Lancé en 2018, l’accélérateur Prevent2Care déniche et accompagne les start-up et associations qui innovent en matière de prévention santé. Rencontre avec Brigitte Cachon, déléguée générale de la Fondation d'entreprise Ramsay santé et directrice communication, marque & RSE de Ramsay santé, et Sylvie Troy, directrice médicale adjointe de Pfizer en France et représentante du Fonds de dotation Pfizer Innovation France, toutes deux porte-parole du programme.

Décideurs. En France, la stratégie nationale de santé 2023-2033 place la prévention parmi ses axes de priorité. Comment les laboratoires Pfizer et les établissements Ramsay santé participent-t-ils à cet élan ?

Sylvie Troy. Nous sommes convaincus qu’il faut dépasser l’approche restrictive du "tout curatif" pour se diriger vers une démarche globale qui commence en amont de l’apparition des maladies. Avec seulement 3% des dépenses de santé en France, la prévention incarne le parent pauvre du secteur. Pfizer s’investit dans différents axes de prévention, notamment avec la vaccination à différents âges de la vie, la sensibilisation à l'antibiorésistance, l’observance thérapeutique, le tout, en optimisant les parcours de soins, en particulier auprès des patients atteints de maladies chroniques. Le groupe s’implique aussi dans le développement d'outils de dépistage précoce de certaines pathologies cardiaques, entre autres. Notre contribution au Prevent2Care, aux côtés de Ramsay santé et Inco, complète cet engagement.

"L’adoption des bons gestes préventifs permettrait d’éviter 70% des maladies chroniques et de sauver 100 000 vies chaque année"

Brigitte Cachon. L’adoption des bons gestes préventifs permettrait d’éviter 70% des maladies chroniques et de sauver 100 000 vies chaque année. Ces "bons gestes" reposent sur des actes du quotidien tels que prendre soin de son sommeil, de son alimentation, de sa santé mentale ou pratiquer une activité physique. Aujourd’hui, l’explosion des maladies chroniques se heurte au manque croissant de soignants. Développer la prévention est donc un acte de santé publique que Ramsay Santé prend pleinement en compte avec le développement de centres de soins primaires. Ces centres, sur le modèle de la filiale suédoise du groupe, misent sur l’entretien du capital santé des citoyens, avant même qu’ils tombent malades, à travers une prise en charge au forfait et non à l’acte.

L’accompagnement du Prevent2Care s’étend au-delà des start-up. Pourquoi avoir choisi de valoriser également des projets associatifs ?

S.T. En fonction des territoires, les enjeux de santé diffèrent. Les associations disposent d’une fine connaissance des populations locales qui leur permet d’apporter des solutions plus adaptées aux besoins. En parallèle, les start-up développent des solutions innovantes au bénéfice des citoyens. Les associations représentent ainsi une cheville ouvrière qui contribue au déploiement optimal de ces innovations vers les populations en attente. C’est en ce sens que le Prevent2Care se distingue.

B. C. Chaque année, nous réalisons un tour de France à la recherche de projets innovants en matière de prévention. Les associations ciblent parfois des problématiques de niche en apportant ces mesures préventives auprès de populations éloignées du soin. À Lyon, l’association Premiers de cordée vise à offrir aux enfants en situation de handicap une pratique sportive adaptée et personnalisée directement dans les hôpitaux. Si les start-up cherchent à mener des levées de fonds, les associations considèrent un développement relatif à des aspects extra-économiques. Cette différence constitue une force. Les contributions des uns et des autres ont permis d’accompagner plus de 110 structures et d’atteindre 5 millions de personnes via le Prevent2Care.

"Les contributions des uns et des autres ont permis d’accompagner plus de 110 structures et d’atteindre 5 millions de personnes via le Prevent2Care"

Quel soutien apportez-vous aux start-up ?

B. C. Avec l’incubateur, les start-up disposent des expertises de nos équipes. À chaque projet sa mise en relation, avec les talents de Pfizer pour les innovations de recherche et les médecins de Ramsay santé pour des dispositifs de parcours de soins. Elles bénéficient ainsi d’un point de vue expérimenté en matière de réglementation, d’accès au marché et de terrains d’expérimentation optimaux pour leurs solutions. Au lancement du Prevent2Care en 2018, nous étions les seuls à proposer ce type d’accompagnement pour faire grandir les innovations de prévention. Ces deux thématiques ne sont pas toujours naturellement liées dans l’esprit de chacun. La prévention est souvent caractérisée comme une contrainte et ne serait pas innovante. La 5e promotion de l’incubateur a révélé beaucoup de créativité, pas uniquement numérique mais également organisationnelle ou relationnelle, avec de nouveaux thèmes comme la santé environnementale.

