S’il vaut mieux éviter les décisions impulsives en matière financière, la prudence n’est pas toujours rémunératrice pour autant. Quelle attitude avoir face aux fluctuations des marchés ? La peur permet-elle d’éviter le danger ? Pourquoi ne pas faire comme tout le monde ? Pour répondre à ces questions, la finance comportementale repose sur la théorie selon laquelle nos émotions guideraient nos investissements et orienteraient les marchés.

Souvenez-vous des années 2000 : bulle spéculative sur l’immobilier, multiplication des emprunts accordés par les banques américaines à des particuliers de moins en moins solvables, augmentation du prix de l’immobilier, endettement croissant des foyers et phénomène de titrisation des créances… Avant que la bulle explose et que le tsunami de la crise des subprimes emporte sur son passage la célèbre banque d’investissement Lehman Brothers. D’autres banques ne furent sauvées que de justesse, plusieurs États ayant injecté en Bourse des centaines de milliards de dollars afin d’assurer la liquidité des marchés.

Cet épisode illustre la théorie de la finance comportementale. L’appât du gain, l’excès de confiance, l’ego puis la peur des gérants leur ont fermé les yeux sur les risques qu’ils faisaient courir à leurs clients et employeurs, et sont venus alimenter une crise économique mondiale.

Historique

Mais remontons encore un peu plus loin. Dans les années 1970, forte croissance économique rime avec amélioration du confort de vie dans la plupart des pays développés. C’est à cette époque qu’émerge la finance comportementale. Théorisé par l’économiste Richard Thaler, récompensé en 2017 par le prix Nobel d’économie, ce concept met en avant l’aversion des investisseurs pour les pertes afin de décrypter leurs comportements plus ou moins rationnels sur les marchés. Car si le trader bénéficie d’un cadre bien défini afin d’éviter les faux pas, il n’en reste pas moins humain lorsqu’il investit.

Des biais cognitifs identifiés

Au fil des crises, la finance comportementale a suscité de plus en plus d’intérêt, parvenant finalement à identifier plusieurs biais cognitifs. Parmi les plus répandus : l’excès de confiance – comme l’illustre la crise des subprimes –, mais aussi la peur et l’anxiété des investisseurs, lesquels peuvent également être victimes de “l’effet mouton”, c’est-à-dire une tendance à suivre l’avis général, surtout s’ils se sont trompés par le passé. Qu’il fasse chaud ou froid, qu’il pleuve ou qu’il vente, les conditions météorologiques constituent également un paramètre qui influence la prise de décision.

L’IA, nouvelle pièce de l’échiquier

Depuis peu, une nouvelle variable a fait son entrée : l’intelligence artificielle. Alors que la finance comportementale s’oppose , l’IA remet la rationalité au centre du jeu, effaçant ainsi toute sensibilité humaine relative aux marchés et ses fluctuations. Si certains “tech-enthusiasts” estiment qu’elle pourra corriger les erreurs commises par l’homme, Gary Gensler, président de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis, craint que cela ne puisse conduire à une nouvelle crise, mettant en cause, à nouveau, “l’effet mouton” : “Les acteurs prennent des décisions similaires parce qu’ils reçoivent le même signal d’un modèle de base ou d’un agrégateur.[1]

Les conseillers en gestion de patrimoine, dont le cœur de métier repose sur l’intuitu personae, estiment qu’aucune machine ne pourra être totalement autonome, sans intervention de l’homme. “Sur les périodes de baisse de marché, le gérant est capable d’ajuster ses positions à temps et ainsi, limiter les pertes”, soulève Ninon Manaranche-Michel, fondatrice du cabinet Amanthée Patrimoine.

Apprentissage de la Bourse… et du monde qui nous entoure

Alors quelles solutions reste-t-il à la gestion d’actifs ? Les économistes et professionnels s’accordent à dire que l’éducation financière reste la meilleure solution pour prévenir le risque d’erreur, sans pour autant refuser de prendre en compte les bienfaits de l’innovation technologique, qui pourraient soutenir le gérant dans sa tâche. Certaines techniques sont également à privilégier, telles que la diversification ou la Dollar Cost Averaging (DCA) qui lisse les investissements en les fractionnant à différents moments, indépendamment du prix des titres ou de l’actualité. Le célèbre John Maynard Keynes émettait la théorie suivante : “L’attitude rationnelle sur un marché boursier requiert de s’intéresser non seulement à la valeur fondamentale, mais également à l’opinion du marché[2]”. Autrement dit, il est nécessaire de s’interroger sur ce que croient et font les autres. Ainsi, l’investisseur agit de façon rationnelle et stratégique. Le meilleur des deux théories.

Marine Fleury


[1] Source : Fonds monétaire international.

[2] Efficience, finance comportementale et convention : une synthèse théorique, André Orléan, CEPREMAP, 2004.

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