Politique-fiction : Jean-Luc Mélenchon, le laïcard anti-communautariste

600 000. Dans les jours qui suivent le premier tour de la présidentielle de 2017, la garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon n’a que ce chiffre à la bouche. Certes, pour sa deuxième candidature à l’élection présidentielle, l’Insoumis a séduit 19,58 % des électeurs, mais il manquait 600 000 voix pour défier Emmanuel Macron au second tour. Où trouver cette manne ?

Patrie, laïcité, souveraineté

Deux lignes s’affrontent. L’une suggère de séduire l’électorat des quartiers populaires et la jeunesse en adoptant une doctrine plus communautariste et "woke". L’autre conseille de rester fidèle à ce qui a fait le succès du dernier scrutin : Jean-Luc Mélenchon doit garder ce ton de vieux prof pédagogue intransigeant sur les questions d’intégration, de laïcité et de patriotisme. Objectif : séduire les classes populaires "fâchées mais pas fachos" de la France périphérique en laissant les Verts et les socialistes s’enfermer dans les idées défendues par Benoît Hamon qui ne parle qu’aux "bobos des grandes villes".

Purge

LFI se qualifie de mouvement gazeux. En réalité, il est vertical et sans courants. Une fois la nouvelle doctrine actée vient le temps des purges. Tous les tenants d’une ligne communautariste sont virés dans le bruit et la fureur. Éric Coquerel, proche de Jean-Luc Mélenchon, juge le voile "féministe par certains aspects" ? "Il ne fait plus partie du mouvement" tweete unilatéralement le Patron. Certains profils "problématiques" ne reçoivent finalement pas d’investiture pour les législatives. C’est notamment le cas de Danielle Obono, qualifiée "d’indigéniste et d’idiote utile des théocrates" par la direction. De même, LFI s’éloigne de Clémentine Autain, trop intersectionnelle pour la nouvelle doxa.

Les nouveaux poids lourds sont pour la plupart des laïcs purs et durs, des bouffeurs de curé, des patriotes souverainistes. Parmi eux, Georges Kuzmanovic, François Cocq et Charlotte Girard, élus députés dans les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et l’Essonne. Autres figures incontournables, Raquel Garrido et Alexis Corbière, fidèles entre les fidèles, devenus députés de Seine-Saint-Denis. Le journaliste François Ruffin qui décroche un siège dans la Somme intègre le premier cercle, tout comme Mathilde Panot et Adrien Quatennens, jeunes pousses promises à un bel avenir.

Jean-Luc Mélenchon a formé et favorisé la carrière de jeunes députés qui ont les mots "camp des patriotes", "défense du peuple", "lutte contre le communautarisme" à la bouche. Parmi eux, Antoine Léaument, Louis Boyard, Clémence Guetté...

Haro sur le "gauchisme" !

Sur la période 2017-2022, les Insoumis testent leur nouvelle doctrine et "parlent cru et dru" pour paraphraser Jean-Luc Mélenchon. Les "élites" sont vouées aux gémonies. Verts et socialistes sont dépeints en "wokes", "traîtres", "adeptes de la lutte des races et non de la lutte des classes", "naïfs", "VRP de l’extrême droite".

Bien sûr, une partie de la presse critique les Insoumis, pointe un populisme et une dérive totalitaire. Mais les habiletés rhétoriques et la culture de Jean-Luc Mélenchon séduisent la jeunesse diplômée, ainsi qu’une partie de l’électorat populaire naguère porté vers l’extrême droite. Les fiefs "rouges" de l’Hexagone et les syndicats suivent également.

Patron de la gauche

Lors de la présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon harangue les foules dans des meetings où les drapeaux rouges de la Commune et les fanions tricolores s’agitent par milliers. Les poitrines hurlent le slogan désormais connu: "La République, c’est nous !" Le candidat améliore son score de 2017, se rapproche encore du second tour et assure l’élection de 78 députés, dont de nombreux jeunes, tels Antoine Léaument, Clémence Guetté, Louis Boyard. Une garde montante formée par le Patron qui a à la bouche des termes comme "camp des patriotes", "défense du peuple", "lutte contre le communautarisme", "souveraineté".

Lucas Jakubowicz