Par Caroline Toby, Helyett Le Nabour et Gwenaëlle Teissèdre, avocats associés. Szpiner Toby Ayela Semerdjian
Le dirigeant est celui qui représente l’entreprise vis-à-vis des tiers et des salariés. Il gère et assume en cas d’infractions aux règles les conséquences de celles-ci même s’il n’en est pas l’auteur. Il doit en d’autres termes être préparé à se défendre contre un ennemi parfois invisible qui se cache dans le détail de textes législatifs et réglementaires toujours plus complexes et nombreux.

«?Nul n’est responsable que de son propre fait?» (Art. 121-1 Code pénal), le dirigeant est pourtant susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée uniquement en raison de ses fonctions. L’augmentation des textes répressifs oblige plus que jamais à se préoccuper de la question de la responsabilité pénale du dirigeant d’autant plus que la mise en cause de sa responsabilité n’est pas exclusive de celle de l’entreprise. Celle-ci pouvant également être déclarée responsable des infractions commises pour son compte par ses représentants (Art. 121-2 Code pénal).

Comme l’a si justement dit Sun Tzu dans L’Art de la guerre «?Avant que de faire camper vos troupes, sachez dans quelle position sont les ennemis, mettez-vous au fait du terrain et choisissez ce qu’il y aura de plus avantageux pour vous?». Donc, ce n’est que lorsque le dirigeant est informé des risques qu’il encourt, qu’il les a identifiés, qu’il sait comment les prévenir ou à défaut les traiter.

Identifier les principaux facteurs de risque
- Infractions aux règles de santé et de sécurité
L’employeur a une obligation de sécurité de résultat envers les salariés. Il doit donc absolument les protéger sous peine de s’exposer à une amende de 3 750 euros appliquée autant de fois qu'il y a de salariés concernés. En cas de manquement collectif l’amende peut donc être conséquente. De plus, la défaillance de l’employeur est aggravée s’il est l’auteur d’une faute inexcusable qui sanctionne le fait qu’il aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu’il n’a pas agi en conséquence. Nul besoin d’une intention de mal faire, le seul fait que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger suffit s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir.

- Conditions de travail
La santé physique n’est pas la seule qui doit être protégée, le dirigeant doit également s’assurer que les conditions de travail n’affectent pas la santé mentale des salariés. Il doit garantir ses collaborateurs contre le harcèlement moral (1) ou sexuel (2), d’un supérieur sur un subordonné, d’un subordonné envers son supérieur ou entre salariés de même niveau.
S’il doit agir pour faire cesser le harcèlement il est trop tard, l’infraction et donc le dommage sont constitués. Il ne peut pas non plus laisser s’installer des méthodes qui collectivement imposent une pression excessive aux salariés. Si l’émulation est permise elle ne peut pas conduire à un harcèlement managérial au nom de la rentabilité. Tout est histoire d’appréciation au cas par cas – car c’est bien à chaque individu qu’il faut s’adapter.

- Institutions représentatives du personnel
Le dirigeant, même s’il ne préside pas les institutions représentatives du personnel, peut voir sa responsabilité engagée si les actions de l’entreprise contreviennent à leurs prérogatives. Ainsi, tant au niveau de la mise en place des institutions (3) que de leur fonctionnement, certains manquements constituent un délit d’entrave passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement d’un an. Par exemple, constitue un délit d’entrave le fait de ne pas consulter les représentants du personnel sur un changement de contrôle bien qu’il s’agisse d’un acte privé de cession de titres.

- Travail dissimulé et sous-traitance
L’infraction de travail dissimulé sanctionne le défaut de déclaration de la relation de travail, des heures de travail ou du salaire minimum. Lorsque le dirigeant refuse de régler les heures supplémentaires, le salarié peut initier une procédure devant le conseil de prud’hommes ou le tribunal correctionnel pour y mettre un terme et être indemnisé. L’inspection du travail peut aussi dénoncer cette situation et dresser un procès-verbal à l’encontre du dirigeant. Le travail dissimulé est la principale infraction relevée par la Direccte, il s’agit donc d’un risque fréquent quelle que soit la taille de l’entreprise.

Comment prévenir les risques
Plusieurs dispositifs permettent de prévenir les risques, notamment :

- Formation et information : quel que soit le risque encouru par le dirigeant, la formation et l’information du personnel sont assurément les meilleurs moyens de prévenir les infractions. Elles permettent aussi au dirigeant d’établir qu’il a fait le nécessaire pour sécuriser le travail des salariés. Il est de sa responsabilité de s’assurer que les objectifs qu’il fixe à l’encadrement sont compris et expliqués aux salariés sous peine de les éreinter et d’aboutir à un résultat opposé à celui recherché. La communication n’est jamais une perte de temps, elle garantit l’effectivité de l’écoute par l’entreprise et évite que des situations se cristallisent dans le silence.

- Le document unique des risques permet de faire l’inventaire des risques dans la société et de mettre en place les moyens et les actions pour les prévenir. Ce document est toujours consulté lors d’un accident du travail et son absence aggrave la responsabilité du dirigeant. Sa tenue et son actualisation sont trop souvent oubliées.

- Le CHSCT (à défaut les délégués du personnel) doit être le partenaire du dirigeant dans la prévention des risques et il est indispensable de lui accorder les moyens et le temps pour qu’il conduise efficacement ses missions.

Bien déléguer pour couvrir un maximum de risques
Quand la société atteint une certaine taille le dirigeant ne peut pas être partout. Il peut mettre en place des délégations de pouvoirs en fonction des spécialités des cadres. En effet, la responsabilité pénale peut être déléguée (sous réserve des statuts). La délégation doit être irréprochable pour reporter la responsabilité du dirigeant sur le délégataire. La délégation doit être : adaptée en fonction de la taille de l’entreprise, accordée à quelqu’un qui a le savoir-faire technique, juridique, les compétences, l’autorité et les moyens nécessaires pour prendre les mesures qui s’imposent. Elle doit être précise, assez longue pour que l’intéressé ait le temps de prendre les mesures nécessaires et connue dans l’entreprise. Attention, elle n’exonère pas le chef d’entreprise de sa responsabilité pour les actes qu’il commet personnellement et ceux relevant uniquement de son pouvoir de direction.

1 Articles L1152-1 du Code du travail et 222-32-2 du Code pénal.
2 Articles L.1153-1 du Code du travail et 222-33 du Code pénal.
3 Que leur constitution résulte de textes législatifs ou conventionnels Cass., Crim. 5 mars 2013 N° de pourvoi : 11-83984.



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