Alors que l’état d’urgence n’a pu empêcher le drame de Nice, l’Assemblée nationale et le Sénat ont voté sa prolongation de six mois les 19 et 20 juillet.

C’est dans une ambiance tendue que l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à la fin du mois de janvier. Conformément aux réclamations de l’opposition, le texte prévoit en outre un durcissement de mesures. Ainsi, les perquisitions administratives sans l’aval d’un juge, retirées lors de la prolongation du 26 mai, seront à nouveau autorisées et les données informatiques saisies pourront être exploitées. Sur ce point, Manuel Valls a d’ores et déjà déclaré que les « garanties exigées » par le Conseil constitutionnel -- qui avait retoqué la mesure pour atteinte au principe constitutionnel du respect de la vie privée -- ont été apportées par l’exécutif. Réunie mercredi, la commission mixte paritaire a par ailleurs accepté les amendements interdisant, d’une part, les rassemblements dont la sécurité ne serait pas garantie, et facilitant, d’autre part, la fermeture des lieux de culte dans lesquels sont tenus des propos incitant à la haine et à la violence.

 

Surenchère

 

Si les mesures d’urgence vont dans le sens de l’opposition, celle-ci n’a pourtant pas manqué d’afficher son mécontentement. Le 17 juillet au soir, le président des Républicains Nicolas Sarkozy donne le ton, déclarant sur le plateau du 20h de TF1 que « tout ce qui aurait dû être fait depuis dix-huit mois ne l’avait pas été ». La surenchère ne se fait pas attendre. 

Contrairement à ce qu’on aimerait croire, l’efficacité de ce régime d’exception n’est pas démontrée.

Dans l’hémicycle de l’Assemblée, Marion Maréchal-Le Pen déclare : « Je crains que le gouvernement ne se cache derrière cet état d’urgence pour des raisons de communication et de facilité », avant de réclamer la démission de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve. Seul rappel à la sobriété dans ce concert revanchard : celui du député centriste François Rochebloine déclarant que la prolongation restait surtout « symbolique » et qu’« il  faudra bien plus pour gagner cette guerre ».

 

 

Un régime d’exception à court terme

 

« Ceux qui promettent qu’on peut tout régler d’un coup de baguette magique mentent aux Français, estime le Premier ministre. Combattre le terrorisme est un travail de longue haleine. » La question est donc bien là : ce régime d’exception à court terme, initialement prévu pour faire face aux événements liés à la guerre d’Algérie est-il réellement efficace ?  Serait-ce, pour François Hollande, le seul moyen d’incarner, pour quelques mois encore, l’homme fort du pays ? Pourquoi ne pas appliquer la réforme pénale, votée par le Parlement en début d’année dans l’objectif de prendre le relai de l’état d’urgence ? Car contrairement à ce qu’on aimerait croire, l’efficacité de ce régime d’exception n’est pas démontrée. La preuve : trois mois après les attentats de novembre, Le Monde mettait en lumière la disproportion entre les moyens déployés et les résultats obtenus. « Si, en tout, 563 procédures judiciaires ont été déclenchées, seules vingt-huit relèvent du terrorisme. Et sur ce chiffre, on compte en réalité vingt-trois cas d’apologie du terrorisme et cinq cas réels de projets ou de menaces d’attentats ou d’attaques », pouvait-on lire dans les pages du quotidien en février dernier. Ces mesures n’ont d’ailleurs pas empêché Mohamed Lahouaiej Bouhlel d’assassiner 84 personnes à Nice le soir de la fête nationale. Et si François Hollande annonçait le 14 juillet que notre « niveau de protection » devait encore être rehaussé, le chef de l’État devra aussi envisager des solutions à long terme (déradicalisation, réforme de l’univers carcéral…) pour espérer lutter efficacement et durablement contre ceux qui veulent nous toucher au cœur.  

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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