Depuis dix ans, l’Ifop publie un état des lieux de l’image de Marine Le Pen. Cette dernière n’a jamais été aussi bien perçue dans l’opinion publique. Focus sur un sondage qui devrait faire trembler tous les partis.

Depuis plusieurs élections présidentielles, la classe politique joue à un jeu dangereux : essayer de se qualifier au second tour du scrutin pour faire face à Marine Le Pen et, ainsi, être certain de rafler la mise. Une technique de plus en plus périlleuse puisque la candidate du RN améliore ses scores : 33,9 % en 2017, 41,4 % en 2022. À ce rythme, aura-t-elle la majorité en 2027 ? S’il est difficile de prévoir le résultat d’une échéance aussi lointaine, la récente enquête barométrique de l’Ifop sur l’image de Marine Le Pen montre que sa victoire ne relève plus de l’utopie.

Marine Le Pen n’est plus un obstacle à la démocratie

Le premier enseignement à tirer de l’étude est le suivant : le RN et Marine Le Pen semblent définitivement dédiabolisés. Est-ce l’attitude globalement sans vagues du groupe RN à l’Assemblée ? Le fait qu’aujourd’hui ce sont les députés LFI qui reprennent les codes du lepénisme traditionnel constitués d’appel à la violence, de discours anti-élites, de saillies flirtant avec l’antisémitisme ?

Impossible de répondre précisément à la question faute d’études qualitatives. Dans tous les cas, Marine Le Pen tire les marrons du feu. En 2015, seuls 42 % des Français estimaient que la triple candidate à la présidentielle était "attachée aux valeurs démocratiques". En 2023, la proportion monte à 57 %.

Logiquement, au vu de son électorat, c’est dans les catégories populaires qu’elle réalise ses meilleurs scores : 74 % chez les chômeurs, les artisans ou les commerçants, 70 % chez les ouvriers. La frange la plus aisée, c’est-à-dire les personnes gagnant plus de 2 500 euros par mois, lui résiste encore (37 %). Mais elle réalise des percées dans certains pans de la population souvent moins « lepénistes » que la moyenne tels que les 50-64 ans (66 %).

En 2015, 42% des Français estimaient Marine Le Pen "attachée aux valeurs démocratiques". En 2023, la proportion s'élève à 57 %

La candidate du peuple ?

Autre atout pour Marine Le Pen, elle se repose sur l’image d’une candidate "du peuple". Pour 58 % des personnes interrogées, elle est jugée "proche des préoccupations des Français", soit une hausse de 11 points en dix ans. Hormis les cadres et les diplômés du supérieur, tous les segments du corps électoral se rangent à cet avis. C’est notamment le cas des professions intermédiaires (61 %). Un point important puisqu’il s’agit de la sacro-sainte "classe moyenne" indispensable pour remporter un scrutin présidentiel.

Toujours pas l’étoffe

Bien que majoritairement considérée comme attachée à la démocratie et proche du peuple, Marine Le Pen a encore un obstacle à franchir : avoir l’étoffe d’une présidentiable. Si la situation s’améliore au fil des années, beaucoup reste à accomplir. 47 % seulement des Français considèrent qu’elle a la stature d’une présidente de la République. Même s’il s’agit d’un score de 17 points plus élevé qu’en 2015, la proportion reste faible. 52 % des Français la qualifient de compétente et 51 % en capacité de réformer le pays. Le stigmate de son débat calamiteux de 2017 risque d’être très difficile à effacer.

Son débat calamiteux de 2017 reste très difficile à effacer

Vers une Nupes de droite ?

Malgré tout, l’état-major RN peut se mettre à rêver. Pour la première fois, son leader est en capacité, selon ce sondage, de réunir la droite autour d’elle et de constituer une "Nupes conservatrice". Les partis de gauche qui se sont rangés derrière LFI, parti jugé pourtant tout aussi populiste que le RN, ont probablement levé les tabous.

Ainsi, les électeurs LR sont 73 % à la trouver proche des préoccupations des Français et 63 % attachée aux valeurs démocratiques. Même si les électeurs de droite la considèrent majoritairement comme peu compétente et incapable de réformer le pays, le cordon sanitaire voulu par Jacques Chirac est  mort. De plus, les électeurs d’Éric Zemmour la plébiscitent : attachée aux valeurs démocratiques ? Oui à 95 % ! Compétente ? Oui à 82 % ! Capable de réformer le pays ? Oui à 85 %.

Rejetée par les macronistes

L’étude menée par l’Ifop montre que l’image de Marine Le Pen s’améliore partout. Même chez les électeurs qui se positionnent à gauche, elle se repose sur un noyau qui la "tolère" et, de ce fait, serait moins enclin au barrage qu’avant. Ainsi, 44 % des électeurs de gauche estiment que Marine Le Pen est proche des préoccupations des Français et 41 % affirment qu’elle est attachée aux valeurs démocratiques.

Parmi les électeurs, un groupe résiste encore et toujours : les macronistes. Ils sont ceux qui rejettent le plus massivement Marine Le Pen. Dans le détail, ils sont seulement 20 % à la trouver proche des préoccupations des Français, 21 % attachée aux valeurs démocratiques, 16 % compétente et capable de réformer le pays et 9 % dotée de l’étoffe d’une présidente.

Ces chiffres permettent de cerner le principal pilier idéologique d’Emmanuel Macron et du candidat qui incarnera sa succession : un anti-lepénisme viscéral. Reste à savoir si les Français y adhéreront toujours.

Lucas Jakubowicz

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