Présidentielle, principe des primaires, bilan de son action gouvernementale : hors des plateaux, le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement se montre mesuré (1).

DÉCIDEURS. La magistrature n’a-t-elle pas réagi avec excès aux propos rapportés
dans le livre Un président ne devrait pas dire ça (2)??
Jean-Marie Le Guen.
Le président de la République a depuis bien précisé la réalité de sa pensée et la réalité de son action depuis maintenant quatre ans... La magistrature s’est emballée pour des documents qu’elle n’aurait elle-même pas pris au sérieux dans un de ses jugements. Pour ma part je reste dans le cadre des paradigmes républicains. Il faut préserver l’indépendance de la justice, c’est un combat fondamental, mais tant qu’on est en démocratie, que des élus votent des lois, elle est une autorité, pas un pouvoir autonome. Il faut peut-être qu’elle se pose moins de questions dans son rapport au politique qui est aujourd’hui très apaisé, et qu’elle interroge plus sa propre gestion. Je ne nie pas les problèmes, mais il y a aussi parfois une réflexion insuffisante de l’autorité judiciaire sur elle-même, sur une forme de régulation, sur le management même de la maison justice, des attentes du public... Quand vous êtes médecin, vous ne pouvez pas parler uniquement de la Sécurité sociale, il faut aborder aussi la déontologie médicale, l’évolution des pratiques, les meilleures formes d’organisation, etc.

 

Vous avez évoqué « les conditions particulières de cette présidentielle »,
quelles sont-elles??

L’offre politique traditionnelle ne correspond ni aux besoins objectifs de la situation, ni aux aspirations des Français. Il y a un décalage complet entre une offre très court-termiste et conservatrice et les attentes des Français. Nous sommes dans une phase de rupture, et regardez par exemple à droite?: les projets programmatiques ont déjà été énoncés il y a vingt ans. Il y a quelque chose qui ne va pas.

 

Concernant les primaires, vous vous montrez quelque peu réticent.
C’est une critique modérée?! Mais les primaires sont les otages des franges les plus activistes et elles mettent beaucoup trop en évidence l’individu dans une forme présidentialiste, au détriment des projets… Quant aux partis, ils sont usés, ils ont perdu beaucoup de légitimité. Il va falloir se réinventer, non pas au niveau des réseaux sociaux qui fragmentent à l’heure actuelle plus qu’ils ne réunissent la population, qui isolent en groupe, paradoxalement. Mais « l’outil internet » révélera certainement des potentialités extraordinaires pour l’extension de la démocratie.

 

Le 49-3 n’a pas pour objectif d’imposer un texte à une assemblée qui n’en veut pas, mais de l’imposer à des minorités contradictoires


 

Quel serait le meilleur et le « pire » adversaire de François Hollande s’il venait à se présenter??
La question de savoir si François Hollande va se présenter ou pas se pose avec une acuité différente en raison de l’effet que peut avoir le livre que vous évoquiez. Mais c’est son choix. Quant à son adversaire, je n’ai pas une vision cynique, j’espère juste que le camp d’en face choisira le meilleur candidat pour la France, le moins mauvais en tout cas. Je récuse cette lecture tactique de ces primaires consistant à souhaiter l’élection de Nicolas Sarkozy afin de favoriser le candidat de la gauche.

 

Quel bilan tirez-vous de votre rôle de secrétaire d’État, notamment lorsque vous avez été confronté au 49-3??
Cette fonction n’est pas du tout celle que l’on dit principalement. Son rôle premier est celui d’aiguilleur du ciel, qui doit planifier l’atterrissage et le chemin des textes de loi, que cela soit des propositions ou des projets. Il y a ensuite un corpus juridique très précis sur toutes les procédures parlementaires que je dois faire respecter pour qu’il n’y ait pas de contestation de cet ordre. Enfin le troisième métier, beaucoup plus politique, est d’appréhender les réactions potentielles des parlementaires sur un texte et de faire le lien avec le gouvernement. Quant au 49-3, il n’a pas pour objectif d’imposer un texte à une assemblée qui n’en veut pas, mais de l’imposer à des minorités contradictoires. Si le texte est critiqué pour des raisons convergentes, le 49-3, même légal, a beaucoup moins de légitimité et la motion de censure qui suivrait beaucoup plus?! Il est en fait assez équilibré pour contrer les amalgames. On n’est ainsi pas « passé en force », mais face à l’obstruction de gens de points de vue opposés.

 

Cela a été un quinquennat difficile au niveau parlementaire…

Oui, y compris parce que la majorité n’a pas organisé en son temps une discipline légitime dans une formation politique. Si on est dans un parti, c’est pour accepter une forme d’organisation collective, sinon on en revient à l’élection des notables, ou « sur son nom ». Il y a eu des moments douloureux comme les débats après les attentats, très longs, mais nous avons réussi à trouver une majorité qualifiée à l’Assemblée. Quant au débat sur la déchéance de la nationalité, cela a été un tour de force technique, mais je n’en suis pas extrêmement fier politiquement.

 

Propos recueillis par @Quentin Lepoutre

 

(1) Mis en cause après notre interview dans l'enquête Nos très chers émirs (Michel Lafon) des journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot pour des pressions sur l'ambassade du Qatar à Paris, Jean-Marie Le Guen a annoncé porter plainte.

(2) Un président ne devrait pas dire ça..., par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Stock.

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