Give Nation : le pouvoir de l'argent de poche
Arnaud Saint-Paul cultive depuis longtemps déjà une vie professionnelle et personnelle aux multiples facettes. Expert de la blockchain, récompensé à plusieurs reprises pour ses projets d’innovation, il a été en parallèle un « chercheur et enseignant spirituel » selon ses termes, et un entrepreneur social. « Il y a dix ans, raconte-t-il, j’ai décidé de consacrer le reste de ma vie à aider l’humanité à devenir consciente. » Il commence par le monde des entreprises, qu’il connaît si bien. Il devient notamment l’un des premiers promoteurs du mouvement américain conscious capitalism et coache les dirigeants qui souhaitent faire évoluer le modèle de leur organisation vers une meilleure prise en compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs actions.
Éduquer au capitalisme conscient
En 2017 il crée « Give Nation », qu’il conçoit comme « un laboratoire de capitalisme conscient ». Le projet, soutenu par différentes entreprises et plusieurs acteurs gouvernementaux, a pour objet d’enseigner aux plus jeunes les fondements d’une économie qui prend en compte le « purpose » pour reprendre le terme américain quasi consacré. L’objectif est que, dès le plus jeune âge, « l’enfant intègre cette notion d’impact dans la relation de l’individu à l’argent, et l’idée que toute transaction doit avoir un signifiant. » Le programme consiste à permettre aux enfants de gagner des « give coins » – sorte d’argent de poche virtuel – soit en exécutant des tâches confiées par leurs parents ou leur professeur, soit en récompense d’apprentissage. Ils doivent ensuite choisir comment le dépenser : en investissant dans des turbines, des arbres, dans des initiatives sociales ou associatives… Les transactions sont réalisées et sécurisées grâce à la blockchain, ce qui permet de soutenir des actions locales comme globales. Le système est appelé à favoriser les échanges transnationaux. « Dans mon esprit, confirme Arnaud Saint-Paul, un petit Français pourrait tout à fait investir dans un arbre mandragore situé à Madagascar et charger un enfant d’une école locale d’aller vérifier périodiquement sa croissance. » Ainsi, l’action positive se poursuit.« Il s’agit d’une forme de campagne d’éducation à engagement
positif ! », s’enthousiasme le fondateur.
Perspectives
Le premier projet d’envergure s’apprête à être lancé auprès de 5 000 enfants des écoles de Pristina. Pourquoi la capitale du Kosovo ? « D’abord, parce qu’elle est la nation la plus jeune d’Europe, 50 % de sa population est âgée de moins de 25 ans, explique le fondateur de Give. Ensuite, parce que la fin de la guerre a généré une volonté chez ses dirigeants de mettre en place des changements systémiques, de faire évoluer durablement les mentalités. » Constatant que la « vieille » Europe n’a pas la même appétence pour le changement, l’entrepreneur
est bien décidé à démontrer à travers ce projet pilote que « ça marche » et ainsi convaincre de nouveaux acteurs. Et il pense déjà à la suite. Car si la blockchain a en premier lieu pour objet d’assurer la transparence totale du système, elle ouvre la voie à d’autres développements. « L’intelligence artificielle permettra d’évaluer le système et ainsi de faire émerger un modèle qui fonctionne » explique Arnaud Saint-Paul. Une perspective qui nourrit son espoir de modéliser la naissance d’une économie positive.
Marie-Hélène Brissot