C. Fouché (Agrica Épargne) : "Pour aller chercher des rendements supérieurs, l'investissement en actions est pertinent"
Décideurs. Pouvez-vous nous rappeler le champ d’intervention d’Agrica Épargne ?
Cédric Fouché. Agrica Épargne est une société de gestion, filiale à 100 % du groupe Agrica, qui accompagne ses clients investisseurs institutionnels, entreprises et particuliers dans leurs projets d’investissement et d’épargne pour une performance financière durable. Nous gérons à ce jour plus de 2,3 milliards d’euros avec un suivi responsable appliqué sur l’allocation tactique d’actifs, la multigestion et la gestion d’actions en direct. Depuis plus de douze ans, Agrica Épargne s’inscrit dans cette dynamique de l’investissement responsable, en ligne avec le groupe Agrica, saluée dès 2009 par le prix de l’investisseur responsable, et Alliance professionnelle Retraite. Nous avons poursuivi aux côtés du groupe Agrica dans les principes de l’investissement responsable des Nations unies et lancé un nouveau fonds responsable et de partage, Agrica Epargne Euro Responsable.
Sylvie Mandrillon, quel est le positionnement d’Audiens et votre rôle au sein du groupe ?
Sylvie Mandrillon. Audiens est un groupe de protection sociale spécialisé dans le secteur d’activité de la culture, de la presse, des médias et de la communication. J’ai la charge de la finance du groupe, notamment de l’allocation d’actifs, des investissements et une partie de la gestion actif/passif. Au total, nous gérons près de 1,7 Md€. Sur la partie retraite, nous fonctionnons en délégation de gestion. Ces liquidités sont placées sur un fonds dédié diversifié et sur des fonds de private equity et des produits de trésorerie.
Sylvie Mandrillon : "Les critères ESG commencent à s’imposer naturellement lorsque l’on choisit de nouveaux investissements"
Le momentum est-il intéressant pour investir sur des actifs risqués, après la spectaculaire remontée des marchés financiers en deuxième partie d’année dernière ?
S. M. Nos portefeuilles sont principalement exposés en produits taux. En période de crise notre priorité est d’assurer la trésorerie de chaque institution du groupe. En 2020, nous n’avons donc pas pu réinvestir sur les marchés actions lorsque ceux-ci ont dévissé. Les questions de solvabilité nous ont amenés à diversifier nos positions sur les produits de trésorerie classiques. À la demande de nos administrateurs, nous avons cependant fait de nouveaux investissements destinés à soutenir les entreprises de notre secteur d’activité.
C. F. Agrica Épargne, en tant que société de gestion, n’a pas les mêmes contraintes. Nous avions commencé l’année 2020 de manière extrêmement prudente. Mais, dès le mois de mars 2020, nous avons fait le choix de remettre du risque actions dans nos portefeuilles, les marchés ayant très rapidement profité des actions menées par les banques centrales.
S. M. Il est vrai que les actions des politiques monétaires ultra-accommodantes ont rapidement rassuré les investisseurs. L’arrivée du vaccin au cours du dernier trimestre a également contribué à la remontée des marchés actions.
C. F. Le dernier trimestre 2020 a d’ailleurs été marqué par une violente rotation sectorielle et un retour à meilleure fortune de certaines valeurs cycliques et de style « value ». Un mouvement qui a confirmé la pertinence de notre stratégie, reposant sur une reprise progressive du cycle économique en 2021. Les taux d’intérêts proposés par les produits de taux et les placements monétaires sont très bas, voire – pour certains – négatifs.
Cédric Fouché : "Les obligations convertibles améliorent le profil de diversification des portefeuilles"
Quelles sont les conséquences sur la gestion de vos portefeuilles ?
