Thomas Hébrard (U’Wine) : « Le choix de vins dépend de l’arbitrage entre profitabilité et liquidité »
Décideurs. Investir dans le vin est-il rentable ?
Thomas Hébrard. Le vin est un investissement de diversification avant tout, disposant d’un fort côté « passion ». Il peut être synonyme de rentabilité à condition de faire preuve de prudence et de respecter plusieurs règles En choisissant bien ses millésimes, en misant sur divers Grands Crus et en sollicitant le bon intermédiaire, l’investissement dans le vin peut être rentable.
Comment contrer l’augmentation des prix des primeurs qui rend moins intéressant ce type de placement ?
Depuis quelques années, les tarifs primeurs augmentent, particulièrement pour les millésimes de grande qualité, comme 2009, 2010, 2015 ou 2016, pour ne citer que les Grands Crus de Bordeaux. Afin d’éviter une contre-performance, il est important de bien sélectionner les vins en comparant les prix actuels de marché (livrables) sur les millésimes de qualité équivalente et les prix de sortie en primeur. Le « prix primeur » a tout de même un atout : en tant que premier prix de vente du nouveau millésime il est a priori le tarif le plus compétitif. De plus, chaque intermédiaire doit prendre sa marge pour vivre, ce qui apporte une évolution naturelle du « prix du primeur ». À moyen terme (5 à 10 ans), le modèle d’achat en primeurs apporte plus de sécurité en étant moins sujets aux volatilités de marché.
L’investissement dans le vin est-il accessible aux novices ?
Investir dans le vin ne signifie pas juste acheter du vin. Il faut sourcer les vins à plus fort potentiel, avoir un achat compétitif en franchise de taxe (pour éviter la perte de la TVA à la revente), gérer la logistique, connaître le bon moment pour revendre et surtout avoir un marché pour revendre les vins. Sur ce dernier point, un professionnel assurant la garantie d’origine et de conservation des vins revendra toujours mieux qu’un particulier. Il est donc compliqué et très certainement moins rentable pour un novice d’investir dans le vin seul et sans l’accompagnement d’un professionnel. Pourtant, investir par ses propres moyens procure le plaisir de sélectionner ses propres étiquettes et de disposer des bouteilles chez soi…
« Le choix de vins dépend de l’arbitrage entre profitabilité et liquidité »
Sur quels vins miser ?
Le choix des vins dépend fortement de l’investisseur et de son arbitrage entre profitabilité/liquidité. S’il recherche la profitabilité, il s’orientera vers des vins encore peu connus, au très bon rapport qualité-prix, et à fort potentiel (dénommés « Rising Stars » chez U’Wine). En revanche, la revente pourra prendre du temps, car elle sera liée à leur gain de notoriété. Si l’investisseur recherche au contraire un vin liquide, c’est-à-dire une revente dans un délai court, il est préférable de miser sur les marques fortes et sur les Premiers Crus. La plus-value générée sera moindre puisque le prix à l’achat est déjà très élevé.
Comment constituer une cave équilibrée ?
Une cave équilibrée doit comporter plusieurs millésimes, plusieurs châteaux et plusieurs appellations. Elle doit par ailleurs respecter une répartition entre valeurs sûres (grandes marques et Premiers Crus), valeurs montantes (plus risquées mais potentiellement plus rémunératrices) et valeurs intermédiaires. Ce juste panachage reflète un équilibre entre liquidité, risque et performance.
Selon vous, quels canaux d’achat privilégier ?
L’achat en primeur garantit trois éléments clés : le premier prix d’achat pour l’investisseur, la provenance des bouteilles et les conditions de stockage. Les enchères ne sont pas recommandées car les vins sont sortis du circuit professionnel, les conditions de stockage ne sont donc plus garanties, ce qui ferme la porte à la revente. Si l’objectif premier est la revente des vins, nous recommandons très fortement d’acheter et de stocker les vins en franchise de taxe.
Propos recueillis par Sybille Vié