S. Menoud (Scala) : "La venture philanthropy est indispensable à l’émergence d’un mouvement de fond de l’engagement sociétal"
Scala Patrimoine. Quels sont les principaux enjeux à maîtriser pour mener une stratégie philanthropique cohérente et impactante ?
Sarah Menoud. Un travail préparatoire est indispensable car c’est le socle de toute action philanthropique. Comme l’a bien expliqué Peter Frumkin, directeur du Centre de recherche en stratégie d’impact social à l’université de Pennsylvanie, "vouloir agir c’est d’abord savoir où agir". La première étape, incontournable, consiste à structurer le cadre juridique, fiscal et financier. Mais cette démarche n’est toutefois pas suffisante. Deux écueils sont à éviter. Le premier danger serait de se focaliser sur la structuration du cadre légal au détriment du projet. Appréhender les enjeux sur lesquels les clients souhaitent se mobiliser et tenir compte du degré de maturité de leur engagement est impératif. Le second danger serait de sous-estimer le suivi du projet et la mesure de son impact. Les donateurs ont besoin de s’assurer que leur stratégie soit utile à la société et qu’elle permette de réaliser leurs objectifs. Chaque année, 8,5 milliards d’euros sont donnés aux fondations et associations. Comment s’assurer que cet argent soit toujours bien utilisé ? Si l’on ne répond pas à ces questions, la crainte que peuvent avoir certains Français face à la traçabilité de leurs dons ne sera jamais résolue et empêchera le développement d’une culture profonde de l’engagement.
En quoi la venture philanthropy peut venir contribuer à la nécessité d’un mouvement global d’engagement sociétal ?
Apparue dans les années 1990 aux ÉtatsUnis, la venture philanthropy est une nouvelle forme de philanthropie qui adapte les principes du private equity aux besoins du secteur caritatif. Son développement est, à mon sens, indispensable à l’émergence d’un mouvement de fond de l’engagement qui œuvre à la réconciliation entre monde des affaires et secteur associatif. De nombreux entrepreneurs n’hésitent plus à dupliquer les recettes qui ont fait leur succès professionnel dans le cadre de leur activité philanthropique. Leur soutien est alors dirigé vers un entrepreneuriat social, avec l’idée de provoquer de réels changements, en plus des rendements financiers visés. Ces philanthropes mettent ainsi leur capital au profit d’organisations à but lucratif dont l’objet social est précisément la recherche de l’impact. Cette option se relevant, à leurs yeux, plus durable et impactante qu’un simple don.
Comment impliquer davantage les entreprises dans ce mouvement global de philanthropie ?
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s’impose désormais comme l’une des pierres angulaires et incontournables dans toute stratégie d’entreprise. Le mécénat d’entreprise est à ce titre un puissant levier pour la consolider. Ces actions permettent ainsi de renforcer l’engagement citoyen de l’entreprise et répondre à la recherche de sens des salariés. Différentes stratégies sont alors concevables: je pense notamment au mécénat de compétence et aux actions solidaires sur le temps de travail, ou encore aux plans d’actionnariat salarié pour favoriser le partage de valeur avec les salariés ou des dispositifs d’épargne salarial, intégrant des poches d’investissement solidaires. Dans tous les cas, les entreprises doivent veiller à impliquer au maximum leurs collaborateurs. Dans une période marquée par la crise économique et sanitaire, en plus des défis sociétaux majeurs, ces actions sont essentielles pour s’assurer du bien-être des équipes au travail et surtout favoriser leur implication et leur rétention.