Hausse des taux, resserrement monétaire, inflation… Les produits de taux sont en train de redéfinir le paysage du financement, mettant en lumière les fonds de dettes privées, jusqu’ici très discrets. Attirés par les rendements, les investisseurs, tant particuliers qu’institutionnels, ont ainsi préféré jouer la carte du long terme en misant sur cette classe d’actifs.

D’après l’étude de France Invest et Deloitte, 9,5 milliards d’euros ont été levés pour financer les entreprises en dette privée en 2023, et 13,9 milliards d’euros ont été investis sur ce même segment. Cette dynamique, nouvellement portée – en partie – par une clientèle plus retail, incite les sociétés de gestion à innover, et ainsi créer de nouvelles solutions. C’est ce que souligne Maxime Defasy, responsable des investissements chez Althos Patrimoine : "Depuis deux ans nous voyons arriver des fonds purs, au sein desquels nous nous intéressons principalement aux formats evergreen."

Et pour cause. Dans un contexte de taux d’intérêt historiquement bas, les conseils ont orienté l’épargne de leurs clients vers ces produits dans le but d’échapper à la compression des marges sur les obligations d’État. En offrant des rendements souvent supérieurs à ceux des instruments financiers traditionnels, cette classe d’actifs répond à une quête de rendement – et de sens ! – dans un environnement économique et géopolitique incertain. Maud-Kelly Crapeau, senior investment specialist chez Mercer, explique : "De plus en plus d’initiatives voient le jour, notamment au travers de deals financés intégrant des objectifs ESG par les fonds."

Performance, sens, sécurité. La dette privée est-elle à consommer sans modération ?

Les solutions de dette privée, moins corrélée aux fluctuations des marchés publics, offrent une sécurité qui en fait un choix de diversification intéressant. Son rôle crucial dans le financement des petites et moyennes entreprises n’est pas à négliger : ces dernières, qui ont souvent du mal à accéder aux prêts traditionnels, trouvent dans la dette privée une modalité de financement plus flexible.

Cependant, son attractivité ne peut occulter les risques qui lui sont inhérents. "En dette privée, il peut y avoir des renégociations de dette sur certaines opérations, notamment à cause de facteurs externes. En direct, il faut donc avoir deux ou trois leviers de garantie sur le projet sous-jacent" souligne Joachim Savigny, président fondateur de Cheval Blanc Patrimoine. Outre la qualité des titres, l’illiquidité demeure l’un des principaux défis. Le risque de crédit, amplifié par la nature des emprunteurs, est bien souvent plus vulnérables aux chocs économiques. De même que les défauts de paiement, bien que peu fréquents, constituent une menace pour les rendements des investisseurs. L’évaluation des actifs, l’absence de transparence et de données ou encore la complexité des produits peuvent rendre un investisseur réticent à investir. Mais Emmanuel Narrat, fondateur d’Haussmann Patrimoine, rassure : "Certains gérants souscrivent des assurances externes et optionnelles contre les risques de défaut. Il y a une succession de garanties qui, certes, ne supprime pas tous les risques, mais les réduit considérablement."

Si la dette privée ouvre de nouvelles portes aux profils privés ou aux investisseurs à la recherche de diversification et de rendements élevés, il reste essentiel d’approcher ce marché par le biais de conseillers spécialisés, pour qui l’analyse et la qualité sont le terrain de jeu. Dans ce dossier spécial consacré à la dette privée, vous retrouverez les éclairages d’acteurs du secteur venus de différents horizons : multi-family offices, conseillers en gestion de patrimoine, sélectionneurs de fonds et institutionnels. Un tour de table à 360 degrés, pour mieux comprendre et appréhender cette classe d’actifs.

M. F.

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