Par Agnès Viottolo, avocat associé. Cabinet Agnès Viottolo
La refonte du dialogue social dans l’entreprise, notamment en améliorant le partage d’informations avec les IRP, est l’un des objectifs poursuivis par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. À cette fin, la loi a institué l’obligation de mettre en place une base de données économiques et sociales à compter du 14 juin 2014 dans les entreprises de 300 salariés et plus, et du 14 juin 2015 dans les entreprises de moins de 300 salariés.

La base de données économiques et sociales est le support de la nouvelle consultation du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques. Elle rassemblera également, au plus tard le 31 décembre 2016, l’ensemble des informations que l’employeur transmet de façon récurrente au comité d’entreprise.

Quelles modalités de mise en place de la base de données ?
La base de données économiques et sociales est mise en place au niveau de l’entreprise. Dans les entreprises à établissements multiples, il n’y pas d’obligation de mettre en place une base de données par établissement.

En revanche, la base de données instituée au niveau de l’entreprise devra comporter l’ensemble des informations que l’employeur doit mettre à la disposition des membres du CCE et des comités d’établissement. Lorsqu’est reconnue l’existence d’une UES, la base de données doit être instituée à ce niveau. Enfin, une base de données peut être mise en place au niveau du groupe. Elle s’ajoute alors à celle mise en place au niveau de l’entreprise et ne peut, en aucun cas, s’y substituer.

La circulaire DGT 2014/1 du 18 mars 2014 recommande que la conception de la base fasse l’objet d’une négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, et encourage à la conclusion d’un accord collectif sur cette question. Il ne s’agit toutefois que d’une recommandation qui, pour louable qu’elle soit, peut s’avérer difficile à mettre en œuvre en pratique compte tenu de l’inflation des thèmes soumis à la négociation collective. A minima, on recommandera une consultation des IRP sur le contenu de la base de données, avant que cette dernière ne soit effective. Un accord collectif reste toutefois obligatoire lorsque la base de données est mise en place au niveau du groupe.
S’agissant du support, il est prévu que la base de données peut se présenter sur support informatique ou papier.

Quel contenu ?
La base de données est d’abord le support de la nouvelle consultation du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques. Son contenu porte sur les 8 thèmes suivants : investissements, fonds propres et endettement, ensemble des éléments de la rémunération des salariés et des dirigeants, activités sociales et culturelles, rémunération des financeurs, flux financiers à destination de l’entreprise (notamment crédits d’impôts), sous-traitance, le cas échéant transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

On se reportera au décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 pour le détail de chacun de ces thèmes, en fonction du type de société et de ses effectifs (plus ou moins de 300 salariés). Par exemple, l’information sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et les informations environnementales ne concernent que les sociétés anonymes soumises aux dispositions de l’article L. 225-102-1 du Code de commerce. La plupart des autres informations prévues au décret du 27 décembre 2013 figurent déjà au bilan social.

Ces informations doivent porter sur l’année en cours, les deux années précédentes et les trois années à venir. Elles sont présentées sous la forme de données chiffrées, et à défaut, mais uniquement pour les trois années suivantes, «?sous la forme de grandes tendances?». Si l’employeur ne peut présenter ni de chiffres, ni de grandes tendances, il doit en indiquer les raisons. Le contenu des informations peut être enrichi par un accord collectif.

Au titre de l’année 2014 pour les entreprises d’au moins 300 salariés, et de l’année 2015 pour les entreprises de moins de 300 salariés, les entreprises ne sont pas tenues d’intégrer dans la base de données les informations relatives aux deux années précédentes.
La base de données contiendra aussi, à terme, l'ensemble des informations communiquées de manière récurrente au comité d'entreprise dans le cadre de ses informations/consultations obligatoires.

Cette mise à disposition doit intervenir au plus tard le 31?décembre 2016. Elle vaudra communication de ces rapports et informations si ces dernières sont mises à jour en respectant les périodicités légales, et si l’employeur met à la disposition des membres du comité d’entreprise les éléments d’analyse ou d’explication prévus par le Code du travail. En revanche, les informations transmises de manière ponctuelle n’auront pas à être mises à disposition dans la base de données (ex : plan de sauvegarde
de l’emploi).

La loi et le décret ne visent expressément que les informations transmises de manière récurrente au comité d’entreprise. Par conséquent, aucune substitution n’est possible pour les informations données aux autres IRP, ce que confirme la circulaire. Par exemple, la mise à disposition dans la base de données des informations transmises de façon périodique au CHSCT ne pourra valoir communication.

Quelles modalités d’accès et d’utilisation ?
La base de données est accessible «?en permanence?» aux membres du comité d’entreprise, ainsi qu’aux membres du CCE, du CHSCT, et aux délégués syndicaux. Les délégués du personnel n’ont donc, en principe, pas accès à la base de données, sauf s’ils exercent les attributions du comité d’entreprise.

Le cas des représentants de section syndicale n’est pas envisagé par la loi, ni par le décret. Le projet de circulaire prévoyait qu’ils n’avaient pas accès à la base de données, mais le texte définitif de la circulaire ne reprend pas cette exclusion. De notre point de vue, il ne serait pas logique d’écarter le RSS puisque ce dernier bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exclusion de la négociation des accords collectifs. Les informations contenues dans la base de données peuvent être adaptées en fonction des destinataires.

Par exemple, dans les entreprises à établissements multiples, les élus des comités d’établissement devront avoir accès aux informations qui relèvent de leurs compétences (ex : bilan social de l’établissement). De même, si les orientations stratégiques envisagées par l’employeur ont des conséquences économiques et sociales sur un des établissements, le comité d’établissement concerné devra être consulté sur les conséquences de cette stratégie pour l’établissement, et devra donc avoir accès aux informations liées à cette consultation dans la base de données.

Enfin, si l’employeur estime que certaines informations ont un caractère confidentiel, il doit les présenter comme telles. Il doit, par ailleurs, indiquer la durée de cette confidentialité. Rappelons que l’employeur ne peut pas placer sous le sceau de la confidentialité l’ensemble des informations transmises aux IRP (CA Paris, 11 mars 2013, n°12/20238). Il doit être en mesure de justifier, par des éléments objectifs, les informations qu’il estime intrinsèquement confidentielles. Mais dès lors que la confidentialité s’impose, les IRP ayant accès à la base de données doivent impérativement la respecter. La méconnaissance, par un représentant du personnel, de son obligation de confidentialité est, en effet, passible de sanction disciplinaire (Cass. Soc. 6 mars 2012 n° 10-24.367).

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