Prêt pour le flex office ?
Avec l’émergence du travail à distance, certaines entreprises font le constat que leurs locaux sont pour partie inexploités et qu’il serait de meilleure gestion de revoir leur usage. Notamment en misant sur le flex office. Il peut servir de vecteur pour une transformation managériale d'ampleur. Mais toutes les entreprises ne sont pas toutes mûres pour le changement qu’il représente.
La fin des privilèges
L’abandon des bureaux individuels conduit des équipes distinctes à travailler côte à côte et apparaît comme un moyen efficace pour casser les silos. « L’objectif est de créer une dynamique et de développer une culture de l’initiative au sein de l’entreprise, explique Mickael Jacquemin, DRH de CBRE. Le conseil en immobilier d’entreprise a déménagé au printemps 2018 dans des locaux qui se veulent aussi une vitrine pour ses clients. Nous avons donc choisi des espaces collaboratifs dans lesquels les différents métiers peuvent se mélanger. » La suppression des espaces personnels concrétise également la fin d’une hiérarchie trop rigide, symbolisée par des étages réservés à la direction. Le modèle ne convient pas à tous. « Au sein de nombreux cabinets de conseil, l’évolution professionnelle est marquée par le bureau, explique Cécile Tourneboeuf, responsable de la practice conseil chez CD&B, spécialisé dans l’aménagement des espaces de travail. Supprimer radicalement les bureaux individuels des managers, c’est briser les règles du jeu. » Et aller trop vite.
Travail à distance et no paper
La pertinence de la démarche dépend en effet de la maturité de l’entreprise et de la modernité de ses usages. « Vouloir instaurer le flex office pour une organisation qui n’est pas encore entrée dans une logique de dématérialisation, ou encore au sein de laquelle le télétravail est peu présent, c’est compliqué », prévient Cécile Tourneboeuf. Chez Icade par exemple, qui a réorganisé son siège cette année sur le mode flexible, un collaborateur sur trois travaille à distance et 100 % des salariés sont équipés d’un ordinateur portable et d’un smartphone. De même chez CBRE où le passage au « no paper » était un impératif avant de lancer le projet. « Moi-même, je ne signe plus aucun contrat de travail avec un stylo ! » explique son DRH.
Pas à pas
Face à l’ampleur de l’impact sur le quotidien des salariés, impossible de se lancer sans préparation. La phase d’audit – sondages, observations sur site et questionnaires sur la façon dont les locaux sont utilisés – peut être longue, environ trois mois. Mais elle reste indispensable pour permettre de saisir « l’implicite » d’une organisation, comprendre ses rouages et ne pas faire d’erreurs dans l’aménagement des espaces. Rien n’est laissé au hasard, à commencer par la date du lancement « Il existe des saisonnalités, en fonction de l’activité de l’entreprise. Il ne faut pas lancer le projet au mois de janvier pour un cabinet d’audit par exemple ! » avertit Cécile Tourneboeuf. Ensuite, et puisqu’il s’agit d’inscrire l’entreprise dans une démarche plus collaborative, la « co-construction » s’impose : la mise en place d’équipes projet interdisciplinaires est de règle. Puis il convient d’établir un vaste plan de communication et de négocier les mesures d’accompagnement au déménagement avec les organisations syndicales. Car, ainsi que le résume Mickael Jacquemin, « le flex office s’accompagne souvent d’une augmentation des services : conciergerie, restauration, wellness... » Difficile en effet de bousculer les habitudes sans accompagner le mouvement par des efforts marqués pour plus de qualité de vie au travail.
Marie-Hélène Brissot