La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est soumise à consultation publique par le gouvernement depuis novembre. Cette feuille de route à dix ans doit composer avec la fin du bouclier énergétique et les objectifs de réindustrialisation de la France. Retour sur les intentions du gouvernement avec Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'Énergie.

Décideurs. En quoi le nouveau projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) diffère-t-il de l’ancienne PPE ? Quels "ajustements à la marge", selon les termes du gouvernement, contient-il ?

Olga Givernet. La première PPE date de 2015. Il en est prévu une révision tous les cinq ans et une nouvelle mouture tous les dix ans. L’objectif poursuivi par le texte reste le même : atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Mais il y a une volonté de la part du gouvernement d’acter un rééquilibrage sur les énergies décarbonées provenant du nucléaire et des énergies renouvelables mais aussi de prendre en compte la maîtrise de la consommation grâce à la sobriété et l’efficacité énergétique. En 2022, la France fonctionnait avec 40 % d’énergies décarbonées et 60 % d’énergies fossiles. Nous souhaitons inverser ces chiffres d’ici à 2030. Et ce grâce à une baisse de la consommation, permise par notre politique de sobriété énergétique, tout en remplaçant les énergies fossiles par des décarbonées.

Comment concilier cet objectif de décarbonation avec la hausse prévue des prix de l’électricité ?

Mon objectif, c’est que la France redevienne non seulement une grande Nation de l’énergie, mais surtout d’une énergie à un prix abordable. Nous devons donc faire baisser la facture. En février, 80 % des ménages bénéficieront d’une baisse d’au moins 9 % sur les prix de l’électricité. Les Français les plus modestes continuent de bénéficier du chèque énergie. La crise énergétique étant passée, les prix de marché sont sur un retour à la normale, le bouclier tarifaire est derrière nous mais nous voulons quand même faire baisser la facture.

Qu’en est-il des industriels ?

Les industriels ont tout intérêt à mener leur transition énergétique. C’est-à-dire à maîtriser leur consommation tout en utilisant des énergies moins carbonées et produites en France, donc avec un coût maîtrisé. Les baisses de prix les concernant passent par des discussions avec les fournisseurs en France et des contrats qui leur assurent de la prévisibilité.

"Il n’y a pas de sanctions prévues pour les entreprises qui ne verdissent pas leur flotte mais il faut y réfléchir"

Comment allier réindustrialisation et décarbonation ?

Nous voyons que la décarbonation est justement une opportunité pour réindustrialiser le pays. Je pense notamment aux gigafactories de batteries électriques, ou aux transformations de l’outil industriel dans certains secteurs en transition, que le gouvernement soutient fortement.

Que dites-vous aux industriels qui estiment ne pas jouer avec les mêmes règles que leurs concurrents étrangers dont les objectifs en matière de décarbonation sont moins ambitieux ?

Nous sommes conscients des enjeux de compétitivité pour les entreprises qui sont sur des marchés internationaux, lorsque les pays produisent à moindre coût et de façon moins vertueuse. C’est là que la PPE est importante. Elle doit pouvoir répondre aux attentes des entreprises et faire baisser les prix. Quant aux concurrents, on parle surtout des États-Unis et de la Chine car, au niveau européen, nous avons des prix de l’énergie attractifs.

Êtes-vous inquiets de la réélection de Donald Trump sur ce sujet ?

Nous nous montrons vigilants sur les déclarations de Donald Trump et sur la future organisation de son gouvernement, qui peut avoir des impacts en termes nationaux et géopolitiques.

Les ventes de voiture électriques baissent en Europe. Cela impacte-t-il vos prévisions ?

Les Français ont été au rendez-vous puisqu’environ 20 % de leurs achats ont été orientés vers des voitures électriques depuis le début de l’année. Là où il y a un décrochage, c’est sur les flottes d’entreprises. Celles-ci n’ont pas assuré leur trajectoire de verdissement. Une mission d’information parlementaire travaille sur le sujet. Les constructeurs ont fait leur part en produisant les véhicules nécessaires, maintenant il faut qu’ils puissent les vendre. Pour l’instant, il existe des dispositifs d’incitation. Des sanctions ne sont pas prévues pour les entreprises mais il faut y réfléchir.

Dans un contexte de l’immobilier tendu, le gouvernement va-t-il poursuivre le mouvement d’exclusion des logements les plus énergivores à la location ?

Les passoires thermiques nous préoccupent beaucoup. Nous accompagnons les ménages grâce à Ma Prime Rénov pour améliorer le confort thermique des logements, notamment ceux notés G, les plus énergivores. Il faut un coup de boost absolu pour s’assurer que les propriétaires fassent les travaux nécessaires. Nous verrons ce qui sortira du débat budgétaire mais, jusqu’à présent (depuis 2020), Ma Prime Rénov a permis l’attribution de 10,9 milliards d’euros d’aides à la rénovation. Par ailleurs, une proposition de loi va être discutée d’ici à la fin de l’année pour assouplir les obligations de rénovations énergétiques pour les propriétaires de bonne foi, notamment pour les copropriétés, conformément aux annonces du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Le débat budgétaire, et les coupes qui pourraient en découler, sont-ils un risque pour l’atteinte de vos objectifs ?

La copie budgétaire du gouvernement nous permet de mener à bien nos objectifs. Nous sommes tenus, comme les autres ministères, de nous focaliser sur les dispositifs les plus performants qui doivent être maintenus.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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