Une journée avec Romain Burnand, fondateur de Moneta Asset Management
Passionné par l’analyse financière, Romain Burnand s’est aussi découvert une fibre entrepreneuriale en fondant en 2003 Moneta AM qu’il codirige avec Patrice Courty. Une société de gestion indépendante dont la philosophie d’investissement se fonde sur le stockpicking, c’est-à-dire une sélection d’actions reposant sur leurs qualités intrinsèques. Cette méthodologie a fait ses preuves : le flagship, Moneta Multi-Caps, a réalisé une performance de + 195,8 % depuis sa création, soit un résultat annualisé de + 8,2 % (au 2 janvier 2020). Quel est l’emploi du temps de ces dénicheurs de pépites ? Quels sont leurs secrets d’investissement ? Découvrez l'univers d'un pur stock-picker.
8 h 00 : revue de presse
Située rue Marbeuf à Paris, tout près de la prestigieuse avenue des Champs-Élysées, Moneta AM occupe quatre étages d’un immeuble à l’intérieur très moderne. En cette matinée d’automne, le silence est d’or au sein de l’open space où travaillent les équipes de gérants et d’analystes. Pour eux la journée commence immanquablement par la lecture des recherches publiées sur les entreprises, les notes d’analyses extérieures et les communiqués de presse. Une étape nécessaire pour ne rien manquer des informations pouvant impacter les 200 valeurs sur lesquelles la société de gestion applique son propre modèle d’analyse et de valorisation.
« Étonnamment, le modèle économique de la FDJ repose assez peu sur les ventes en ligne » Raphaël Lucet
9 h 00 : le morning meeting
C’est l’un des premiers temps forts de la journée : le morning meeting. Ce moment d’écoute et d’échange permet aux équipes de débriefer l’actualité des entreprises mais aussi de confronter leur conviction, sous l’œil avisé de Romain Burnand. En ce 8 novembre 2019, l’introduction en Bourse de la FDJ (Française des Jeux) est dans tous les esprits. Fautil y participer ? Dans quelles conditions et à quel prix ? C’est Raphaël Lucet, analyste-gérant pour les fonds Moneta Multi-Caps et Moneta Micro Entreprises et chargé de suivre la valeur, qui livre une étude exhaustive. Modèle économique, résultats, management, relais de croissance, rien n’est laissé au hasard. Son état des lieux l’amène à s’interroger sur les habitudes de consommation des joueurs. Il remarque notamment que la FDJ compte moins de clients depuis quelques années mais que ces derniers misent des sommes plus élevées. « Étonnamment, le modèle économique de la société repose assez peu sur les ventes en ligne. Leur dépendance vis-à-vis des débits de tabac est encore élevée », constate Raphaël Lucet.
L’analyste en profite pour rappeler que la société bénéficie d’un monopole sur 95 % de son activité. Précisant qu’« en contrepartie de l’octroi de droits exclusifs pour exploiter des jeux de loterie durant 25 ans, la FDJ verse une somme de 380 millions d'euros, soit 15 millions d'euros par an ». Il met aussi en exergue la qualité du management. Certains doutes subsistent cependant à ses yeux : sur l’avenir des bureaux de tabac d’une part, les faibles leviers sur la marge d’Ebitda d’autre part, et le peu de force de rappel sur la valeur du titre. Après avoir évalué l’entreprise sur des critères qualitatifs et quantitatifs et appliqué leur modèle de valorisation, la décision sera collégiale : Moneta AM participera à l’IPO de la FDJ.
Au cours de cette réunion, Pierre Le Treize, analyste financier, reviendra également sur le parcours de la société Aurès, Grégoire Uettwiller, analyste gérant, sur Solutions 30, et Louis Renou, analyste financier, sur Sif Group, le spécialiste de l’Offshore éolien.
« Lors des entretiens avec les dirigeants d'une société, l’analyse des signaux psychologiques a son importance. Ceux-ci peuvent parfois trahir nos interlocuteurs lorsqu’ils connaissent des périodes de stress » Grégoire Uettwiller
10 h 30 : entretien avec le management d’une société en portefeuille
Si une grande partie de l’activité d’un gérant est consacrée à l’analyse des chiffres, des données, des informations et des valorisations des sociétés, une autre facette du métier est d’échanger en direct avec leur management. Ces entretiens ont pour finalité d’évaluer la qualité de la gouvernance et la pertinence de leurs orientations stratégiques. Avec près de 4 milliards d’euros sous gestion, Moneta AM est un investisseur qui compte. Les entreprises ouvrent facilement leur porte à leurs équipes. En moyenne, les gérants et analystes rencontrent trois fois par an les directions des entreprises ciblées. Au cours de ces entretiens, ils disposent d’une grande liberté pour les challenger.
