Les sondages pour les européennes sont très préoccupants pour la majorité présidentielle. Au-delà de l’écart avec le RN, c’est surtout le vieillissement de l’électorat macroniste qu’il convient de souligner.
Quand le vote macroniste devient un "truc de vieux"
Les sondages en vue des européennes s’enchaînent et la liste de la Renaissance-Modem ne décolle pas. Le dernier baromètre Ipsos réalisé pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne publié en ce début de semaine doit donner des sueurs froides à la majorité présidentielle.
Avec 18 % d’intentions de vote, la liste menée par l’eurodéputée Valérie Hayer reste loin derrière le RN de Jordan Bardella (31 %). Par rapport à mars 2019, la baisse est de 6 points. Le macronisme semble donc réduit à son noyau dur. Ou plutôt son noyau vieux.
C’est sûrement le principal enseignement du sondage : le vote Renaissance est devenu un « truc de boomer ». Chez les plus jeunes électeurs, ce bord politique est en voie d’extinction. Seulement 4 % des 18-24 ans voteraient pour la liste conduite par Valérie Hayer qui se retrouve loin derrière le RN (31 %), les écologistes (18 %), LFI (17 %), le PS (9 %). Même le PCF et LR sont devant avec 6 %. Chez les 60-69 ans, le RN a brisé son plafond de verre et se retrouve à 31 % contre 19 % pour le parti centriste, le PS complétant le podium avec 14 %.
En revanche, chez les plus de 70 ans, le parti mène la danse avec 29 % même si le RN n’est désormais plus très loin (24 %). Statistiquement, le macronisme est donc devenu le parti des personnes âgées en dépit de ses efforts pour paraître jeune et en mouvement. Les deux tiers des électeurs macronistes pour les européennes ont plus de 60 ans ! Dans l’histoire de la politique française, jamais un parti n’a connu un tel déséquilibre générationnel.
Pour autant, le macronisme a-t-il déjà incarné la jeunesse ? L’analyse des précédents scrutins apporte un éclairage.
Aux européennes, le vote macroniste est crédité de 29% chez les plus de 70 ans et de 4% chez les 18-24 ans
Macron 2017, le mythe jeune
Il existe une idée reçue tenace selon laquelle, lors de l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron aurait conquis les électeurs les plus juvéniles. Les raisons ? Son statut de moins de 40 ans, sa volonté de briser les codes, sa maîtrise de l’anglais ou encore son ouverture sur le monde et les questions sociétales.
Mais l’étude sur la sociologie de l’électorat menée par Ipsos après le premier tour apporte de la nuance. Chez les 18-24 ans, le marcheur était à 18% au coude à coude avec Marine Le Pen mais loin derrière les 30 % de Jean-Luc Mélenchon. Ce score est par ailleurs moins bon que chez les autres vainqueurs de présidentielles. Ainsi, Nicolas Sarkozy avait raflé 25% des suffrages des plus jeunes électeurs en 2007 et François Hollande 28% en 2012.
En revanche, le marcheur était parvenu en 2017 à séduire 28% des 25-34 ans, à égalité avec Marine Le Pen et avec 4 points d’avance sur le candidat Insoumis. Chez les plus de 70 ans, c’était alors François Fillon qui menait la danse avec un score sans appel de 45% !
Macron 2022, OK boomer ?
Cinq ans plus tard, un autre cliché circule dans l’opinion à propos du vote Macron : le "président candidat" aurait perdu la jeunesse et son électorat aurait considérablement vieilli. Là aussi, les études électorales cassent certaines idées reçues. Oui, le président sortant a connu une progression impressionnante chez les plus âgés, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Toujours selon Ipsos, Emmanuel Macron est passé de 27% à 41% chez les plus de 70 ans (loin devant Valérie Pécresse et Marine Le Pen à 13%, Jean-Luc Mélenchon étant à 9%). Chez les 60-69 ans, il mène également la danse avec 31% (il devance la candidate d’extrême droite et l’Insoumis à 17 %).
Pour autant, attention aux raccourcis. En dépit d’un socle grisonnant, il garde tout de même le soutien de jeunes électeurs. S’il s’améliore légèrement chez les 18-24 ans où il gagne 3 points passant de 18% à 21%, il est néanmoins distancé par Jean-Luc Mélenchon (31%) et Marine Le Pen (26%). Mais tout n’est pas rose puisqu’il perd 4 points chez les 25-34 ans passant de 28% à 24% d’une présidentielle à l’autre.
En se positionnant comme le chantre de la stabilité et de la modération durant son premier quinquennat, le plus jeune président de la Ve République est donc parvenu à séduire l’électorat âgé, bien souvent venu de la droite mais "en même temps", il garde une certaine force dans la jeunesse sans y être prédominant.
Législatives, un électorat vieillissant
En somme, depuis son émergence, Emmanuel Macron aurait gardé dans son giron les très jeunes électeurs pas forcément entrés dans la vie active, répulsé une partie de la population active mais attiré les séniors. Les élections législatives permettent d’aller encore plus loin et d’affirmer que le macronisme dépend de plus en plus d’électeurs âgés.
Lors du premier tour des élections législatives de 2017, les candidats de la majorité présidentielle avaient obtenu en moyenne 32% des voix. À l’époque, les électeurs macronistes était uniformes en termes d’âge : 32% chez les 18-24 ans, 33% chez les 60-69 ans, 32% chez les plus de 70 ans par exemple.
Mais le renouvellement de l’Assemblée nationale de 2022 marque une rupture : le bloc macroniste n’est pas attractif pour les plus jeunes et attire les aînés. Si les listes de la majorité présidentielle désormais baptisée Renaissance obtiennent 25,2% en moyenne, une disparité d’âge apparaît. Le macronisme ne séduit plus que 13% des 18-24 ans et 19% des 25-39 ans. Des scores loin derrière la Nupes (42% et 38%). En revanche, le président réélu limite la casse en rassemblant 38% des plus de 70 ans soit 5 points de plus que lors des précédentes législatives.
Lucas Jakubowicz