Le Conseil d’État a validé à deux reprises la possibilité de combiner le schéma d’optimisation de la donation-cession avec les avantages de la réserve de quasi-usufruit même non assortie de garanties. Ces arrêts pourraient clôturer une longue histoire de tentative de limitation du schéma de la donation-cession de la part de l’administration fiscale.

Par Pascal Lavielle, responsable du service Ingénierie patrimoniale BNP Paribas Cardif.

Une optimisation particulièrement intéres­sante des cessions d’entreprise consiste à procéder à une donation-cession des titres sociaux afin de purger les plus-values latentes. L’intérêt de procéder à une donation préalablement à la cession est de pouvoir retenir non pas la valeur d’acquisition initiale mais la valeur qui a été mentionnée dans l’acte de donation pour fixer l’assiette de la plus-value.

Une histoire ancienne et compliquée

L’administration fiscale a tenté à maintes reprises de remettre en cause cette stratégie patrimoniale. L’ensemble de ces tentatives ont été mises en échec. La première tentative de l’administration fiscale a été de se placer sur le terrain de l’abus de droit. Toutefois, le Conseil d’État a débouté l’administration fiscale de ses prétentions en considérant comme non abusive une donation concomitante à la cession. L’administration fiscale a ensuite essayé d’interdire cette pratique sur le plan législatif, par la loi de finances rectificative pour 2012,
en prévoyant que la donation ne purgeait pas la plus-value si la donation intervenait moins de dix-huit mois avant l’opération de cession. Cette tentative a été censurée par le Conseil constitutionnel. En troisième lieu, l’administration fiscale s’est placée sur le terrain de la chronologie des opérations. La cession doit intervenir postérieurement à la donation pour purger la plus-value. Or, en droit civil, dès qu’il y a accord sur la chose et le prix, la vente est considérée comme réalisée (article 1583 du code civil). L’administration fiscale a sur ce fondement considéré que la cession avait précédé la donation et de ce fait contestait la « purge » de la plus-value. Pour pallier ce problème, il suffit de maîtriser la date du transfert de propriété en sachant que celle-ci sera différente selon qu’il s’agit d’actions ou de parts sociales. Pour les actions, qu’elles soient cotées ou non cotées, le transfert de propriété n’a lieu qu’à l’inscription au compte de l’acheteur (article L 228-1 du code de commerce), et de ce fait la chronologie est facilement respectée. En revanche, pour les parts sociales, celles-ci tombent sous la règle posée par l’article 1583 du code civil (CC), ce qui conduit à une vigilance dans la rédaction de l’avant-contrat. En effet, la Cour de cassation admet que l’on peut déroger à cet article (1583 du CC) en stipulant une réserve de propriété permettant de reporter conventionnellement la date du transfert de propriété.

La tentative de remise en cause par l’administration fiscale

La dernière tentative de remise en cause de cette stratégie patrimoniale de la part de l’administration fiscale s’est située sur le terrain de la réalité de la donation en considérant que dans le cadre du démembrement de propriété et plus particulièrement sur celui du quasi-usufruit le donateur ne s’appauvrissait pas. Ainsi, la donation-cession suivie de la constitution d’un quasi-usufruit à fait l’objet de plusieurs contentieux, l’administration fiscale considérant qu’il y a réappropriation du prix de cession de la part du donateur.

La réponse apportée par le Conseil d’État

Il apparaît que ces contentieux se dénouent en défaveur de l’administration fiscale. Ainsi dans une décision, rendue le 10 février 2017, concernant une donation-cession avec constitution de quasi-usufruit sans clause de garantie de la créance de restitution, le Conseil d’État a débouté l’administration fiscale en considérant qu’une donation peut contenir une clause de quasi-usufruit non assortie d’une caution et en conclut que le donateur doit être regardé comme s’étant effectivement et irrévocablement dessaisi des biens ayant fait l’objet de la donation. Cette donation étant suivie à très bref délai d’une cession. Cet arrêt était très attendu par les praticiens d’autant qu’il fait suite à une précédente affaire dans laquelle le Conseil d’État avait jugé que la conclusion d’une convention de quasi-usufruit postérieurement à la cession des titres et au mépris de la clause de remploi figurant dans l’acte de donation initial relevait de l’abus de droit (CE 14-10-2015).

La mise en place d'un quasi-usufruit dans le cadre d'une opération de donation-cession doit toujours faire l'objet d'une attention particulière

Dans un nouvel arrêt du 31/03/2017, le Conseil d’État a réaffirmé l’absence de fictivité de la donation assortie d’une clause de quasi-usufruit dans le cadre d’une donation-cession et ceci même en l’absence de garanties. Le Conseil d’État, comme il l’avait précédemment fait dans l’arrêt du 10/02/2017, a précisé que le donateur reste redevable à l’égard des donataires d’une créance de restitution d’un montant équivalent. Ainsi, et alors même que cette créance n’était pas assortie d’une sûreté, le Conseil d’État a considéré que le donateur devait être regardé comme s’étant effectivement et irrévocablement dessaisis des biens ayant fait l’objet de la donation.

Les conclusions que l’on peut déduire de ces arrêts

Ces arrêts ouvrent la possibilité du recours au quasi-usufruit qui donne une grande disponibilité dans l’usage des valeurs données pour le quasi-usufruitier. En effet, le quasi-usufruitier peut disposer librement du prix de cession comme un plein propriétaire, à charge pour lui de restituer l’équivalent au bénéficiaire en nue-propriété lors de l’extinction de l’usufruit. Par ailleurs, le quasi-usufruit présente un intérêt fiscal important dans le cadre du mode de calcul des abattements pour la durée de détention sur l’usufruit qui reste taxable. En effet, lorsqu’il y a report du démembrement de propriété, c’est le nu-propriétaire qui est redevable de l’impôt mais sans le bénéfice de l’antériorité fiscale. En revanche, lorsque la cession s’effectue en quasi-usufruit, l’usufruitier est seul redevable de l’impôt, il bénéficie de ce fait de l’abattement pour la durée de détention de 65 % à 85 % en cas de détention supérieure à huit ans. En conclusion, si ces arrêts sont de nature à conforter la pratique, la mise en place d’un quasi-usufruit dans le cadre d’une opération de donation-cession doit toujours faire l’objet d’une attention particulière.

Cardif, un accompagnement expert

Cardif met à la disposition de ses partenaires (conseillers indépendants, cabinets de cession et courtiers) des experts pluridisciplinaires au sein du département d’ingénierie patrimoniale. Ce service de gestion de fortune apporte aux clients des conseils juridiques et fiscaux dans leur environnement global. Il élabore des stratégies patrimoniales adaptées aux objectifs du client. L’équipe d’ingénieurs patrimoniaux Cardif dispose d’une expertise en droit de la famille (successions, donations, régimes matrimoniaux…), droit fiscal, droit des sociétés.

Auteur

Pascal Lavielle est responsable du service Ingénierie patrimoniale BNP Paribas Cardif. Le service expert Ingénierie patrimoniale BNP Paribas Cardif réunit des ingénieurs patrimoniaux dans les domaines de la cession de l’entreprise ou de la réorganisation du patrimoine.

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