Nous avons rencontré Julien-Pierre Nouen et Matthieu Grouès, respectivement directeur des études économiques et de la gestion diversifiée et associé-gérant chez Lazard Frères Gestion, pour mieux comprendre la stratégie d’investissement du fonds Lazard Patrimoine.

Victime d’un moteur obligataire en panne sèche et de l’absence de valeurs refuges une grande partie des fonds patrimoniaux n’ont pas réussi à tenir leur promesse de performance au cours des dernières années. Parmi ceux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu, figure le fonds Lazard Patrimoine.

Décideurs. Les États-Unis se dirigent-ils vers une récession en 2020 ?

Matthieu Grouès. La probabilité nous semble assez faible. Les grands cycles de croissance économique sont composés de cycles industriels de plus faible envergure. La récession survient dès lors que l’industrie, couplée à un autre secteur d’activité, généralement celui de la consommation ou du résidentiel, vient à se contracter. Or, l’ajustement récent du secteur industriel n’est pas de nature à faire entrer l’économie américaine en récession. Il devrait même s’accélérer à nouveau, à un niveau modéré, certes, mais suffisant pour entraîner l’économie américaine avec lui. 

Comment est construit votre portefeuille ? Quel est votre processus d’investissement ? 

M. G. Notre processus d’investissement se divise en deux niveaux d’analyse fondamentale et un mécanisme systématique. Le premier niveau d’analyse de moyen terme où l’on se positionne par rapport au cycle et l’autre de court terme où l’on prend en compte l’ensemble des facteurs pouvant avoir un impact sur les marchés. La construction de notre portefeuille et notre exposition au risque est donc le résultat de ces deux lectures. À cette analyse fondamentale s’ajoute aussi un mécanisme systématique pour réduire les expositions aux différents risques dans des phases où les marchés sont exceptionnellement chahutés.
Pour les actions, nous sommes très sensibles à la dynamique de profits des entreprises. Nous disposons d’une grande liberté dans la constitution de notre allocation. La part de notre portefeuille positionnée en actions peut ainsi varier de 0 % à 40 %, en étant investi en Europe, aux États-Unis ou dans les pays émergents et dans toutes tailles d’entreprise.

"Nous sommes très sensibles à la dynamique de profits des entreprises"

Cette liberté se reflète-t-elle également pour la partie de votre portefeuille positionné sur le crédit ?

M. G. Effectivement, nous sommes en mesure d’investir sur une large palette de placement : de la dette financière subordonnée au segment du high yield et de la dette émergente. Nous pilotons également la sensibilité du portefeuille en fonction de nos anticipations sur les taux. Nous opérons cependant un arbitrage global pour contrôler le niveau de risque et la volatilité.

Julien-Pierre Nouen.  L’un de nos principaux atouts est de pouvoir déléguer la sélection des titres au sein des poches actions et obligataires aux équipes spécialisées de Lazard Frères Gestion. L’équipe de gestion du portefeuille a la responsabilité de réaliser l’analyse de la conjoncture et des marchés et de définir à quelles classes d’actifs allouer l’encours du fonds. La sélection des titres est ensuite déléguée en cohérence avec la vision macroéconomique globale définie en amont.

Lazard Patrimoine RC est un fonds multi-classes d’actifs internationales dont l’exposition actions varie de 0 % à 40 %. Où est placé le curseur aujourd'hui alors que le fonds était investi à près de 25 % en actions au cœur de l’été ?

J-P. N. Nous venons de renforcer notre exposition actions à près de 30 % en privilégiant les actions de petite capitalisation de la zone euro. Celles-ci affichent un retard important par rapport aux grandes capitalisations et pourraient se rattraper dans un contexte où les risques semblent diminuer et où 2020 pourrait voir une amélioration progressive de la croissance dans le cadre d’un de ces mini-cycles industriels.

M. G. Les marchés restent dans une fenêtre d’incertitude sur l’évolution du cycle économique. Il faut garder une vraie mobilité. Il n’est pas conseillé à un investisseur ayant un horizon d’investissement inférieur à trois ans d’entrer sur les marchés actions les yeux fermés. Nous sommes dans la fin du cycle. La capacité à faire évoluer rapidement ses expositions est un atout clé.

"Les marchés financiers restent dans une fenêtre d’incertitude sur l’évolution du cycle économique"

Plus généralement, les fonds patrimoniaux ont longtemps été considérés comme des placements incontournables. Pourtant, depuis trois ans, ces derniers se sont montrés moins performants. Leur promesse est-elle intacte ? Doivent-ils se réinventer ?

M. G. Nous avons conçu le fonds Lazard Patrimoine pour qu’il puisse générer de la performance quel que soit l’environnement. Avec la baisse de la courbe des taux, il devenait difficile de se reposer uniquement sur le portage obligataire. Pour créer de la performance, il nous faut évoluer dans un univers d’investissement élargi, avec la possibilité de se positionner sur plusieurs classes d’actifs et zones géographiques, de réaliser des arbitrages long/short et de prendre des positions sur les devises. Nous avons veillé à pouvoir être en sensibilité négative, avantage essentiel pour profiter d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. La flexibilité est primordiale pour performer dans la durée. L’environnement actuel se montre beaucoup plus difficile pour les fonds patrimoniaux prudents qui ont perdu cette manne apportée par les taux monétaires et obligataires élevés. Ceux uniquement investis en obligations ou actions en zone euro ont une équation quasi impossible à résoudre.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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