Aujourd’hui, c’est la direction d’une société déjà présente dans les portefeuilles de Moneta qui défend son dossier. Pendant une heure et demie, les questions se feront précises, ciblées. Les échanges sont cordiaux. Impact des taux d’intérêt sur leur activité, partenariats actuels et potentiels, avenir du marché cible, données financières et comptables ou encore étude des positions short prises sur le titre, aucun sujet n’est éludé. Visiblement en confiance, le management se laisse même aller à reconnaître la qualité de certains de leurs concurrents. Les attitudes non verbales sont aussi scrutées de près. Comme l’explique Grégoire Uettwiller : « Lors de ces entretiens, l’analyse des signaux psychologiques a son importance. Ceux-ci peuvent parfois trahir nos interlocuteurs lorsqu’ils connaissent des périodes de stress ». Bilan des échanges ? Une confiance renouvelée à la société qui jouit encore, aux yeux des équipes, d’un très bon potentiel.
"Plusieurs rencontres sont organisées chaque année entre Moneta AM et leurs investisseurs"
13 h 00 : déjeuner avec des investisseurs
Romain Burnand et ses équipes veillent à entretenir le lien de confiance qui les unit à leurs investisseurs. Plusieurs rencontres sont ainsi organisées chaque année. Tenu au Plaza Athénée, un déjeuner des investisseurs réunit cette fois-ci une vingtaine de banquiers privés et d’investisseurs institutionnels. Avant de dresser un premier bilan de l’année boursière écoulée et des performances des fonds de la gamme, le fondateur de Moneta AM a pris le soin de recueillir les questions de ses convives et d’y répondre. Des interrogations portant notamment sur les parcours boursiers des établissements bancaires – un sujet sur lequel Romain Burnand travaille depuis très longtemps - , l’introduction en Bourse de la FDJ ou encore l’environnement macroéconomique.
15 h 00 : une après-midi consacrée à l’analyse financière
De retour du déjeuner-investisseurs, gérants et analystes passeront une après-midi studieuse consacrée à l’analyse financière. Plusieurs passages d’ordres seront envoyés à Laurent Horville, le responsable négociation, dont la mission est d’acheter et vendre des titres sur les marchés dans les meilleures conditions possibles. Des mouvements qui devront être réalisés sans attirer le regard d’autres investisseurs, toujours à l’affût des choix opérés par les équipes de Moneta AM. C’est ce que l’on appelle la rançon du succès.
« On aime découvrir des sociétés sur lesquelles on pense avoir une idée intéressante et les suivre » Romain Burnand
Une méthodologie d’investissement singulière
Moneta AM met en œuvre une méthodologie d’investissement centrée sur le stock-picking. Sa valeur ajoutée repose donc sur une connaissance pointue des sociétés dans la durée, notamment sur les petites et moyennes valeurs. « Nous avons mis l’accent sur la qualité de nos fonds et de la recherche », abonde Romain Burnand, avant d’ajouter, « On aime découvrir des sociétés sur lesquelles on pense avoir une idée intéressante et les suivre. »
L’objectif est clairement défini : être le premier à découvrir une valeur qui va performer dans la durée. La gouvernance faisant également partie des critères d’appréciation clés. Mais découvrir une belle société ne suffit pas, encore faut-il « bien comprendre le consensus pour voir ce qui est pricé par le marché ». Les équipes de Moneta AM ciblent « des valeurs pas chères, intermédiaires, avec la capacité de se redresser ou d’accélérer sur le long terme, ou des valeurs de qualité moyenne avec un bon potentiel », délaissant volontairement les sociétés dont les valorisations sont élevées ou celles qui ne dépendent que d’un seul facteur économique ou financier.
La société de gestion est également connue pour s’affranchir de toute considération macroéconomique. En pratique, trois catégories d’entreprises sont privilégiées : « Celles oubliées ou peu aimées, celles un peu complexes à analyser et celles un peu sous pression », nous confie Romain Burnand. Parmi les nombreux investissements gagnants réalisés par la société de gestion figurent Téléperformance, « entrée dans notre portefeuille 2004 alors que l’entreprise connaissait un passage difficile », et Alten « une valeur que l’on a depuis la création, mais dont on a fait évoluer la pondération dans nos fonds ».
Aurélien Florin (@FlorinAurélien)