Aurélie Feld dirige l’entreprise de formation CSP – The Art of Training depuis janvier 2015. Quand elle a eu l’occasion de s’associer au Think Tank Marie Claire Agir pour l’égalité, elle y a vu un alignement parfait avec les valeurs de l’entreprise. Pour expliquer cet engagement, Aurélie a pris le temps de répondre à nos questions.

Nadia Ali Belhadj. Quand le projet de rejoindre le Think Tank Marie Claire Agir pour l’Égalité s’est présenté, vous n’avez pas beaucoup hésité… Pourquoi ?

Aurélie Feld. Je suis une femme, je dirige une entreprise. Mon équipe est composée pour plus de la moitié de femmes. Chacune a un vécu plus ou moins douloureux sur les questions d’égalité femme-homme. C’est une vraie question de société et ça ne devrait plus l’être. Je rêve du jour où ce débat sera dépassé, où l’égalité sera atteinte, ce qui aura pour effet de renforcer pour chacun.e la liberté d’être soi-même.

" Je suis fondamentalement convaincue que la diversité est source de richesse, d’intelligence collective et de bien-être "

Dans les domaines des soft skills, qui est l’expertise CSP, l’égalité est un enjeu, et c’est naturellement que cette thématique s’inscrit dans notre projet d’entreprise. Nous aimons prendre parti, dans le respect de nos valeurs. Nous le faisons régulièrement, sur l’erreur, le bien-être au travail, la pédagogie… Pourquoi pas sur l’égalité femme-homme ?

À titre personnel, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce jour n’arrive pas et j’ai envie de contribuer au débat, de trouver des solutions, de prendre la parole pour faire changer les choses. Je suis fondamentalement convaincue que la diversité est source de richesse, d’intelligence collective, et de bien-être. La diversité inclut toutes les différences, à commencer par celle des sexes. L’égalité femme/homme est une condition nécessaire mais pas suffisante de toutes les égalités. C’est la plus importante, statistiquement, puisqu’elle concerne la moitié de l’humanité. Il faut donc commencer par elle. Je crois aussi que l’égalité femme/homme porte en germe la possibilité d’une éducation des enfants plus ouverte, plus tolérante et qu’elle nourrira ainsi les autres égalités.

Comment expliquer que l’égalité salariale entre femme et homme soit encore un combat en 2018 ?

Les femmes ont obtenu le droit de vote en France en 1944 et l’ont exercé pour la première fois en 1945. Elles sont toujours chroniquement sous-représentées dans les assemblées élues, et dans les institutions globalement… Le vrai accélérateur de l’entrée en politique des femmes a été les quotas, et encore, les partis les ont détournés en mettant bien plus souvent des femmes en position inéligible, ou en position de suppléante. Pour la représentation des femmes dans les conseils d’administration, force est de constater que c’est là encore l’obligation légale de représentation féminine qui a permis de faire bouger les choses… En revanche, dans les comités exécutifs pour lesquels il n’y a pas de quotas, c’est la bérézina. C’est triste à dire, mais il semblerait que le seul levier efficace doit être coercitif… Attendons de voir ce que va donner la réforme en cours, qui oblige à mesurer l’inégalité et à mettre en œuvre des actions concrètes pour y remédier dans un délai de trois ans…

Selon vous, existe-t-il des modèles d’entreprise à suivre ?

Les entreprises ne sont pas hors sol : elles sont liées aux communautés dans lesquelles elles sont implantées. Elles en appliquent les lois et ne peuvent pas être modèles dans un monde qui ne l’est pas. Globalement, il reste encore beaucoup à faire, et des incitations législatives me paraissent vraiment nécessaires. Ces mesures ne sont pas à la portée de l’entreprise… De même, une grande entreprise très rentable et en croissance sera certainement beaucoup plus à même de prendre à sa charge des mesures favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes qu’une petite entreprise à l’équilibre. Il y a néanmoins beaucoup de choses sur lesquelles les entreprises, quelle que soit leur taille, ont la main : mettre en place des politiques de recrutement, d’évaluation, de promotion non discriminantes, par exemple.

Quelles sont les actions entreprises chez CSP qui « agissent » pour cette égalité ?