Sur quels segments ces structures agissent-elles ?

S. T. Les start-up et associations du Prevent2Care déploient des projets de prévention primaire, pour empêcher l’apparition de maladies, au stade secondaire, afin de déceler des maladies qui n’ont pas pu être évitées par la prévention, limiter leur évolution ou faire disparaître les facteurs de risques, et au stade tertiaire, pour éviter les rechutes et améliorer la qualité de vie.

"Avec les bons gestes de prévention, l’espérance de vie en bonne santé en France pourrait croître de 14 ans pour les hommes et de 18 ans pour les femmes"

Une attention particulière est portée aux projets consacrés aux jeunes générations, qui vivent une période propice à l’intégration d’automatismes de prévention bénéfiques tout au long de la vie. Ces jeunes jouent également un rôle de vecteur notamment envers leurs ainés.

B. C. Avec les bons gestes de prévention, l’espérance de vie en bonne santé en France pourrait croître de 14 ans pour les hommes et de 18 ans pour les femmes. Parmi les start-up que nous avons accompagnées, Dépist&vous entend favoriser le dépistage précoce des cancers pour assurer une rémission plus rapide. Au sein de la start-up danoise I Bedste Fald, un judoka enseigne aux soignants, comment aider les personnes âgées à bien tomber pour ne rien se casser. Il explique que la peur de chuter chez les personnes âgées engendre, en plus de leur isolement, une fragilité globale du fait de la sédentarité associée à la perte musculaire. En leur apprenant les bons réflexes, on attaque le problème à la racine. Enfin, l’association Banlieues Climat va à la rencontre des jeunes de quartier pour échanger afin de les sensibiliser aux enjeux climatiques sur leur santé.

Quels acteurs manquent à l’appel dans ce projet de prévention, selon vous ?

B. C. Au-delà de Pfizer Innovation France et la Fondation Ramsay santé, Elior santé prend une part active au Prevent2Care sur les sujets de la nutrition. Pour l’heure, nous n’avons pas de grand partenariat avec les pouvoirs publics, hormis nos Rencontres prévention santé annuelles, parrainées par le ministère chargé de la Santé et de la prévention. La dernière édition a eu lieu le 4 avril, sur le thème des jeunes et des fake news en santé. Nous aimerions voir les pouvoirs publics plus présents à nos côtés. Nous essayons ainsi de capter l’attention et d’engager des actions avec les ARS, la HAS [les Agences régionales de santé et la Haute autorité en santé, Ndlr] et d’autres autorités de santé locales en les invitant à soutenir les initiatives que nous découvrons lors de ce tour de France des associations, en matière de prévention.

"Les mutuelles et les assureurs ont également un rôle à jouer dans ce projet de société"

S. T. Les mutuelles et les assureurs ont également un rôle à jouer dans ce projet de société. Un assuré qui prend soin de sa santé aura moins de risques de tomber malade. Ce cercle vertueux profite à tous : à l’individu, au système de santé et à l’ensemble de la société, avec des enjeux sanitaires, économiques et sociaux. Tous les acteurs concernés par la prévention sont les bienvenus, le meilleur moyen de faire bouger les lignes est de capitaliser sur la force du collectif.

L’accélérateur agit jusque dans les pays nordiques. Quels enseignements la France peut-t-elle tirer des bonnes pratiques de ces territoires ?

B. C. Les pays scandinaves ne parlent pas de prévention mais plutôt de "primary care", un terme qui renvoie à la notion de soins primaires. Éviter de tomber malade représente, en soi, un premier acte de soins. La filiale suédoise de Ramsay santé dispose de 130 centres de soins primaires et seulement 8 cliniques. En France, c’est l’inverse. Dans ces pays, il y a une réelle articulation entre les missions des médecins, qui se concentrent sur les tâches qui leur sont propres telles que le diagnostic, et celles des infirmières, qui assurent les aspects administratifs tels que le renouvellement d'ordonnances, les entretiens ou la vaccination. Autre exemple, lorsqu’une maman accouche en Suède, elle reste 24 heures à la maternité. La première année, une infirmière lui rend visite et les rendez-vous chez le pédiatre n’auront lieu que si l’enfant tombe malade. En France, les rendez-vous chez le pédiatre sont fixés plusieurs fois dans l’année alors que votre enfant se porte bien. Ces pratiques, encore balbutiantes dans l’Hexagone, pourraient ainsi contribuer à faire face aux pénuries de médecins.

Propos recueillis par Léa Pierre-Joseph

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