Certains pays pratiquent l’isolement des personnes atteintes du Covid-19 qui sont placées en quarantaine dans des hôtels ou à domicile. Le gouvernement souhaite s’inspirer de l’étranger mais des obstacles juridiques et politiques demeurent.

Quel est le point commun entre Israël, Taiwan et la Corée du sud ? Ces trois pays ont réussi à vaincre l’épidémie de Covid-19 en enregistrant un très faible nombre de décès pour 100 000 habitants. La recette suivie consiste en un savant mélange composé de tests, de confinement, d’autodiscipline… et d’isolement. Dans les trois pays tous les voyageurs ont été placés en quatorzaine (voire en quarantaine) dans des hôtels à côté des aéroports. Les malades ont été assignés à résidence et drastiquement contrôlés.

Rattraper le retard

Même si l’Hexagone n’a pas opté pour une politique d’isolement pendant le pic épidémique, l’exécutif compte rattraper le temps perdu. Le 17 mars, à l’Assemblée nationale, Édouard Philippe a défendu son plan de déconfinement organisé autour du triptyque "protéger, tester, isoler". L’ancien bras droit d’Alain Juppé s’est  àcette occasion montré très clair : "si vous êtes porteur du virus, vous aurez le choix entre un isolement à domicile ou un lieu qui n’est pas votre domicile comme un hôtel mis à votre disposition avec un suivi médical. Après une période d’isolement et un examen médical, vous pourrez évidemment reprendre une vie normale".

"A Roissy, il n'existe aucun hôtel dédié à l'isolement d'éventuels malades venus de l'étranger"

Pour le moment, le dispositif est loin d’être opérationnel. "À Roissy et dans tous les aéroports de France, il n’existe aucun hôtel dédié à l'isolerment d’éventuels malades venus de l’étranger qu’il s’agisse d’expatriés ou de voyageurs", explique Damien Regnard, sénateur LR des Français de l’étranger qui déplore que "l’isolement des personnes entrant sur le territoire s’effectue sur la base du volontariat, à domicile, parfois en contact avec des personnes âgées". L’élu qui représente les Français vivant en Amérique du Nord explique que "de toute manière, un voyageur qui passe par un aéroport en France n’est même soumis à un test de température et l’on ne peut isoler tout le monde dans des hôtels à titre préventif à moins de réquisitionner un nombre de lits important".

Pour ceux qui contractent la maladie en France, aucune véritable mesure d’isolement n’est prévue actuellement. Et cela devrait continuer. Le 12 mai, le Conseil constitutionnel a validé la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet tout en censurant plusieurs éléments du texte qui portent, notamment sur l’isolement des malades. Pour les Sages, en l’état, l’isolement est qualifié de "mesure privative de liberté" consistant en "un isolement complet, lequel implique une interdiction de toute sortie". Impossible pour eux d’imposer la mesure sans contrôle d’un juge. En clair, les hôteliers n’ont pas à craindre une réquisition de leurs établissements. Du moins à court terme.

Isolement des particuliers, quid du tracing ?

Si la justice accepte le principe de l’isolement (ce qui est loin d’être acquis), son efficacité ne sera pas garantie pour autant. Il est nécessaire de concevoir un volet coercitif. Taiwan a assumé de construire une "clôture numérique", pour reprendre le terme de la ministre du Numérique Audrey Tang. Chaque isolé est pisté, tracké et sanctionné dans les vingt minutes s’il s’éloigne de sa résidence. En Corée du sud, vingt minutes suffisent pour repérer les récalcitrants grâce à un système de tracking construit en collaboration avec les banques et les opérateurs téléphoniques. Dans l’Etat hébreu, c’est l’armée qui a pris le contrôle de la lutte contre l’épidémie et qui a déployé des techniques habituellement utilisées pour le contre-terrorisme.

Côté français, l’aspect coercitif est pour tout dire inexistant. Certes, le premier ministre a évoqué des "brigades" qui pour le moment ne sont qu’un vœu pieux. Et l’appli StopCovid n’est pas déployée à grande échelle et, lorsque cela sera le cas, son installation sera facultative. De quoi limiter son impact.

Lucas Jakubowicz

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