Sébastien Barbe (Schelcher Prince Gestion) : « Il reste de nombreuses opportunités pour s’exprimer sur le marché obligataire »
Décideurs. Les investisseurs agissent dans un marché alors que les politiques monétaires des principales banques centrales deviennent asynchrones. Doivent-ils redouter cette situation ?
Sébastien Barbe. Je ne dirais pas qu’elles sont asynchrones car tout ce tient. Le jeu des politiques monétaires est assez fin pour stabiliser les parités de change. Si ces politiques étaient véritablement asynchrones, il y aurait notamment eu des mouvements sur la parité euro/dollar. Paradoxalement, la Fed ne dispose plus que d’une très faible marge de manœuvre. Elle a dû se résoudre à repousser à plusieurs reprises sa décision de remonter ses taux, comme ce fut le cas après le Brexit. Quant à la BCE, contrairement à ses déclarations, je crois qu’elle aimerait bien pouvoir sortir de sa politique actuelle.
Quelle est la stratégie payante pour générer de la performance sur le marché obligataire ?
Avant, il suffisait d’acheter des obligations et de se laisser porter pour réaliser une bonne performance sur ce marché. Aujourd’hui, il convient de faire preuve d’une certaine prudence, d’être capable de garder du cash et de s’organiser pour pouvoir faire preuve de réactivité. Il reste cependant de nombreuses opportunités pour s’exprimer sur le marché obligataire. Je pense notamment au segment du high yield, aux financières, aux dettes non cotées (PME) voire au marché des obligations convertibles.
La politique de quantitative easing menée par la BCE s’est fait ressentir jusqu’au segment du high yield. Conseillez-vous aux investisseurs de se positionner sur des titres moins bien notés mais mieux rémunérés ?
Si la BCE n’achète pas de titres à haut rendement, sa politique a toutefois aussi généré la hausse des titres notés BB voire B. Il peut donc, en effet, être tentant de prendre plus de risques. Toutefois, l’écart entre B et BB est proche de sa moyenne historique. Je n’ai donc pas envie de répondre par l’affirmative à votre question. Il ne me semble pas opportun de prendre davantage de risque sur le seul fait que le rendement des titres mieux notés n’est pas suffisant. Faire l’acquisition d’un titre noté B, c’est une autre catégorie d’investissement, avec une probabilité de défaut plus importante. En suivant ce raisonnement, le risque est d’arriver à la fin du cycle crédit avec des titres notés C et de subir de plein fouet le retournement de marché.
Le marché des Coco Bonds est intéressant mais il convient d’éviter de prendre trop de risques
Les discussions autour d’un assouplissement réglementaire encadrant l’activité des banques vont-elles donner encore plus d’attraits aux « Coco bonds » ?
L’analyse des banques est devenue très sophistiquée. Autant ce sont des titres pour lesquels nous n’avions pas d’attraits particuliers l’année dernière, autant ils présentent désormais un certain intérêt. Plusieurs conditions doivent cependant être réunies. La première est qu’il ne faut pas anticiper un choc financier en Europe. La seconde concerne l’anticipation de changements réglementaires. Pour simplifier, à ce jour, lorsqu’il n’y a pas de dividendes payés par l’action, la société ne peut pas verser de coupons aux porteurs du titre. Cette règle pourrait être modifiée, plaçant ainsi le détenteur du titre de dette en bien meilleure position. Pour conclure, je dirais que c’est un marché intéressant mais dans lequel il convient d’éviter de prendre trop de risques, ces titres demeurant très volatils.
Vous avez évoqué les titres de dettes non cotés. Quel est le profil des sociétés qui vous intéressent ?
Nous sommes assez ouverts sur cette classe d’actif en termes de secteurs, de formats ou de tailles. Nous intervenons en complément des banques sur des tranches in fine de cinq à huit ans. Nous avons développé une méthodologie propriétaire pour calculer les risques. Les opérations qui nous intéressent sont celles dont l’Expected Loss (Probabilité de défaut x Perte en cas de défaut) est proche de celui des obligations traditionnelles notées BBB-/BB+, mais avec un rendement entre 3% et 5%. On bénéficie en général de garanties bien supérieures aux titres côtés, en contrepartie d’une liquidité bien moins importante. Dans cette logique, nous avons par exemple financé dernièrement Isabel Marant dans le cadre de sa recomposition capitalistique et de son développement international.
Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)