Lors de l’inauguration de la première journée nationale de l’innovation en santé début 2016, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a nommé le professeur Jean-Yves Fagon comme délégué ministériel à l’innovation en santé. Une création de poste inédite. Bilan des premiers mois.

Décideurs. Sur quels volets de l'innovation en santé travaillez-vous ?

Jean-Yves Fagon. La délégation a été créée officiellement au mois de septembre, après décision de la ministre en janvier, pour coordonner les efforts des différents acteurs de l’innovation en santé et favoriser leur accès au marché. Une liste de sujets, couvrant tous les pans de l’innovation en santé, nous a été confiée : des médicaments, aux dispositifs médicaux, en passant par la prévention ou le médicosocial.

 

Comment votre action se concrétise-t-elle ?

La force du modèle français repose sur un système de protection sociale universel et des priorités comme la sécurité pour la population et la lutte contre les inégalités d’accès aux soins, tout en tenant compte du contexte financier actuel. La délégation a à cœur de rappeler ces principes tout en coordonnant les efforts entrepris par les pouvoirs publics, la direction des entreprises et le ministère de l’enseignement et de la recherche, élément majeur dans le développement des innovations. Des partenaires privés aident et orientent également les porteurs de projets.

 

À quels problèmes peut faire face un porteur de projet et comment l’aidez-vous ?

L’innovation isolée existe de moins en moins. Elle est la combinaison des différents aspects des solutions innovantes : la qualité d’un dispositif médical ou de l’objet connecté, les conséquences d’une organisation nouvelle… Les porteurs de projets doivent évoluer dans un écosystème complexe au sein duquel grouillent de nombreux acteurs. La délégation les aide à avoir l’approche la plus claire et globale possible à chaque stade du développement de leur innovation.

 

Quel bilan pouvez-vous tirer de ces premiers mois ?

L’innovation sanitaire est freinée par le nombre trop élevé de personnes qui s’en sont saisi. Il est nécessaire d’améliorer la coordination entre les acteurs ainsi que leur compréhension du système pour éviter les doublons et les redondances. Des progrès sont encore à faire.

 

« Pour la première fois cette année, la santé est au cœur des discussions à l’occasion de la campagne électorale. »

 

Comment répondre à la crise de l’innovation sanitaire ?

Il n’y a pas de crise. L’innovation en France est flamboyante, notamment en matière de santé, et les rencontres du CES à Las Vegas l’ont une fois de plus prouvé. Seul un pourcentage restreint d’innovations trouvera sa place sur le marché, mais c’est le propre des processus de développement de l’innovation.

 

La dette du système de santé en France se creuse malgré les promesses d'équilibre. Peut-on encore collectivement financer des innovations aussi coûteuses qu'indispensables à la modernisation des soins ?

L’innovation est la clé pour transformer et faire évoluer notre système de santé. Elle n’est pas une dépense mais plutôt un investissement dont il faut réussir à mesurer l’impact budgétaire et organisationnel. Il est nécessaire d’avoir des prises de décision adaptées à l’évolution de l’innovation. Prenons l’exemple de l’arrivée d’un nouveau médicament sur le marché permettant aux patients de se passer d’une structure hospitalière. Il serait absurde de garder des lits ouverts. C’est aujourd’hui ce qui se passe en France. L’innovation est un volet indispensable, mais il doit s’insérer dans un ensemble cohérent pour faire évoluer le système.

 

Pourquoi le sujet de la santé est-il souvent le parent pauvre des débats politiques ?  J’ai constaté qu’un an avant la date de chaque élection, des travaux d’une qualité rare sont menés sur le système de santé. Puis, à l’approche des votes, le sujet disparaît complétement des débats. Pour la première fois cette année, la santé est au cœur des discussions à l’occasion de la campagne électorale. Les politiques ont décidé de se saisir de ce sujet majeur dont les enjeux sont considérables. Ce n’est pas qu’une question budgétaire, comme certains financeurs peuvent le penser, mais une question relative à la vie de tous.

 

Propos recueillis par Marion Robert

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