S. M. L’environnement de taux bas est amené à s’inscrire dans la durée. Les obligations offrent malheureusement peu de rendement. Nos portefeuilles étant exposés à 70 % en produits de taux, il n’est pas simple de générer de la performance. Au niveau bilantiel, les investissements en produits de taux font face à nos provisions. Les actifs de performance sont, quant à eux, placés en face de nos fonds propres. C’est sur cette dernière partie que l’on peut prendre plus de risques et aller chercher de la performance. Nous nous sommes très tôt positionnés sur le segment du private equity. Des positons qui ont été à la marge complétées par des investissements sur des fonds de dette privée, multisectoriels et multi-zones géographiques. En parallèle, nous avons investi sur un actif immobilier en 2019 : Audiens Care, le pôle santé Bergère, situé au 7 rue Bergère dans le 9e arrondissement de Paris. Quoi qu’il en soit, le rendement sans risques n’existe pas. On constate naturellement une baisse de la performance de nos portefeuilles. Les marges de risques se restreignent du fait également d’une réglementation de plus en plus forte, nous sommes donc contraints d’alléger le risque de nos portefeuilles.
C. F . Pour aller chercher des rendements supérieurs, la classe d’actifs liquide la plus adéquate est probablement celle des actions. Les dividendes distribués par les entreprises ont bien résisté malgré la crise et devraient même augmenter cette année. Autre alternative possible pour les investisseurs institutionnels bloqués par des contraintes de solvabilité : les obligations convertibles dont les performances sont proches de celles des actions avec un coût en capital nettement diminué.
Quels sont les atouts des obligations convertibles dans une telle période ?
C. F. Elles permettent de capter une grande partie de la performance des marchés actions, et améliorent le profil de diversification des portefeuilles. Les obligations convertibles sont en effet près de deux fois moins volatiles. Elles subissent en moyenne un tiers des baisses des marchés actions et peuvent bénéficier jusqu’à deux tiers des hausses. Ces conditions offrent un couple rendement/risque attractif. Le gisement est par ailleurs diversifié, avec des volumes importants dans tous les secteurs d’activités. Enfin, les ratings sont assez équilibrés.
S. M. Cette alternative est effectivement crédible. J’ajouterai que les obligations convertibles se révèlent aussi moins consommatrices de fonds propres. Mais aujourd’hui nous avons fait le choix de ne pas les conserver pour diversifier sur d’autres placements.
Sylvie Mandrillon : "Les marges de risques se restreignent du fait également d’une réglementation de plus en plus forte"
C. F. Sans oublier que les convertibles sont aussi moins sensibles à la hausse de taux. Comment l’investissement socialement responsable (ISR) impacte-t-il votre gestion ?
S. M. Il y a deux ans, nous avons analysé l’intégralité de nos portefeuilles et les investissements réalisés par les sociétés de gestion auxquelles nous faisons appel. Celles-ci doivent répondre à un cahier des charges strict, qui matérialise aussi la réglementation de plus en plus pressante sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance. Ces questions commencent à s’imposer naturellement lorsque l’on choisit de nouveaux investissements.
C. F. Nous assurons un suivi 100 % responsable de nos investissements, décliné et adapté selon nos différentes gestions pour combiner performance financière et durable. Dans notre gestion en directe, nous appliquons notre approche propriétaire déclinée par fonds qui tient compte à la fois des enjeux ESG* ou climatiques. Par exemple, notre nouveau fonds Agrica Epargne Euro responsable (fonds « significativement engagé » au sens de la doctrine AMF) investi dans les actions de la zone euro, a pour objectif de délivrer une performance financière en favorisant l’angle santé et environnement tout en tenant compte des enjeux de durabilité ESG, et notamment des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Il offre aussi une contribution sociétale ciblée et immédiatement tangible sur le plan local avec 10 % des frais de gestion rétrocédés à deux organisations, Siel Bleu et Clinatec, qui procurent des solutions par le sport ou la technologie à des maladies neurodégénératives. Concernant la multigestion, nous ne pouvons pas imposer notre propre approche aux sociétés de gestions partenaires. Toutefois, nous avons choisi de déployer dès 2020 une approche de due diligence responsable que nous renforçons en 2021.
L’approche ISR proposée par les sociétés de gestion est-elle encore perfectible ?
C. F. Oui, notamment parce qu’il n’y a pas d’approche universelle sur l’ISR. Cependant les réglementations se renforcent et chacun doit expliquer ce qu’il fait ou pas, c’est le principe « comply or explain » (« appliquer ou expliquer »). C’est dans ce cadre que nous nous inscrivons avec une approche constructive, où les process extra-financiers et financiers seraient traités conjointement.