Décider de quitter le monde de l’entreprise pour l’univers du conseil : pourquoi changer et pour quoi faire? S’agit-il réellement d’un changement d’activité ou plutôt d’une autre manière d’être utile et de promouvoir une politique ressources humaines dynamique, en ligne avec ses convictions?

À mon tour d’effectuer le grand saut...

Passer du statut de client « installé » dans sa fonction, « surbooké », très sollicité par les prestataires de services de la place, parfois en retard ou aux « abonnés absents » quand il s’agit de le contacter... au rôle de consultant à la recherche de ses premières missions, plus libre et plus disponible et qui pourrait s’étonner qu’on ne l’accueille pas à bras ouverts, compte tenu de son expérience...

Pourquoi changer ?

Une trentaine d’années d’activité professionnelle m’autorise à témoigner de l’évolution de la vie en entreprise, de l’existence de certains comportements et de modes de fonctionnement apparus ces dernières années. Est-ce un effet induit de l’innovation technologique, de l’exigence accrue de résultats, d’une concurrence plus féroce, de l’importance prise par le « couple gestion-finance » ?

" Urgent, frilosité... contraintes internes ont pris le pas sur l’important, le fond, le courage, les opportunités à explorer "

J’ai pu observer une amplification de certains phénomènes, qui peuvent inviter des managers à s’interroger sur leur rôle, leurvaleur ajoutée et leur utilité dans leur fonc-tion au sein de l’entreprise, mais égalementsur l’affirmation de leurs convictions :

- On écoute plus souvent, voire systématiquement, l’externe, qu’il soit consultant, avocat, banquier d’affaires ou chasseur de têtes... au détriment de l’interne, qu’il soit un professionnel du métier, un expert connu et reconnu, un collaborateur issu d’une fonction support disposant d’une expérience significative. On consulte l’externe à chaque instant, on le sollicite, on le bichonne, on salue ses interventions, tout en oubliant parfois d’en faire autant avec les managers qui s’engagent au quotidien, s’exposent,prennent des risques et s’occupent de cet actif essentiel que sont les hommes et les femmes de l’entreprise.

- On ne dit plus réellement les choses en réunion, comité de direction ou instance de pilotage, par manque de méthode ou parfois, par manque de courage. On préfère parfois évoquer lesdits sujets, en plaisantant devant un café, à la pause cigarette en bas de l’immeuble ou même en communiquant via le WhatsApp interne! Partant duprincipe que toute réunion ne sert à rien, que tout serait décidé en dehors de la salle, on préfère se taire, subir, attendre, plutôt qu’affronter un sujet, argumenter, témoigner et débattre.

- On manque de temps pour bien faire les choses, pour se former et s’informer: la fixation d’objectifs toujours plus ambitieux, la pression de l’immédiateté sont des éléments qui peuvent l’expliquer, alors que certains sujets tels que la transformation, le climat social, la satisfaction des collaborateurs et des clients, méritent du temps, de la réflexion et de « revoir plusieurs fois sa copie » avant de (se) décider.

- On se replie sur soi : la collaboration devient moins naturelle. Parfois forcée, elle n’est donc pas toujours efficace. La multiplication de situations de ce type a pu développer dans certains univers une forme de passivité, un moindre engagement, un attentisme nuisible pour l’entreprise dans un contexte de transformation et, peu motivant pour les équipes qui observent cela au quotidien. À la lecture de ces quelques lignes, vous vous dites que cela n’est pas vrai dans toutes les entreprises ni très positif ou optimiste... Encore un manager en manque de reconnaissance ! Il y a sans doute une part de vrai, mais insuffisante pour décider de changer de vie.

Au-delà de ce constat, à peine exagéré vous me l’accorderez, il y a une réalité de la vie en entreprise, où le court terme, l’urgent, le visible, la frilosité de certains acteurs, les contraintes internes, ont pris le pas sur l’important, le fond, le courage, les opportunités à explorer. Au fond, oui, passer de l’autre côté de la barrière, peut être le bon levier pour être utile, percutant, aidant, entreprenant, motivant et donc efficace.

Les motivations du nouveau consultant versus l’ex-DRH?

Elles sont au nombre de cinq :

- Partager et faire bénéficier de mes expériences, savoir-faire, réussites et échecs, sans avoir l’ambition de prendre la place de quelqu’un : hier celle de mon boss ou d’un tiers, aujourd’hui celle de mon client.

- Promouvoir autonomie, liberté et indépendance d’esprit en disant les choses au quotidien, au sein d’une réunion, en one to one, sans se demander ce que va penser M. X et comment Mme Y va réagir...

- S’engager différemment: le consultant est focalisé sur la progression de son client, de ses équipes et les aide à « grandir ».

- Investir du temps et de l’énergie avec méthode pour développer un esprit d’équipe, coacher, accompagner et aider ainsi efficacement son client.

-  « Sortir du cadre » pour retrouver des marges de manœuvre, se concentrer sur l’essentiel, donner du sens à son action et contribuer à le faire chez son client.

Ma vision du couple client-consultant

Je ne suis pas de ceux qui opposent l’interne à l’externe : le bon consultant est celui qui a pour envie et vocation de faire progresser son client ; pour cela, il s’engage clairement à ses côtés, fait ressortir le potentiel interne, sait se mettre en retrait le moment venu et est solidaire de son client en cas de difficulté. Dans un tel scénario, on ne fait plus le distinguo entre l’interne et l’externe mais on parle plutôt d’équipe cohérente, d’un « pack » d’acteurs soudés et alignés. Au final, tout cela participe d’un objectif commun : soutenir le développement ou la transformation d’une entreprise, avec des collaborateurs préparés et accompagnés, pour plus de sens et d’efficacité.

Philippe Maurette, directeur de PeopleFirst

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