant accepté il y a quelques semaines un poste de direction de business unit pour un géant du e-commerce.
Marie-Hélène Brissot