Le Parlement a définitivement adopté la loi Pacte le 11 avril dernier. Olivia Grégoire, présidente de la commission spéciale sur le projet de loi Pacte et député LREM de Paris, se penche sur les principales dispositions qui concernent l’épargne.

Décideurs. Pourquoi s’intéresser à l’épargne dans le cadre d’une loi sur le financement des entreprises ?

Olivia Grégoire. Les entreprises françaises s’endettent auprès des banques alors que les Français disposent d’une épargne abondante : fin 2017, les Français avaient une épargne financière de plus de 5 000 milliards d’euros, soit plus de deux fois la richesse créée par la France. Or, mi-2018, l'endettement brut des entreprises françaises a dépassé 4.000 milliards d'euros, soit 175 % du PIB, contre 135 % il y a dix ans. Il y a donc une demande de capitaux et une offre de capitaux qui ne demandent qu’à se rencontrer.

Quels sont vos objectifs pour le volet « épargne retraite » de la loi Pacte ? Quelle est la disposition qui est la plus à même de convaincre les Français d’ouvrir un contrat ?

Nous avons choisi de développer l’épargne-retraite pour deux raisons. La première pour permettre aux Français d’avoir un complément de revenu signifiant au moment de leur retraite. La deuxième pour faire en sorte que nos entreprises soient mieux financées. Nous avions ciblé plusieurs freins au développement de l’épargne retraite. Un frein culturel tout d’abord, les épargnants français étant frileux par rapport aux risques pour leur allocation. Un frein psychologique d’autre part, du fait de la complexité financière de l’épargne retraite. Les quatre produits principaux étaient très fermés, rendant difficile le transfert d’un dispositif à un autre lorsque l’épargnant changeait d’entreprise ou de métier. Nous avons donc voulu rendre l’épargne retraite plus lisible et flexible. L’épargne accumulée sera entièrement portable d’un produit à l’autre. Chaque épargnant pourra conserver un seul produit d’épargne retraite, quel que soit le déroulement de sa carrière. Nous avons également voulu la rendre plus rémunératrice et plus souple. Les épargnants auront désormais le choix entre une sortie en rente et une sortie en capital, avec de nouvelles possibilités de déblocage anticipé comme lors de l’acquisition d’une première résidence principale.

 "Il sera possible de transférer une assurance-vie vers un contrat ouvert ultérieurement chez le même assureur"

Après de longues discussions, les députés ont adopté le principe de « transférabilité interne » des contrats d’assurance-vie sans perte d’antériorité fiscale. Dans quelles conditions cette portabilité pourra se réaliser ? Sachant que son application se fera au bon vouloir des assureurs, pensez-vous que ces derniers joueront pleinement le jeu ?

La loi Pacte soutient une logique de responsabilisation des acteurs. Nous avons eu des échanges approfondis avec les assureurs, j’ai donc bon espoir qu’ils jouent le jeu. Ce passage sur la transférabilité interne est le fruit d’un grand travail des parlementaires, à commencer par le rapporteur Jean-Noël Barrot, qui s’est investi pour offrir aux épargnants une plus grande transférabilité de leurs contrats tout en sauvegardant le système assurantiel. Deux types de transferts seront possibles : une assurance-vie vers un contrat ouvert ultérieurement chez le même assureur et, jusqu’au 1er janvier 2022, une assurance-vie vers un nouveau plan d’épargne retraite. L’un des enjeux de la loi Pacte est de renforcer la concurrence entre les assureurs. À partir du moment où ils seront davantage exposés aux départs de leurs assurés, ils seront obligés de maintenir des conditions contractuelles attractives.

Quelles sont les nouvelles obligations de transparence qui vont s’imposer aux assureurs ?

Un épargnant informé est un épargnant éclairé, en mesure de prendre les meilleures décisions pour son patrimoine. Les assureurs vont devoir aviser les souscripteurs de la performance des contrats, des frais prélevés et des éventuelles rétrocessions de commissions perçues. À compter de 2022, les assureurs seront également contraints d’informer les épargnants sur la manière dont leur politique d’investissement prend en considération les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (critères ESG).

"La loi Pacte soutient une logique de responsabilisation des acteurs"

Jusqu’à présent les fonds Euro-croissance ont été très largement boudés par les assureurs, les intermédiaires financiers et les épargnants. En quoi la nouvelle version du produit peut-elle relancer sa commercialisation ?

Jusqu’ici le fonds en euros croissance était peu attirant pour les épargnants. La loi Pacte propose trois choses. La première est une plus grande lisibilité de la performance de ces fonds : il sera désormais affiché un rendement unifié pour tous les épargnants. La deuxième est d’apporter plus de flexibilité au placement avec des possibles bonifications sur le rendement grâce à des engagements d’investissement plus longs. La troisième, c’est l’attractivité : il sera possible de déduire de l’IR les versements volontaires des épargnants, un abattement supplémentaire de 10 % sera accordé dans le cas d’une sortie en rente. Enfin, j’ajoute que toutes les dispositions votées dans le cadre de la loi Pacte seront évaluées. Nous devrions donc disposer rapidement de données nous permettant de mesurer l’efficacité de cette mesure.

"Les Français privilégient les placements sans risques, peu rémunérateurs"

Une série de mesures visent à redonner un second souffle au PEA et surtout au PEA-PME dont l’encours est inférieur à 1,5 M€. Il est notamment prévu que ces contrats ne soient plus clôturés en cas de retrait après cinq ans. Pensez-vous que cette nouvelle souplesse puisse donner envie aux épargnants d’investir davantage en actions ?

La logique est ici la même que pour l’épargne retraite : apporter plus de souplesse aux épargnants. Cette situation sur les encours est d’autant plus étonnante qu’historiquement, la France a été un grand pays de petits porteurs. Je ne désespère pas qu’elle le redevienne. Aujourd’hui, les Français privilégient les placements sans risques, peu rémunérateurs. 400 M€ sont placés sur les livrets d’épargne. En France, 60 millions de livrets A sont ouverts, contre 60 000 PEA-PME. Cela ne profite ni aux entreprises ni aux Français. Les amendements votés permettent que le PEA ne soit plus clôturé en cas de retrait entre cinq et huit ans. Il y aura simplement un blocage des nouveaux versements. Un retrait réalisé après huit ans n’entraînera plus de blocage. L’épargne pouvant ainsi faire de nouveaux versements sur son PEA. Nous n’avons cependant pas voulu aller plus loin, car on ne souhaitait pas déstabiliser l’édifice déjà fragile du PEA PME.

Pourquoi avoir soutenu la création d’un « PEA jeunes » ? Ce placement peut-il produire des résultats de collecte significatifs ?

Nous l’avons fait dans un esprit de pédagogie. Notre aversion aux risques est un problème culturel, la culture économique et financière des Français est plus faible que chez nos voisins, en Europe du Nord par exemple. Le PEA jeunes est une façon de faire comprendre le plus tôt possible comment se finance notre économie. Il n’a donc pas vocation à être une manne financière très importante pour nos entreprises. 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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