Chez CSP, le comité de direction est majoritairement féminin, il n’y a pas d’écart salarial entre les hommes et les femmes à poste comparable. Nous encourageons la méritocratie et elle n’a pas de sexe ou de genre. Nous promouvons aussi facilement des hommes que des femmes, et même plus souvent des femmes que des hommes puisqu’elles sont plus nombreuses ! Nous essayons de faciliter la vie des salariés, et de leur proposer un environnement dans lequel ils se sentiront la liberté d’être eux-mêmes. Chacun peut travailler à domicile en cas de besoin et nous allons prochainement renforcer cette possibilité par la signature d’un accord d’entreprise sur le télétravail. Nous sommes assez flexibles sur l’organisation du travail, et nous manageons par objectifs, ce qui évite le présentéisme, un fléau français qui touche tous les salariés et impacte leur vie privée, leur temps personnel. Cette flexibilité bénéficie notamment aux parents, quel que soit leur sexe. Il est tout à fait OK pour un cadre au forfait jours de nous dire que le mardi, il ou elle doit partir à 17 h 30 pour faire une activité qui lui tient à cœur… Toutes ces mesures bénéficient aux hommes et aux femmes, elles ont pour objectif de normaliser l’environnement de travail pour le rendre accueillant pour tou.t.e.s. Évidemment, une spécificité des femmes reste la possibilité de porter des enfants, ce qui peut leur compliquer la vie… mais pas chez nous. Les grossesses sont accueillies comme des bonnes nouvelles, elles ne sont pas pénalisantes financièrement (nous ne pratiquons pas de prorata temporis sur les éléments variables, notamment). Il faut vraiment résoudre les inégalités que creusent les grossesses. C’est vital pour notre société vieillissante et le fait d’être enceinte n’agit négativement ni sur la compétence, ni sur l’engagement !

Si une entreprise vous demandait des pistes pour mettre en place cette égalité, lesquelles conseilleriez-vous ?

Mesurer les écarts, quantifier le problème. Avoir une idée concrète du degré d’inégalité permet de prendre conscience du problème… Globalement, il y a plein de petits pas symboliques : obliger les directions qui recrutent à proposer des candidatures masculines et féminines dans leur dernière sélection et obliger celles qui promeuvent à faire la même chose.

" Tout ce qui génère de la flexibilité et de la souplesse dans l’organisation du travail bénéficie à tous, et donc aussi aux femmes… "

Mettre en place du mentorat, des espaces d’échange et de partage pour les femmes. Plus largement, tout ce qui génère de la flexibilité et de la souplesse dans l’organisation du travail bénéficie à tous, et donc aussi aux femmes, soit directement lorsqu’elles ont la chance d’être notre salariée, soit par « effet de bord » si c’est leur conjoint qui est notre salarié.

Dans votre carrière, avez-vous eu à subir ce qui est généralement appelé le plafond de verre ?

Non, je dois reconnaître que ça n’a jamais été le cas. J’ai parfois subi des remarques condescendantes, du « mansplaining » – être une femme plutôt jeune en situation de leadership défrise parfois… Mais c’est tout et c’est très peu par rapport à beaucoup de femmes qui connaissent des situations infiniment plus désagréables.

Les travaux du Think Tank seront remis au gouvernement en juin 2019. Pensez-vous que l’association public/privé soit plus à même de proposer les bonnes mesures pour avancer sur ce domaine ?

Associer l’expérience de l’entreprise à la vision sociétale de la puissance publique me paraît être, en la matière, une bonne idée. Allier le concret et la largeur de vue, le témoignage et la capacité à agir à une échelle plus grande…

Biographie d'Aurélie Feld

Entre 2013 et 2015, Aurélie Feld était directrice déléguée des éditions Lefebvre-Sarrut (aujourd’hui Lefebvre-Sarrut), un groupe européen leader de l’édition juridique et fiscale et de la formation professionnelle (plus de 500 M€ CA, 2 500 collaborateurs) auquel appartient CSP. Elle a commencé sa carrière comme avocate au sein des cabinets Cleary à New York et à Paris, puis Skadden. Elle a ensuite quitté la profession juridique pour rejoindre McKinsey & Company. Plus récemment, elle était la directrice générale adjointe de PlaNet Finance, une ONG de microfinance créée par Jacques Attali.

Aurélie Feld est titulaire de deux masters de droit, de Paris II et de l’université de Cornell (États-Unis). Mère de deux petites filles, elle est passionnée par les sports de glisse, la course à pied et la musique. Partant du principe qu’il est toujours temps d’apprendre et de se faire plaisir, elle a récemment commencé la guitare électrique.

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